HTILLETIN

DE LA

SOCIÉTÉ FRANÇAISE

publié par M. le D' Ernest WICKERSHEIMER

Spcr(>laire gcndral

Tome X. Année 1911

PARIS

Honoré CHAMPION, Editeur 5, quai Malaquais, 5 19H

BULLETIN

BULLETIN

SOCIÉTÉ FRANÇAISE

Publié par M. le D' Ernest WICKERSHEIMER

Tome X. Année 1911

I>AB1S

Honoké CHAMÉlüN, Éditeur li, quai Malaquais, 5

1911

BULLETIN

SOCIÉTÉ FRANÇAISE

D’HISTOIRE DE LA MÉDECINE

ST A.TXJTS

'IlédacHoii en date du S février ilWSJ

Article premier

La Société franc, aine d'Hktoire de la Médecine a pour objet d’étudie,!’ l’Iiistoire de la médecine et des sciences qui s’y rattachent, considérées au multiple point de vue de l’évolution des doctrines et des institutions, de la biographie, de la bibliographie et des recherches documentaires.

Elle se propose, dans ce but, d’organiser dos réunions mensuelles régulières de ses membres, de provoquer des visites collectives aux différents établissements ayant un caractère historique, et de faire tous ses efforts, en inter¬ venant soit auprès des Pouvoirs publics, soit auprès des particuliers, pour qu’il soit porté la moindre atteinte possible aux objets et aux documents intéressant l’tiistoire médicale de notre pays.

Article 2

La Société publie un litdlelin périodiijue, contenant les actes officiels de la Société, le texte des procès-verbaux, les renseignements bibliographiques qu’elle a réunis et, soit l'intégralité, soit le résumé des travaux qui lui sont commu¬ niqués.

La Société pourra se diviser en plusieurs commissions ayant chacune un Président et un Secrétaire, que ces

6

personnes soient ou non membres du Bureau ou du Conseil, L’opportunité de, celte division: en commissions et la répar¬ tition de ces dernières sont laissées à la diligence du Conseil.

Article d

Toute discussion portant sur dès questions politiipies, religieuses ou étrangères à Tobjet de la Société, est rigou¬ reusement interdite. ^

Composition

-VllTlCLE 4

La Société comprend des .Membres honoraires, des .Membres perpétuels, des .Memlires donaleurs el des Membres aciils sans distinctions (ie sexe ni de nationalité.

Article ü

Les Membres honoraires sont atiVancliis de toute cotisation ; ils reçoivent gratuitement un exemplaire de toutes les publications de la Société, sans que cette mesure puisse avoir d’eflet réiroactif. Leur nombre ne jieut être supci'ieurà douze.

Article li

Toute candidature au titre de Membre honoraire doit être formulée dans une lettre adressée au Président et signée au moins par dix membres de la Société. Il est donné lecture de cette lettre en séance ordinaire. L’un des membres présents est désigné par le Président pour faire, à la prochaine séance, un rapport sur cette candidature. IlesI ensuite précédé à un vote par bulletins secrets. L’élection se fait à la majorité des deux tiers des sullrages exprimés.

.Vrticle 7 .

Peuvent être .Membres actifs toutes les personnes (|ui satisferont aux conditions suivantes:

1” Etre présenté par deux membres ; le vote d’admission a lieu à la séance suivante. L’élection se fait à la majorité absolue des suffrages ;

Payer une cotisation annuelle dont le taux est indiqué au règlement et en échange de laquelle on reçoit les publi¬ cations de la Société.

^ 7

Article 8

Le titre de Membre perpétuel appartient à toute personne qui, soit à son entrée dans la Société, soit à une date ulté¬ rieure, a versé une somme d'au laoias deux cents francs.

Les droits des Membres perpétuels sont les mêmes (|ue ceux des Membres actils.

Article 9

Le titre de Membre donateur appartient à toute personne qui, soit à son entrée dans la Société, soit à une date ultérieure, a versé une somme d'au moins qualre cents francs, soit en une fois, soit en deux versements annuels.

Les Membres donateurs font de droit partie du Conseil. Après décès, leurs noms seront inscrits à perpétuité en tête de la liste des membres de la Société.

Ressources

Article 10

Les ressources de la Société se composent ;

1" Des cotisations annuelles ;

2” Du produit de la vente du Bulletin et des autres publi¬ cations de la Société (abonnements, vente an numéro, etc.), conforinément aux clauses du traité passé avec l’éditeur on le libraire dépositaire ;

3“ Du produit des réunions, conférences, fêles, expositions, etc., organisées au prolit de la Société ;

4“ Des subventions qui pourraient lui être accordées ;

o” Des dons manuels qui pourraient lui être faits ;

6" Du revenu des capitaux placés.

Article 11

Les sommes versées tant par les Membres perpétuels que par les Membres donateurs seront capitalisées et placées en rentes françal.ses ou garanties par l’iîlat français, en obli¬ gations de chemins de fer ou en valeurs à lots du Crédit foncier, de la Ville de Paris. Les arrérages des titres de renie sont incorporés au budget annuel, sans être soumis à remploi.

Administration

Article 12

La Sociélù est administrée par son Bureau et par son Conseil.

Article 13

Le Bureau comprend : un Président, deux Vice-Présidents, un Secrétaire général, deux Secrétaires, un Trésorier et un Archiviste-bibliothécaire.

Le Président veille à la stricte observation des statuts et du règlement. Il conduit les travaux, dirige les délibérations et représente la Société en toutes circonstances.

En cas d’absence ou d’empêchements, il est remplacé par l’un des Vice-Présidents.

Le Secrétaire général est chargé de la correspondance et de la publication du Bulletin, dont il corrige les épreuves et qu’il signe comme gérant.

Les Secrétaires sont chargés de la rédaction des procès- verbaux ; ils aident le Secrétaire général dans ses différentes attributions.

L’Archiviste-Bibliothécaire est chargé de la réception, de renregistrement, du catalogue et de la garde des objets, docu¬ ments et livres reçus par la Société ou acquis par elle.

Le Trésorier opère toutes les recettes et acquitte toutes les dépenses autorisées par le Conseil.

.\nTiCLn 14

Le Président et le Secrétaire général sont élus pour deux ans. Les autres membres du Bureau pour une année seule¬ ment. ils sont tous rééligibles, à l’exception du Président, qui ne peut être réélu avant deux ans.

Article 13

Le Conseil comprend :

T' Tous les membres du Bureau ;

2’ Les membres donateurs ;

3* Les anciens présidents pendant trois ans ;

4” Neuf membres élus, renouvelables par tiers tous les ans, d’après un ordre établi par voie de tirage au sort.

Les membres sortants sont immédiatement rééligibles. Une place peut être réservée, dans chaque série annuelle, à

un membre non résidant ou étranger, sans que le nombre des membres de cette catégorie puisse être jamais supérieur au tiers du nombre des membres élus.

Article 16

Toutes les fonctions du Bureau et du Conseil sont gratuites.

.Article 17

L’élection des membres du Bureau et du Conseil a lieu dans la dernière, séance de l’année. Le vote par correspon¬ dance est admis.

Article 18

Le Bureau et le Conseil sont chargés des intérêts de la Société. Au Bureau incombe l’administration courante. Le Conseil connaît de toute question relative aux élections, engageant les finances de la Société et concernant son action matérielle ou morale. D'une façon générale, il s’occupe de toute alîaire sur laquelle il y ait à délibérer.

Article 19

Le Président convoque le Bureau et le Conseil toutes les fois qu’il le juge iiécesaire.

En outre, le Bureau et le Conseil se réunissent de plein droit et délibèrent valablement toutes les fois que le Prési¬ dent ou l'un des Vice-Présidents ont été saisis d’une demande de convocation, signée soit par trois membres du Bureau, pour la convocation de celui-ci ; soit par six membres du Conseil, dans le cas de convocation du Conseil, soit par douze membres de la Société. Dana l’un et l’autre cas, la demande de convocation du Bureau ou du Conseil doit exposer le motif de la réunion et indiquer les questions qu'il semble utile de mettre en discussion.

Article 20

Les délibérations du Conseil sont transcrites par l’un des Secrétaires sur un registre spécial ; le procès-verbal de chaque séance est signé par le Président et le Secrétaire général.

■Article 21

L’exercice financier de la Société est annuel. Dans la séance de janvier, le Trésorier dépose ses comptes, qui doivent être examinés par une Commission de deux Membres, nommée

- 10

par la Société sur la proposition du Bureau. Cette Commis¬ sion dépose à la séance suivante, c’est-à-dire à l’Assemblée générale, un rapport écrit dont les conclusions sont mises en discussion.

Assemblée générale Article 22

La Société se réunit chaque année en Assemblée générale dans le courant de février. Cette Assemblée générale peut se tenir sous la présidence elïective d’un Président d’honneur choisi |)ar le Conseil. Une convocation spéciale, faisant con- nallre le programme de la réunion, est envoyé à tous les membres de la Société.

Modification des Statuts, dissolution de la Société Article 23

'l’oute modilication des statuts ne peut être votée qu’en .Issemblée générale extraordinaire, dûment convoquée à cet ellet. Le vote n’est valable qu’autant qu’il réunit les deux tiers des voix des membres présents.

.\rtiole 24

De même, la dissolution de la Société ne peut être votée (lu'en .Assemblée générale extraordinaire, dûment convoquée à cet elTet; trois mois au moins avant sa réunion, il aura été distribué à chaque membre un rappori exposant les motifs de cette dissolution. L’Assemblée n'est valablement constituée (|uc si au moins la moitié plus un des membres inscrits y sont présents ou représentés par un confrère auquel Us auront à cet efîot délégué leurs pleins pouvoirs. Un même membre présent ne pourra représenter plus de quatre mem¬ bres absents. Les résolutions sont prises à la majorité des tiers des membres présents ou représentés.

Toutefois, si. après une p'^emière convocation, le quorum ci-dessus spécilié n'est pas atteint, il .sera convoqué une seconde Assemblée dans les mômes formes, qui délibérera valablement, quel que soit le nombre des membres présents ou représentés.

Auticle 25

El) cas de dissolution, l’Asseniblée générale décide de l’usage qui sera fait des liiens de la Sociélé et de son avoir.

■Autigle 2fi

Tout nieinbrc qui est resté trois ans sans iiayer sa cotisa¬ tion peut être rayé de droit.

.\iiricLn 27

L'élection des neuf premiers membres du Conseil aura lieu à l’Assemblée générale de dllOti, d’après une liste préparée par le Bureau, à la majorilé absolue et quel (pie soit le nom- lire des votants. Au cas où, parmi les neuf membres élus, il se trouverait des membres non résidanls ou étrangers, au nondire de trois au maximuni, il serait piocédé entre eux à un tirage au sort, atin de les réparlir entre chacun des tiers du Conseil. 11 sera procédé ensuite à une opération toute sem¬ blable, en vue de répartir les membres résidants entre les trois séries de membres du Conseil. De ce fait, le Conseil se trouvera constitué et son roulement sera établi.

Auticle 28

La Société tient ses séances à la Faculté de Médecine de Paris. Sa Bibliothèque et ses Archives se trouvent au Labo¬ ratoire de Parasitologie.

Le siège de la Société, de sa Bibliothèque et de ses Archives pourra être transporté en tout autre endroit, suivant les circonstances, si le Conseil en décide ainsi. De même, les jours et les heures des séances pourront être modiliés suivant les besoins.

Règlement intérieur

Auticle l'UEMiEii

Le siège social est au domicile du Secrétaire général. AnTicLi! 2

La Société tient ses séances le deuxième mercredi de chaque mois, à cinq heures de l’après-midi, sauf pendant les mois d’août et de septembre.

Quand la date de la séance coïncide avec un jour férié, la

- 12

réunion est avancée ou reculée d’une semaine, suivant les circonstances, par simple décision du Bureau.

Article 3

Tout membre ayant une communication à faire doit, pour être inscrit à l’ordre du jour, en prévenir le Secrétaire géné- ral au moins dix jours avant la date de la séance.

Article 4

La cotisation est fixée à douze francs par au. L’année compte toujours du 1" janvier. Chaque membre paiera un droit d’entrée de dix francs.

Article S

Le üulletin est publié par volumes annuels ; il parait par fascicules mensuels,

Le Bulletin sera publié aux frais de la Société et à l’avenir il ne dépendra d’aucun journal ;

La liste des membres et le règlement paraîtront dans le premier fascicule de Tannée ;

Deux Secrétaires seront, à tour de rôle, chargés de prendre chaque mois le compte rendu de la séance et de recevoir les travaux des auteurs, mais ce sera toujours le môme Secrétaire qui correspondra avec l’imprimeur ;

Au cas ne peuvent prendre place que des extraits ou des résumés des travaux communiqués en séance, l’auteur s’entend avec le Secrétaire général pour la désignation des passages à publier.

Article 6

Les opinions émises par les auteurs n’engagent qu’eux : la Société n’en assume pas la responsabilité.

Article 1

La Société offre aux auteurs 23 e^veinpUiires de leurs travaux, mais sam réiiaposiliou et sans changement de pagination. La réiinposition, avec pagination nouvelle, sera à la charge de l’auteur, qui s’entendra directement avec l’imprimeur. Tout membre désirant des tirages à part est tenu d’en aviser le Secrétaire général dans la semaine qui suit sa communication.

Article 8

Tout tiré à part doit porter à la fin du texte la formule

- 13

suivante : Extrail du Bulletin de la Société françnne d’ Histoire de la Médecine, tome . , page . , année .

Article 9

Le Conseil se réunit de plein droit dans la première quin¬ zaine de novembre, en vue d’arrêter la liste des candidats au Bureau et aux places laissées vacantes dans le Conseil.

Article 10

Dans le cas un ou plusieurs membres du Conseil seraient appelés par les élections à faire partie du Bureau, le Conseil serait complété immédiatement par un vote des membres présents à la séance. 11 en sera de même en cas de ballottage.

Les nouveaux élus prennent, dans chacun des tiers du Conseil, la place laissée vacante par les personnes qu’ils sont appelés à remplacer.

Article 11

La Bibliothèque, les Archives et la réserve des publications de la Société sont confiées à la garde de l’Archiviste-Biblio¬ thécaire. Les livres appartenant à la Société sont inscrits sur les registres-inventaires de celle-ci et sont marqués du timbre de la Société. Ils sont ensuite déposés à la Biblio¬ thèque de la Faculté de médecine de Paris, on les commu¬ nique aux membres de la Société aux heures d’ouverture.

Article 12

L’Archiviste-Bibliothécaire est chargé de la réception, de l’inscription et du catalogue des volumes, brochures et docu¬ ments. 11 est comptable des publications en réserve vis-à-vis de la Société. 11 fait chaque année, dans la séance de janvier, un rapport écrit sur son administration. Ce rapport est soumis à l’examen d’une commission de deux membres, qui vérifie l’état de la Bibliothèque, des Archives et des réserves et en rend compte à l’Assemblée générale.

LISTE DES MEMBRES

Arrêtée au t'»' Janvier 1011

Acmaud (l)'), Prol'csseur à la Facultt' (lo> Médeoiiio, Médecin des hôpitaux, rue du Faubourg-Saiiit-Honoré, 164 (1).

Aubert (D'), Chirurgien en chef de l’Anliquaille, rue Victor- Hugo, 33, Lyon.

Halde.wveck {!)'), ancien Interne des hôpitaux de Paris, 87, rue de Monceau.

Hallet (D' Gitbert), Professeur à ta Paculté de Médecine, rue du Général-Foy, 39.

Barbé (1)'), ancien Interne des hôpitaux de l'aris. Chef de clinif|ue à la Faculté de Médecine, rue de Luynes, 11.

Barbillon (D'), ancien Interne des hôpitaux de Paris, avenue de l’Observatoire, 24.

Baudot, Pharmacien, place Darcy, Dijon.

Baudouin (D' .Marcel), ancien Interne des hôpitaux de Paris, rue Idnné, 2t.

Beaudoin (D' Frédéric), rue du Cliâteau, Alençon (Orne).

Beauvois (D'), rue d'Orléans, 21, Neuilly-sur-.Seine.

Beluze (D'), rue des Francs-Bourgeois, 54.

Bénard (D'), Chôteau-Gontier (.Mayenne).

Beroounioux (D'). ancien Médecin principal de l’année. Belfort, par Lalbenque (Lot).

Bérillon (D'), Médecin-Inspecteur des asiles d’aliénés, rue de Castel lane, 4.

Blanchard (D' Haphaël), Professeur à la Faculté de Méde¬ cine, membre de l’Académie de Médecine, boulevard Saint-Germain, 226.

Bonaparte (prince Boland), membre de l’Institut, avenue d’iéna, 10.

Bos (D' Alphonse), rue Nicolas, 28, Marseille

Boutineau, membre de la Société archéologique, rue de l’Alma, 73, Tours.

(1) o(t le nom rte la ville n'est pas indiqué, il s’agit de Paris.

Hhæmku (U'j, l-’rofesseur à la Faculté mixte de Médecine el de Pharmacie de Toulouse.

Buunot (A.), Directeur de Mcdidna, rue Henri-Martin, (i.

Bugiel (D'), boulevard Saint-Marcel, 72.

Carbonnelu (D'), Directeur de la Maternité. San-Massimo, 33, Turin.

Fartaz (D'), ancien Interne des liôpitanx de l’aris, boulevard Haussmann, 39.

(’.AWADiAS (D'), ancien Interne des ii6|)itanx de Paris, rue Lesieur, 14.

Fayla (D'), ancien interne des liôpitaux de Paris, avenue de Neuilly, 31, Neuilly-sur-Sclne.

('.hai'ut (D‘ U.), Cliirurgien des hépitaux. avenue d’Eylau, 21 .

('.HASSEVANT (D'), Pi’ofesseur agrégé à la Faculté de Méde¬ cine, rue La Boëtie, 122.

Chauffard (D'), Prolesseur à la Faculté de Médecine, Méde¬ cin des hôpitaux, membre de l’Académie de Médecine, rue Saint-Simon, 2.

Chaumont (D“), rue de Vaugirard, (13.

Chauveau (D'j, boulevard Saint-Germain, 22;).

Cheylud (Em.), Pharmacien, à la Roche-Chalais (Dordogne).

CoHNiLEOT (D'), Bibliothécaire à la Faculté de Médecine, rue Gazan, 39.

Cornu (D'^, à Neuvy (Yonne).

CouRTADE (D" A.), ancien Interne des hôpitaux de Paris, rue de Castellane, 14.

DÉ.JERINE (D'), Professeur à la Faculté de .Médecine, Médecin des hôpitaux. Membre de l’Académie de .Médecine, boule¬ vard Saint-Germain, 179.

Delaunav (D' Paul), ancien Interne des hôpitaux de Paris, 14, rue de la Prélecture, Le Mans.

Delbeï (D' Paul), ancien Chef de clinique de la Faculté de Médecine, 14, rue Boquépinc,

Deeorme(D'), Membre de l’Académie de Médecine.

Deboide (D ), ancien Interne des hôpitaux de Paris, Calais.

Desnos iD'), ancien Interne des hôpitaux de Paris, rue Ea Boëtie, 59.

Dignat (DG, avenue Carnot, 14.

Dorveaux (D' Paul), Bibliothécaire en chef de l’Ecole supé¬ rieure de Pharmacie, avenue d’Orléans. .58.

- 16 -

J)upRÉ (D'), Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris, Médecin des hôpitaux, rue Ballu, 17.

Fabre (D'), Correspondant de l’Académie de Médecine, Coni- mentry (Allier).

Farez iD'), boulevard Uaussniann, 154.

Fay (D' Marcel), ancien Interne des asiles de la Seine, 11 bis- rue de Thann.

Fay (Maurice), Chirurgien-dentiste, 17, rue de la Ville- l’Evêque.

Fiessinger (D‘), Rédacteur en chef du Journal des Praticiem, Correspondant de. l’Académie de Médecine, 5, rue de la Renaissance.

Flandrin (D'), Médecin accoucheur en chef de l’Hôpital, place Grenette, 11, Grenoble.

Florence (D‘), Professeur à la Faculté de Médecine, rue Culatte, 3, Lyon.

Fournier >D' Alfred', Professeur honoraire à la Faculté de Médecine, Médecin honoraire des hôpitaux. Membre de l’Académie de Médecine, rue de .Miromesnil, 77.

Fournier iD' Edmond', rue de Miromesnil, 77.

Fournier (D"^ Henri), rue de Lisbonne, 11.

Gariel (D'), Professeur à la Faculté de Médecine, membre de l’Académie de Médecine, rue Edouard-Detaille, 6.

Garsonnin (U'), boulevard Saint-Vincent, 24, Orléans.

Genévrier (D' J.), ancien Interne des hôpitaux de Paris, rue du Pré-aux-Clercs, 8.

Gilbert (D';, Professeur à la Faculté de Médecine, Médecin des hôpitaux, membre de l’Académie de Médecine, rue de Rome, 27.

Grasset (D'), Professeur à la Faculté de Médecine, rue J. -J. Rousseau, Montpellier.

Guelliot (D' Octave), Chirurgien de l'Hôtel-Dieu, rue du Marc, Reims.

Guiart (D'), Professeur à la Faculté de .Médecine de Lyou.

Guillon (D' Paul), boulevard Malesherbes, 69.

Guyon (D'), Professeur honoraire à la Faculté de Médecine, Chirurgien honoraire des hôpitaux. Membre de l’Institut et de l’Académie de Médecine, rue de La Baume, 1.

Gyôry (D' de), Privat-docent d’histoire de la médecine à rUniversité, Veres Palné-utoza, 34, Budapest, IV.

il

H AHN (D' Lucien), Bibliothécaireà la Facullé de Médecine, rue Gay-Lussac, 28.

Hamonic (D'), ancien Interne des hôpitaux de Paris, rue Clauzel, 7 ter.

Houssay (D' Fr.), Pontlevoy (Loir-et-Cher).

Institut de l’histoire de la médecine de l’université, ïalstrasse 33, Leipzig.

Jablonski (D'j, Médecin des hôpitaux, rue des Arènes, 17, Poitiers.

Jeanselme (D' Edouard), Professeur agrégé à la Faculté de Médecine, Médecin des hôpitaux, quai Malaquais, 3.

.Iennings (D'), route de la Croix, 3, Le Vésinet (S.-et-O.).

Joly (D'L Médecin consultant à Bagnoles-de-l’Orne, villa des Lotus. L’hiver, boulevard Raspall, 39, à Paris.

Labadie-Lagrave (D'), Médecin des hôpitaux, avenue Mon¬ taigne, 8.

Lacassagne (D'h Professeur à la Faculté de Médecine, place Raspail, 1, Lyon.

Landouzy (D'j, Doyen de la Faculté de Médecine, Médecin des hôpitaux. Membre de l’Académie de Médecine, rue de l’Université, 13.

Langlois (D'), Maubeuge (Nord).

Lapersonne (D' DEl, Professeur à la Faculté de Médecine, boulevard Malesherbes, 90.

Leclair (Edmond), Pharmacien des hôpitaux, rue de Puebla, 33, à Lille.

Ledé (D' Fernand), quai aux Fleurs, 19.

Ledoux-Lebard (D'), 22, rue Cléinent-Marot.

Legrand (Noé , BibUplhécaire à la Faculté de Médecine, rue des Feuillantines, 10.

Lejars (D'), Professeur agrégé à ia Faculté de Médecine, Chirurgien des hôpitaux, rue de la Victoire, 96.

Lemaire (D'h ancien interne des hôpitaux de Paris, rue de Rigny, 3,

Le Pileur (D'), Médecin de Saint-Lazare, rue de i’ Arcade, 13.

Leri (.André!, ancien interne des hôpitaux de Paris, avenue Hoche, 38.

Leüdet (D'h rue de Miromesuil, 66.

Lévy (D' Fernand), ancien interne des hôpitaux de Paris, rue La Boétie, 62.

Lucas-Championnièrk (D'), Chirurgien honoraire des hôpi

lluU. Soc. jr. htsl. méd., X, 19H.

18

taux, membre de l’Académie de Médecine, avenue Mon¬ taigne, 3.

Lutaud (D'), Médecin de Saint-Lazare, rue Pierre-Charron, 31.

Magnan (D'), Médecin de Sainte-Anne, membre de l’Acadé¬ mie de Médecine, rue Cabanis, 1.

Maison (D'), Le Vésinet (Seine-et-Oise).

■VIarik (D' A.), .Médecin en cbel de l’asile de Villejuif (Seine).

Meic.e(D' Henry), rue de Seine, 10.

Ménétrieh (1)'), Professeur agrégé à la Faculté de .Médecine, -Médecin des hépitaux, boulevard Saint-Michel, 39.

.Mercier (D' Raoul), boulevard Heurteloup, 41, ’l'onrs.

Meunier (D'), rue Thlers, 16, Pontoise.

Moulé (L.), vétérinaire sanitaire, rue de la Tour, 27, à Vitry- le-François.

Næoeli-Akerblom (D'), Privat-docent à l'Université de Genève, rue ïôpfler, 11 bis, Genève.

-Mass (D'), villa David, 12, Vincennes.

Netter (D'), Professeur agrégé à la Faculté de Médecine, ■Médecin des hôpitaux, membre de l’Académie de Médecine, boulevard Saint-Germain, 104.

Neveu (I)' Raymond), rue de Paris, 141, à Clamart (Seine).

NicAiSE (D' Victor), ancien Interne des hôpitaux de Paris, rue Mollieu, 3.

Nicolas (I)'), Médecin consultant au Mont-Dore (Puy-de- Dôme). L’hiver, avenue de la Gare, 31, Nice.

Niei. (D'), médecin-major des troupes coloniales, rue Sainl- .lacques, 288.

-Nigav (D'j, Médecin consultant à Vichy (Allier). L’hiver, rue Greuze, 24 bis, Paris.

Pagel (D'), Professeur d’histoire delà Médecine à l’Univer¬ sité, Chausséestrasse, 60, Berlin.

Pansier (D'), rue Saint-André, 6, Avignon.

Pépin (D' Roger), rue de Vienne, 2.

Percepied (D'), Médecin consultant au Mont-Dore. L’hiver. Boisguillaume-lès-Rouen (Seine-Inférieure).

Pergens (DL, Maeseyck (Belgique).

Pichevin (D'), rue de Berlin, 38.

Planson (D'), ancien Interne des hôpitaux de Paris, rue Daru, 3.

Prévost, Rédacteur au Secrétariat de la Faculté de Médecine, rue de l’Ecole-de-Médecine, 13.

19

l*uiEU)t (D’ Albert), Rédacteur eu chef de la France médica.le, place des Vns«rea, 1 .

Prieur (Léon), Avocat à la Lour d’appel, rue de Bourgo¬ gne, 23.

Railliet (D'), Professeur à l’Ecole vétérinaire, membre de l’Académie de Médecine, .Alfort (Seine).

Rambaud (Pierre), Pharmacien en chef des hôpitaux, Poitiers

Reber, Pharmacien, cour Saint-Pierre, 3, Genève.

Régnault (D' Félix), Directeur de l'Avenir médical et théra- peulique illustré, place de l’Ecole-de-Médecine, 22.

Ribier (D' de). Médecin consultant à Châtel-Guyon. L’hiver, à Clermont Ferrand.

Richer (D'), Professeur à l’Ecole des Beaux-Arts, Membre de rinstitut et de l’Académie de .Médecine, rue du Luxem¬ bourg, 30.

Roché (D' Henri), boulevard Sébastopol, 27.

Rollet (D' Maurice), boulevard Rochechouart, 17,

Roucayrol (D'), rue du Rocher, 49,

Rouveyre (Edouard!, Editeur, nie de la Tour, 104.

Rouxeau |D'), Professeur à l’Ecole de Médecine, rue Héron nière, 4, Nantes.

Ruelle (Gh.-E.), ancien Administrateur de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, rue Soulllot, 5, Paris.

Saintignon (D' Henri), place de Laborde, 10.

ScHEiL (Abbé), Membre de l’Institut, rue du Cherche-Midi, 4 bis.

ScHÔNE (DM, Professeur à l’Université, Greifswald (Prusse).

Schwartz (D'), Professeur agrégé à la Faculté de Médecine, Chirurgien des hôpitaux. Membre de l’Académie de Méde¬ cine, boulevard Saint-Germain, 183.

Semelaigne(D' René), ancien Interne des hôpitaux de Paris, avenue de Madrid, 10, Neuilly-sur-Seine.

SuDHOFF (D'), Professeur à l’Université, Directeur de l’Insti¬ tut d’Histoire de la Médecine, Talstrasse 33, Leipzig.

Torkomian (D'), rue Taxim, 23, Péra, Constantinople.

Truc (D'), Professeur à la Faculléde Médecine, Carré-du-Roi. 3, Montpellier.

Tuppier (DM, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine, Chirurgien des hôpitaux, avenue Gabriel, 42.

Vidal (D' Ch.), 27, rue du Temple, Castres.

20

ViKLLARD (Paul), Avocat à ta Courd'Appel, 90. rue de Miro- mesnil.

Wallich (D'), Professeur agrégé à la racullé de Médecine, Accoucheur des hôpitaux, rue de Bourgogne, 17. WicKEUSHEiMER (D' lîmest), Bihiiotliécaire de J’Acadéniie de .Médecine, rue Bonaparte, 10.

Bureau

Prnidenl : M. Le Piledr.

Vin'-Pri’!<i(1eiilK : MM. Paul DonvEAUxet Edouard, Teanseemu. Semlkiii-e. fiéw'ral ; .M. Ernest Wickersheimer.

SKirlanm annnek : M.M. Lucien Hahn et Maurice Roi,i.et. TrtiHorier : .VL Hayinond Neveu.

Archn'isk-llibliolhécaire : M. Beluze.

Conseil

.MM. Haphaël Blanchard, Paul Delaunay, Ch.-E. Ruelle, sortants en 1911.

Dkjerine, J. Genévrier, Grasset, sortants en 1912.

A. CouRTADE, Victor Nioaise, Pierre Rambaud, sortants en 1913.

Séance du il Janvier 1911.

Présidence de M. le D*' Lu Pileur.

Après lecture du procès-verbal, M. Le Pileur s’exprime eu ces tenues :

M. le Président. « Messieurs et chers collègues,

)) Avant tout, permettez-iuoi de remercier la Société Française de l’Histoire de la médecine du très grand honneur qu’elle m’a fait en me nommant Président, lorsque tant d’autres, infiniment mieux qualifiés, auraient fixer son choix. Pour ne pas les citer tous, je ne puis cependant m’empêcher de dire que c’est à la trop grande modestie de M. Paul Dorveaux, l’érudit bibliothécaire de l’Ecole de Pharmacie, que je dois d’occuper ce fauteuil, mais je me hâte d’ajouter que c’est seulement en l’attendant que je m’y asseois.

1) Si vous avez pensé qu’une grande exactitude et un dévouement absolu à tous les intérêts de la Société étaient des titres sulïisants, je les possède ])eut-êlre et je ferai tout au monde pour me rendre digne de la confiance que vous m’avez témoignée.

» Ici, Messieurs, devait s’arrêter mon petit discours, puisque c’est le Président sortant qui, selon l’usage établi, doit vous faire un tableau de la marche et des travaux de notre Société pendantles deux années de sou exercice. Malheureusement, notre dernier Président, M, le Professeur Gilbert Ballet, à peine à l’expiration de sa première année de présidence, a vu des rêves, longtemps caressés, se réaliser enfin pour lui, lia pris po,ssession de la chaire des maladies mentales, et la maîtrise avec laquelle il l’occupe et l’occupera long¬ temps arrête sur nos lèvres les paroles de regret qui montaient de notre cœur quand les multiples obliga¬ tions, inhérentes à ces nouvelles fonctions, l’empê¬ chaient de diriger nos travaux.

)) 1] n'en laissera pas moins à la Société le souvenir d’un pi'ésident essentiellement allable, à la parole pré¬ cise, au jugement droit et lin en même temps. Ces qualités, qu’on pourrait appeler indispensables, tout le monde, hélas! ne les a pas, mais, à coup sûr, je le répète, elles contribueront et, dans une large mesure, à l’illustration de sa nouvelle chaire.

)) Dans ces deux dernières années, Messieurs, la .Société a produit un nombre respectable de travaux. Si vous vouliez bien excuser une douce manie de sta¬ tistique que je porte un peu partout, je vous dirais que plus de .soixante communications vous ont été faites par une trentaine d’auteurs. Comment, avec un pareil nombre de chercheurs et de travailleurs, ne pas être certain du succès toujours croissant de notre chère Société ?

» Nos volumes ne sont pas énormes, il est vrai, mais qu’importe la quantité des pages si le fond est bon, et des historiens de la médecine n'ont-ils pas le droit de citer ce dicton pharmaco-populaire : « Dans les petits pots, les bons onguents » ! Et puis le nombre de nos collaborateurs augmentera certainement. Chacun, ayant à cœur de figurer à la table des matières, creusera son sillon dans un des nombreux champs qui nous .sont ouverts, depuis la préhistoire jusqu'à la bibliographie la plus complète, en passant par les mœurs et légendes, par l'iconographie, par la biographie, les chartes médié¬ vales ou de la Renaissance, les doctrines, etc., etc., sans excepter même l'anecdote, souvent si intéressante quand elle n’est pas un simple ana.

» 11 y a quinze ou vingt ans, quelques médecins à peine s’intéressaientà ces questions pourtantsi passion¬ nantes; aujourd’hui, il en va tout autrement, d’autant plus,disons-le,que la mode y est. Combien de journaux, de petites revues, qu’on n’ouvrait même pas autrefois, sont-elles maintenant attendues avec impatience et lues avec déliée à cause de leurs articles instructifs et

curieux, tous basés sur l’iiistoire de la médecine ou sur les rapports de celle grande et belle science avec l’hu- inanité tout entière !

» Ce signe des temps, qui ne vous a certainement pas échappé. Messieurs, et qui indique peut-être un besoin de repos, de délassement après les très captivants mais très absorbants travaux de laboratoire, nous fait légiti¬ mement espérer de nombreuses recrues, espoir sur lequel nous devons d’autant plus compter que, du 1®'' janvier 1908 au 31 décembre 1909, nous nous som¬ mes enrichis de vingt-deux nouveaux sociétaires. Malgré leur valeui’individuelle, ils me pardonneront de ne pas les citer. Je ne veux pas refaire ici la scène du f?a(a/ojfMe de Don Juan, etd’ailleurs, s'ils sont plus de trois, ils ne sont pas encore mille.

» Ce joli chiffre de vingt nouveaux membres n’aug¬ mente pas cependant d’autant notre liste si l’on veut bien se rendre compte qu’il se produit toujours des vides dans une Société. En effet, nous avons eu dans le même laps de temps cinq démissions et, chose plus triste, cinq décès : Blache, Bourneville, Brissaud^ Mottel et Saint-Yves Ménard. Des paroles d’adieu leur ontété adressées ici môme par votre Secrétaire général et je me joins à lui pour exprimer au nom de la Société les regrets queces pertes cruelles lui ont fait éprouver.

» M. Prieur, qui avait fortement contribué à la fon¬ dation de la Société, mais que sa santé tenait .souvent éloigné de nos réunions et de nos conseils, a cru devoir, pour ce motif, nous adresser sa démission de Secré¬ taire général, tout en restant, bien entendu, membre de la Société. Sou remplacement a donné lieu dans le Bureau et dans le Comseil à plusieurs mutations que vous avez raliliées par votre vote du 14 décembre. Si j’ajoute ((u’une autonomie complète donnée à notre Bulletin, <|ue des modilicalions importantes apportées à son économie et à son mode de publication, modili- cations dues an zèle infatigable de M. le Professeur Blanchard, en font maintenant une revue indépen-

dante et libre qu’il dépend de vous de rendre intéres¬ sante, j’aurai fini cet exposé un peu long peut-être et que j’ai pourtant fait aussi bref que possible.

») Je le terminerai donc en vous proposant de voter de chaleureux remercîinents aux membres sortants du Bureau et en reprenant les paroles répétées sans cesse par Velpeau dans le délire de son agonie : « Travaillons, travaillons. » {Applaudissemenls.)

Le procès-verbal est adopté.

M. Rouquete, présenté à la dernière séance, est élu membre de la Société.

La correspondance comprend :

1“ Une lettre de M. Maurice Rollet, qui s'excuse de ne pouvoir assister à la séance ;

2“ Une lettre de M. Ph. Vadam, qui donne sa démis¬ sion de membre de la Société ;

Une lettre de candidature de M. le docteur Bois- MOREAu, à Saint-Mesmin-le-Vieux (Vendée), présenté par MM. R. Blanchard et Er. Wickersheimer ;

4“ Une lettre de candidature de M. le docteur J. W. S. JoHNSsoN, Garnie Kongevi, 86a, à Copenhague, pré¬ senté par MM. P. Dorveaux et Er. Wickersheimer.

M. Ernest Wickersheimer présente un travail qu’il vient de publier dans le BulleVin de la Société de l’ histoire de Paris et de l’Ik-de-France sur les premières dissections à la Faculté de Médecine de Paris.

Ses recherches l’ont amené à formuler les conclu¬ sions suivantes :

On a pratiqué des dissections à la Faculté de Médecine de Paris bien plus tôt qu’on ne le croit géné¬ ralement. La preuve existe qu'une anatomie a été faite la Faculté dès 1407, alors que la date la plus ancienne Rdmise jusqu’à ce jour était 1478 ;

Parmi les motifs qui décidèi'eut les maîtres régents parisiens à inaugurer dans leurs écoles la pra¬ tique de l’anatomie, il faut tenir compte en première

25

ligne des leçons que la Faculté donnait aux barbiers ; c’est surtout à l'usage des barbiers qu’ont été faites les premières dissections;

So Si on trouve dans les Commentaires si peu de ren¬ seignements sur les origines de l’enseignement anato¬ mique, c’est parce que, avant 1494, la Faculté n’a pas donné ouvertement l’instruction aux barbiers, crai¬ gnant d’éveiller les susceptibilités de la Confrérie des chirurgiens ;

I Il est probable, en dépit de l'opinion générale¬ ment reçue, que la Faculté de Médecine a précédé Saiiil-Céme dans l’étude anatomique du cadavre bu mai 11. Ou n'a apporté jusqu’ici aucun fait permet¬ tant d’afTirmer qu’une dissection ait eu lieu à Sainl- Côme pendant le XV® siècle.

M. Ruelle attire l’attention delà Société sur un tra¬ vail concernant le médecin grec au V®siècle avant J.-C., publiéen hongrois par JulesHornyénskidans Ëgyeteme.s philologiai Këzlôni, XXXIII (1909), fasc. 5-7. Une analyse sommaire de ce travail a paru dans la Revue de philologie (Revue des revues de 1909, p. 156), sous la signature de M. Kont.

■—M. Gilbert Ballet présente l'Histoire de la médecine depids ses origines jusqu’à nos jours de notre collègue M. L. Meunier, ouvrage pour lequel il a écrit une préface. _

OUVRAGES OFFERTS

Tous les ouvrages envoyés à lu bibliothèque sont inscrits sous celte rubrique

EdmundoKRUG. À superstiçâo paulislana. Conferencia feita na Sociedade scienlifica de S. Paulo. S. Paulo, typ. Brasil de Rothschild et Cia. 1910, iu-8", 35 p. Extrahido da Revistu du Sociedade Scienlifica de S. Paulo, \^

L. Meunier. Histoire de la médecine depuis ses origines jusqu'à nos jours Préface par le professeur Gilbert Ballet. Paris, J.-B. Baillière, 1911, in-8% Vi-642 p.

Ernest Wickersheimeh. Les premières dissections à la Faculté de Médecine de Paris. Paris, 1910, in-8”, 13 p., 1 pl. Extrait du Bulletin de lu Société de l'histoire de Paris, et de l'Ile-de- France. XXXVii (1910), p. 159-169.

LA MÉDECINE ASTROLOGIQUE

DANS LES

ALMANACHS POPULAIRES DU XX* SIÈCLE par le D' Ernest WICKERSHEIMER.

Dans une Ihèse (1), soutenue, il y a quelques jours, (levant la Faculté de Médecine de Paris, notre collègue M. Maurice Rollet a rappelé l’importance de l'astrologie pour le médecin du moyen âge.

Le corps de l’homme, c’est-à-dire le microcosme, est, comme le macrocosme, divisé en douze parties, et chacune de ces parties est, comme chacune des zones de la voûte céleste, gouvernée par un signe du Zodiaque. Le Bélier gouverne la tête ; le Taureau, le cou ; les Gémeaux, les membres supérieurs ; le Cancer, la poitrine ; le Lion, l’estomac et le cosur ; la Vierge, le ventre ou les entrailles ; la Balance, la région lombaire; le Scorpion, les parties honteuses et le fondement ; le Capricorne, les genoux ; le Verseau, les jambes ; les Poissons, les pieds.

Les scribes du moyen âge eurent l’idée de ligurei' par un schéma les influences des douze signes du Zodiaque sur les douze régions du corps. Un homme nu se tient debout, les jambes écartées et les bras étendus; il arrive que le corps soit représenté intact, il arrive aussi que le buste soit largement fendu, afin de découvrir les organes internes. Tantôt les signes du Zodiaque sont dessinés sur le corps même, et c’est le cas de la miniature du manuscrit latin 6910 A de la Bibliothèque nationale, reproduite par Nicaise dans son édition de la (Wando Chirurgie de Guy de Chauliac (p. 560) ; tantôt, ils sont figurés à la marge et reliés par

il) Rollei Maurice). Médecine asilrologue$. Thèse de Paris,

1910-1911.

27 -

des traits aux parties du corps qu’ils gouverueul, et c’est ainsi qu’on peut les voir dans la gravure du X\’« siècle, qui orne la page 39 de la belle monographie de Hermann Peters, J)er Arzt mid die Hciikunst in der deutschen VergangenheU (Leipzig, Eugen Diedorichs, 1900, gr. in-8«, 136 pp. et 153 figures dans le texte et lioi's texte.)

Les ligures uioutraut comment les douze signes du Zodiaque (1) se partagent le corps humain, renseignent immédiatement sur l'opportunité des saignées, car « on ne doit point l'aire incision, ne toucher de ferre¬ ment, le membre gouverné d’aucun signe le jour que la Lune y est, pour crainte de'trop grande elïusion de sang qui en pourrait ensuyvre, ni aussi pareillement quand le Soleil y est, pour le danger et péril qui en pourrait advenir (2). » Ces schémas ont reçu des Allemands un nom dont il n’existe pas d’équivalent en français: ils ont été appelés Adcriasmanii (Adcrlass en allemand signifie saignée). Ils constituent pour le barbier et le chirurgien un utile complément des almanachs qui leur indiquent, jour par jour, dans quel signe sont la Lune et le Soleil (3) ; aussi a-t-on songé de fort bonne heure à en orner les calendriers.

L’été dernier, comme j’étais en Amérique, quelqu’un me fit observer que les figures de ce genre n’ont pas

(1) Certaines ligures indiquent, non pas l’influence des signes du Zodiaque, mais celle des planètes sur les parties du corps. M. Kollet en a reproduit un exemple dans la planche annexée à sa thèse.

(2) Le guidon en françoin... avec tes gloses de...maistre Jehan Falcon. . . aussi les addUions de inaislre Sy mphorien Champier . . . Paris. 1537, in-folio. Cf. Nicaisb, Loco ci lato, p 561.

(3) Un passage des lettres datées de juin 1427, par lesquelles Charles VU confirmait les statuts et les privilèges des barbiers du royaume, souligne l'importance de l'almanach pour les barbiers du quinzième siècle: a Pour le bien de la chose publicque et pour pour- veoir a la santé du corps humain, sera tenu nostre dit premier Barbier, de bailler à tous les Barbiers maistres Icnans ouvroir en nostre dit Royaulme, la copie de l’armenac faict de l’année ; par ainsi que chacun d'eux qui le vouldra avoir, lui sera tenu de payer pour chacun un la somme de deux sols, six deniers tournois. » Ordonnances des rois de France de la troisième raee, III, p. 131.)

disparu des almanachs populaires américains, et en effet, \eStudehakcr former' s A Imanac (fig. 1 ) , le Nyal family Almanac, organe de publicité d’un pharmacien de New York, et le liucklen’s Almanac de Chicago, pour n’en citer que trois entre mille, nous montrent chacun un Aderlassmann qui ne semblerait pas trop dépaysé dans un incunable (1).

De retour à Paris, j'ai recherché si à ce point de vue l’Ancien Monde est aussi vieux-jeu que le Nouveau (2). J’ai pu constater ainsi que les Aderlassmànner ont presque complètement disparu des almanachs popu¬ laires européens, j’ai retrouvé, en échange, d’autres survivances des croyances médico-astrologiques. Je n’ai pas fait état,en cette enquête, de certains ouvrages tels que V Almanach de M'^'^de Th 'ehes, tels que le Véritable Almanach du Merveilleux, qui ne .sont pas des almanachs populaires, mais s’adressent à une clientèle spéciale, aux adeptes des sciences occultes.

Disons tout de suite qu’en Hongrie, en Italie et en Belgique, comme me l’ont écrit MM. les Professeurs T. von Gyôry (de Budapest) et Guareschi (de Turin), ainsi que M. le Docteur Pergens (de Maeseyck), la médecine astrologique semble ne plus préoccuper les faiseurs d’almanachs. Mon ami Fonahn, chargé de cours à l’Université de Christiania, m’apprend qu’il en est de même en Norvège : « Les almanachs y sont terriblement modernes : ils poussent leurs prétentions jusqu’à la chimie transcendante. » Au Danemark et en Suède, m’écrit M. le Docteur Johnsson (de Copenhague), les Adcrlassmdnner ont également disparu des calen-

(t) Deux de ces ligures oi-nenl le Perma Almanac, publié par une maison de produits pharmaceutiques, n the Périma Co. » de Columbus (Ohio); a cette maison est annexé un bureau de rensei¬ gnements astrologiques, » astrological departme al », on se charge d’établir des horoscopes (p. 28 de l’almanach).

(2i Suivant von Obfele, les pratiques astrologiques seraient très répandues aux r.tats Unis et s’y étaleraient au grand jour. Lea fer¬ vents de la chiromancie s’y chiffreraient par centaines (Müteilun- gm Ziir Gestckichie der Me.dizin, IX, p.,ô46.)

driers ; par contre, on colporte encore dans ces deux pays de petits livres appelés l{onde.-Pratica (Pratiques pour les paysans), qui basent leur thérapeutique sur l'astrologie.

« Aux Pays-Bas, » m’écrit M. le Docteur Geyl (de Leyde), «les almanachs delà lin du XVIID siècleconte- naient encore des conseils médico-astrologiques ainsi que des figures montrant l'influence des signes du

ANATOMY OF MAN'S BODY

Zodiaque sur les différentes parties du corps humain. Dès les premières années du XIX® siècle, la Société d'utilité publique s’efforça d'épurer les almanachs et d’en bannir tout ce qui sentait la superstition et l’ignorance crasse. Certains almanachs du XIX® siècle continuèrent néanmoins à donner des pronostications, dont ils faisaient généralement endosser la paternité à

ritalieu Antonio Magiuo, Professeui' de mathématiques en la ville de Bologne, en Lombardie, mais, à l’heure actuelle, ces derniers vestiges des antiques superstitions ont eux-mômes disparu, n

L’Angleterre mériterait d'être surnommée la terre bénie des astrologues. Les trois arlmanachs populaires anglais, que j'ai pu me procurer à Paris, en témoi¬ gnent.

Moore’s Almanac, qui doit son nom à son fonda¬ teur, le médecin P^rancis Moore, vient d’atteindre la 214' année de son âge. Imprimé à Londres aux frais de la « Stationers’ Company » par Cassel and Co., il a pour titre complet: Vax steUarum ; or, a loyal Almanac for tke year of human rédemption 19 H being tlie second year of lhe reign of His présent Majesty King George V. ; containing rising and setting of lhe sun and moon; moon’s age and duration of moonlight ; monthly voices of tke stars ; weather forescasts ; rising and selling of tke planets ; a correct tide table ; full astronomical information : general predielions for tke year; hints to far mers; list of tke houses of ParliamenU; fairs in England & Wales, postal and olher useful information; medical and legal adrire, recipes, & c. by Francis Moore, physician.

En tête de l’almanach, on trouve une de ces constata¬ tions comme ne manquent jamais d’en faire les prophètes : c'est que l’année 1910 a vu se vérifier la plupart de ses prédictions ; entre autres évènements, il aurait annoncé la mort du roi Edouard VIL

Longue est la liste des catastrophes que nous réserve l’année 1911. Bornons-nous à noter, au point de vue médical, que, pendant l’hiver, les afïections pulmonaires seront fréquentes, que la mort frappera à coups redoublés dans les rangs du Parlement, mais que la santé publique deviendra meilleure lorsqu’appro. chera la nouvelle saison. Le printemps sera favorable, sauf pour les riches et pour le beau sexe. En été, ce seront encore les riches qui paieront à la Mort le plus lourd tribut. Après nous avoir décrit les configurations

31

planétaires de 1911, l’almanach nous iiiel eu garde contre les effets désastreux que produiront les éclipses solaires du 28 avril et du 21 octobre, émet des considé¬ rations générales sur l'astrologie judiciaire et détaille l’influence des planètes et de la Lune. Puis vient le calendrier, accompagné des prédictions particulières aux douze mois de l’année et de l’horoscope des humains, d’après le quantième du mois ils sont nés. .\ux annonces, le catalogue de toute une librairie asti'ologique et de nombreuses adresses d’astrologues (le l’un et de l’autre sexe. Par contre, il n’y a pas trace d’astrologie dans le petit manuel de thérapeutique qui, sous le titre de (( the Family Doctor », remplit les pages 98 à 102 de l’almanach.

Le Raphaël’ s A Imanac or, the prophétie messenger and weather guide, qui est entré dans sa 91® année, est publié à Londres par W. Foulsham and Go. Un chromo, divisé en 7 compartiments qui lui sert de frontispice, résume par avance les principaux évènements de 1911 : un lock-out, un déraillement de train, une vive fusillade entre Anglais et Egyptiens au pied des Pyramides, des Chinois armés en guerre, une bataille navale, un incendie dont les lueurs éclairent la Tamise et la cathé¬ drale Saint-Paul, enfin trois hommes couchés, sur les lits desquels se penche la Cainarde. Passons sur les autres calamités que Raphaël (( the Astrologer of the 19 th Century » a lues dans le ciel ; remarquons seule¬ ment que la nouvelle année sera fertile en maladies : affections de poitrine en janvier, diphtérie et croup en mars, maladies de l’intestin et des poumons en octobre, graves épidémies en novembre.

Les almanachs anglais n'ont pas d' Aderlassmann, mais le Raphael’s Almanac remplace le petit bonhomme par un tableau, où, en regard des douze signes du Zodiaque sont inscrits les noms des parties du corps qu’ils domi¬ nent. Puis ce sont des conseils astrologiques à l’usage de la ménagère, du jardinier et du cultivateur ; ce dernier se rappellera qu'il est dangereux de châtrer

les animaux .domestiques quand la Lune est dans le signe de la Vierge, dans celui de la Balance ou dans celui du Scorpion (p. 29). Certaines herbes médicinales sont sous l’influence du Soleil, d’autres sous celles de la Lune, de Mercure, de Vénus, de Mars, de Jupiter, Saturne ou d’Uranus ; il importe de le savoir avant de procéder à leur cueillette (p. 56, 65 et 66). Le Haphaers Almanac donne l’horoscope de tous les enfants qui naîtront en 1911 ; de plus, il recommande chaudement un astrologue de Halifax qui fait payer un shelling ses consultations. Moyennant un autre shelling, auquel on ajoutera un penny et demi pour le port, on recevra franco Baphad’s medical astrology, précis d’astrologie médicale publié par l'éditeur de l'almanach. « This is an excellent work, and should be in the haiids of ail who sulïer in health. »

Le Zadkiel’ Almanac and Ephemeris.... by Zadkiel Tao Sze & c., publié à Londres, par Glenand Go., a atteint en 1911 sa 81' année. 11 diffère peu des almanachs que je viens de décrire, ressemblant surtout au Raphael's Almanac. On y trouve de plus l’horoscope du roi Georges V (p. 76-81), et des considérations sur la mort d’Edouard VII (p. 81-84), dont il convient de citer quelques lignes :

Nos lecteurs se rappellent avoir lu dans le Zadkiel's Almanac de 1910 (p. 79) l’avertissement non équivoque que nous adressions aux médecins de la Cour :

« Si les médecins du Roi accordaient quelque attention à la science astrologique, ils conseilleraient à Sa Majesté de ne pas voyager pendant le printemps et l’été prochains, à cause des 1", 4' et T directions primordiales de l’année et à cause de la position de Saturne, méridionale et par conséquent peu éloignée de la 68' révolution du Soleil. »

Hélas ! les médecins du Roi permirent, et peut-être môme conseillèrent à Sa Majesté de voyager au commencement du mois de mars 1910. S’iis avaient accordé la moindre attention à la science ancienne, c’est-à-dire à l’astrologie, qui, durant des siècles, a été associée à l’art médical, dont on n’aurait jamais la séparer ; si ces médecins avaient lu et médité

notre avertissement (?t s'ils avaient agi en (5onsé(juence, la maladie fatale aurait pn ôtre évitée. On ne saurait douter que le refroidissement contracté à Biarritz ait été la cause initiale de la maladie. Or, le voyage avait été entrepris à un moment défavorable : au moment le train royal quittait Victoria station, la Lune était précisément au point 15" du Capri¬ corne), où, quand Sa Majesté vint au monde, se trouvait la planète Mars, (pii lors de cotte naissance était à l’ascen¬ dant (1) .

Tout ceci nous faisait craindre pour Sa Majesté une dan¬ gereuse maladie, au cas elle voyagerait de mai à septembre 1910, et, instruits par l’astrologie, nous avons fait part; aux médecins de nos appréhensions, aussi clairement qu’il était possible de le faire, sans exciter de trop vives alarmes.

Après la mort du Roi, on put lire dans le Jirilüli Medical Journal :

« Depuis bien des années, le Roi Rdouard souffrait d’em¬ physème et était sujet à des bronchites aiguës, accompagnées dos symptômes ordinaires à ces alleétions ; toux pénible et n’aboutissant pas à l’expectoration, et gène de la respiration. A l’auscultation, on percevait des crépitations à la base des deux poumons, indiquant un obstacle habituel au libre pas¬ sage de l’air dans les ramifications bronchiques. Le Roi était également sujet à des accès de laryngite, provoquant un spasme léger des cordes vocales... On avait vacciné Sa Majesté quelque temps avant sa mort... Toutes les ressour¬ ces de la science moderne ont été employées dans cette dernière maladie. »

Quelle confiance exagérée dans le traitement par la vaccine, qui, après tout, s'est montré inutile et décevant ! La « Science moderne », qu’il s’agisse de médecine ou de météorologie, a rejeté l’astrologie ; aussi se trompe-t-elle dans ses pronostics.

C’est un remède incertain que la vaccine, telle qu'elle est pratiquée par les médecins de la vieille école, par ceux de l’école « orthodoxe ». Ceux de nos lecteurs qui désirent se renseigner sur la nature véritable de la vaccine et qui dési- rent savoir comment il faut user de ce remède, n’ont qu’à se reporter à ta lettre du docteur John H. Clarke, publiée dans le du 18 mai 1910 du Daily Mail.

(1) On dit qu’au astre est à l’ascendant lorsqu’il occupe un point de l’écliptique, situé sur l’horizon, à l’Orient.

Bull. Soc. fr. hist. méd., X, 19H.

34

La Médecine n’a rien gagné à rejeter l’astrologie, bien au contraire. Le British Medical Journal (n" du 3 septembre) parle des terres inexplorées de la médecine. 11 est grand temps que la secte orthodoxe entreprenne un voyage de découvertes.

Ajoutons que Zadkiel n’oublie pas de souligner la coïncidence de la mort d’Edouard Vil avec le passage de la comète de Halley. qui au XI' siècle annonça la mort du Roi Harold el au XVIIR siècle celle du Roi Georges 11.

En Allemagne, mon butin a été fort maigre ; rien dans les almanachs de laTburinge, ni dans ceux de la Bavière (1), ni dans les Messagers boiteux (Hmke7ide Hoten) du grand-duché de Bade et de l’Alsace. Je n’ai pu trouver qu’un seul almanach allemand d’où la médecine astrologique n’ait pas disparu. C’est le VoUstândiger hundertjàkriger Kalender... von Dr Moritz Knauer, Aht zum klosier Langlieim, imprimé par B. Bardtenschlager à Reutlingen (Wurtemberg). 11 est vrai que ce n’est pas un almanach ordinaire. L’exem¬ plaire que j’ai eu entre les mains embrasse une période de cent ans, de 1831 à 1930 ; il n’est pas daté et semble avoir été imprimé à la lin du XIX' siècle ou au com¬ mencement du XX”. Ou y apprend que les années doivent être réparties en sept séries, chacune de ces séries étant commandée par une planète. 1911 appar- lient à la 3“ série, régie par la planète Mars ; elle sera ferlile en dysenteries et en lièvres chaudes.

Notre collègue, M. le docteur Nageli-Akerblom, privat-docent à l’Université de Genève, pense que peut- être on pourrait encore trouver des Adeiiassmanner dans les almanachs de cerlains cantons suisses, tels qu’Appenzell, Lucerne ou Scliwyz. Je n’ai pas pu me les procurer. Par contre, M. le Professeur E. Tappolet (de Bâle) m’a envoyé le Ncucr Schrcib-Kalender auf das

(i) Communicution de M. le Conseiller aulique Hùller, médecin il Bad Tôlz (Bavière), qui connaît à fond la médecine populaire bava¬ roise.

Jahr MDCCCCXl noch der luûhaman Gehurt ,lesu Clirixü, mil dem Lauf der Sonne, des Monde und der Planeten ; ordentlichss Verzcichniss der Jakrmàrkte und der Ader- lass-Tafel, gestellt durch Jacobum Rosium, der matliema- tischen Künster besondern Liebliabern. Cet almanach est imprimé üi Bâle par Joli. Schweighauser. On y trouve bien un Aderlassmann, mais aussi quelle ii'onie dans les commentaires qui raccompagnent !

Ara. 1. Tag il't bôs zu Aderlassen, demi es scliwàcliel den Mensclieii wie aucli jeden andern Tag ira Monat ; darum lassez es bleiben (1)...

En France, on trouve encore des prédictions dans beaucoup d’almanacbs populaires, mais les prophètes du XX® siècle n’exercent plus guère leur talent prophétique que dans le domaine de la météorologie.

L’année f910 de L’Ami du foyer, almanach du Perche et du Saorinois, imprimé à Mortagne, contient l’horos¬ cope de la Lune « d’après un bouquin datant d'environ 350 ans », mais c’est simplement à titre de « curiosité pour ceux qui s’intéressent aux choses du temps passé ». Il n’est pas question d’astrologie dans le Mathieu (de la Drame), ni dans les Liégeois (2), ni dans les Mathieu iMensberg, ni dans les Messagers boiteux imprimés à Montbéliard ou à Nancy, ni même dans les Astrologues beauceron, rouennais, normand ou constitutionnel {‘A). «Dans la Sarthe», m’écrit mon ami

(t) H 11 ne faut pas saigner le premier jour, car ce jour-là la sai¬ gnée alTaiblit l’homme. Il en est de même chaque jour du mois ; ne te fais donc pas saigner, n

I2i En dépit de leur nom, les Liégeois ne sont pas imprimés à Liège; celui d’entre eux qui est le plus répandu en France, est publié à Caen par J. Bellée.

(3) Signalons pourtant l'Almanach de la Manche, astronomique, prophétique, historique, anecdotique, véridique et curieux, imprimé à Coutances par Ch. Daireau.x et Salettes. On y trouve l’horoscope des humains suivant le mois ils sont nés :

Les pauvres gens; nés en décembre A vingt cinq ans rhumatisants S’en iront, mouchant et prisant.

Clopinant à travers leur chambre.

Paul Delauiiay, « ou ne s’occupe plus de la Lune que pour reinbouleillaye du cidre el du vin, et l’astrologie n’enlre plus pour rien dans les pratiques médicales des paysans. Quant aux faiseurs d’almanachs du pays manceau, ils ont foi en Monsieur le Député ou en Monsieur le Sénateur, mais pas du tout eu Nostrada- inus. »

Il existe pourtant des almanachs populaires français d'où l'astrologie ii'a pas encore été hannie. Ce sont les Dim soit béni l'épandus sui'tout en Champagne, en Bourgogne, en Franche-Comté, dans le Lyonnais, dans quelques départements du Centre, dans le Dauphiné et dans la Savoie, et dont cinq éditions sont imprimées chaque année :

1“ Dieu soit béni. Almanach Double-Milan... contenant des pronaslics sur les saisons, des recettes, des remèdes, des instructions sur l’agriculture, des anecdotes, des facé¬ ties, etc., etc. Avec les foires et marchés du Rhône, Ain, Saêne-et- Loire, Jura, Savoie, Haute-Savoie et Isère, rédigé et mis en ordre par le Père Benoit, 7tD année [1911]. .\mplepuis (Bhône), librairie Aubonuet-Guillermain, in-12, 79 pp. [Imprimé à Lyon, aux Im,primeries réunies, 8, rue Bachaisj. Communiqué par M. le D*' Piery (de Lyon);

Le réritable Dieu soit béni. Almanach... contenant les foins des départements de la Saroie, de la Hante-Saroie, de l’.[i)i, de l’Isère et celles des villes les plus importantes Piémont et de la vallée d’Aoste, avec le lever et le cou¬ cher du soleil pour le premier jour de chaque mois, les phases de la lune, les divers changements de température qui auront lieu dans le cours de l'année extrait des pro¬ phéties du célèbre Michel Nostradamus el de la Connais¬ sance des temps publiée par l’ Observatoire de Paris. Annecy, imprimerie .1. Abry, in-12, 23 pp. ;

3" Dieu soit béni. Almanach... contenant, outre le calen¬ drier, les foires des départements suivants : Ain, Allier, Aube, Côte-dOr, Doubs, Jura, Loire, Marne, Haute- Marne, Alièv/re, Hwute-Same, Saône-et-Loire et Yonne.

37 -

Bar-sui'-Seine, iiiipriiii«rie C. Saillard, iu-16, 40 pp. Communiqué par notre collègue M. Baudot, pharma¬ cien à Dijon ;

Dieu xoit béni. Dit Dejussieu... 131'^ année [1911], Chalon-sur-Saône, Imprimerie E. Bertrand, in-16,48pp.;

Dieu soit béni. Almanach nouveau... par Antoine Souci, célélmi astronome, a.vec toutes les foires des départe¬ ments de la région... Craponne, Savinel frères, in-16, 36 pp. [Imprimé à Montbéliard, à l’impi-imerieBarbierJ.

Dans les Dieu .soit béni, chaque jour d u mois est suivi de signes hiérog'lypliiques dont l’explication est géné¬ ralement donnée au versodela premièrecouverture(l). La forme de ces signes est assez variable. C’est ainsi que l’imprimerie Saillard deBar-sur-Seine(üg. 2) représente Ho7i prendre médecine par un pot de pharmacie. Bon prendre pilules par une pilule. Bon traiter les yeux par un œil surmonté d'une petite croix, Bon couper les ongles par deux mains. Bon couper les cheveux par une paire de ciseaux. Bon saigner par une croix de Lorraine l’on aurait du mal à reconnaître une lancette, Bon venUmser par une ventouse. Dans l'édition de Chalon-sur-Saône, on trouve des signes presque identiques à ceux qu’em¬ ploie l’imprimerie Saillard, mais ces signes ne dési¬ gnent que des phénomènes méléorologi(jues ; c’est ainsi que la croix de Lorraine rei)résente un temps nuageux et que la pilule désigne le beau temps.

L’édition d’Annecy donne de (( grandes prédictions curieuses et intéressantes pour l'année 1911 ». Le Dieu soit béni lyonnais est encore plus prolixe dans ses pro¬ phéties, et, déplus, heureux elTet de l’Entente cordiale, il donne l’horoscope du Roi Georges V, tout comme, le Zadkiel’s .1 hnanac.

Jusqu’à ces dernières années, rimprimei'ie Saillard, de Bar-sur-Seine, héritière des auciennes imprimeries

|t) Co.Ko. explication manque dans l’cdilion iyonnaise; dans l’édition de Montbéliard, les signes hiérogiypliiques ont été supprimés.

38 -

de Troyes, publiait un almanach qui contenait les mêmes conseils et les mêmes pronostics que les Dieu soit béni, mais sous une forme plus curieuse encore. C’était VAlmanaeh des bergers, que Charles Nisard (i), puis Emile Socard (2) et Louis Morin (3) ont décrit de façon très explicite. Dans cet almanach, non seulement les conseils et les pronostics, mais aussi les jours et les quantièmes du mois étaient représentés par des

Explication des Signes

Jour de Dimaaohe. . . .

t

Nouvelle Lune .

Jour de petite Fête. . .

Pleine Lune, .

Fêtes de la Sainte- Vierge.

Dernier quartier. . . .

A

Jour de beau temps. . . .

©

Grande marée. , . - .

Jour assez beau .

Bon semer et planter. .

Jour de chaleur. . . .

ô

Bon couper le bois. . .

Jour venteux .

Bon prendre médecine.

Eclairs .

iî»

Bon prendre pilules.. .

Pluie .

Bon traiter les yeux . .

Tonnerre .

'A*

Bon couper les ongles. .

Froid .

îf

Bon couper les cheveux.

Brouillard .

Bon saigner. . .

Neâge .

m

Bon ventouser .

Fig. 2.

caractères hiéroglyphiques; on y trouvait également un Aderlassmann. L'Almanach des bergers, imprimé au XVIII'’ siècle à Liège par Bourguignon, pendant le

(1) Histoire des livres populaires ou de la lillérature du col¬ portage.

(2) Etude sur les almanachs et les calendriers de Troyes 11497-

1881). Mémoires de la Société académique d’agriculture, des sciences, arts et belles-lettres du département de XL (1881),

p. 217-375.

(3) L’Almaiiach des bergers. Revue des traditions populaires

y (1890), p. 145-149.

39 -

XIX« siècle à Troyes par Baudot, par André et par Bertrand Hu, peut revendiquer pour ancêtre un alma¬ nach bernois de 1372 (1), plutôt que le Calendrier et compost des bergers, dont on connaît plusieurs éditions incunables. 11 est probable que ce petit livre était sur¬ tout destiné aux illettrés. Telle n’est pas l’opinion de Nisard, car « il faut nécessairement, pour parvenir à deviner et à savoir par cœur ces caractères, faire cent fois plus d’efforts d’intelligence et de mémoire que pour apprendre seulement à lire l’écriture humaine... ; d’autant que, indépendamment des éclipses, des fêtes mobiles, de la chi'onologie du monde et de quelques fêtes de saints nommés en toutes lettres dans le corps de l’almanacb, on trouve au commencement l’expli¬ cation des signes par lesquels les noms des jours et les quantièmes ont été remplacés » (2).

Quoi qu’il en soit, Y Almanach des bergers a paru pour la dernière fois en 1904.

(1) Cf. Graf, J. -H. Historischer Kalender oder der hinkende Bot. Seine Entstehung lond Geschichle. Ein Beilrag zur bernischen Buchdrucker-und Kalendergeschichle hrsg. von der Slàmpfischen- Buchdruckerei. Bern, 18%, gr. in-8', p. 7 et pl. 1.

(2) Nisard, Charles. Op. cit., 2' édition, i, p. 74.

40

L’ANCIENNE MACHINE A DÉCAPITER par le D' PICHEVIN

L'iiiülruiiienl. qui sert à Iraiiclier la Lèle dalei'ail d'une époque Li'ès éloignée. Mais les preuves de celle afTirmalion nesonl pas loujours élayées sur des bases suffîsamnienl solides.

Si l'on en croil M. Peigné-Delacourl (1), on aurail Irouvé à Lenié, près de la roule de Guise à Vervins, dans le canloii de Sains (Aisne) un galel en grès du poids de 97 kilograinnies el (aillé d'une la(;on fori originale.

En suspendanl ce bloc à l'exlréinilé d'une lige donl la parlie supérieure sérail làchemenl allacbée à la branche d’un arbre, par exemple, on peul imprimer des mouvemenls de pendule à rinslrumenl primilif.

(( J'ai fail récemmenl plusieurs expériences, écril M. Peigné-Delacourl, sur les elïels produils pai’ ce disque el, A celelïel, je me suis servi d'un fac-similé de fonle monté sur le modèle creux que j'avais complété en y ajoulanl le segment perdu... J'ai fail exécuter le plus facilement la décapitalion de la léle des mou¬ tons... Une pareille pièce devait être réservée pour de .solennels emplois, comme pour des supplices ou les abominables cérémonies d'un culte «anguinaire. »

Le membre de la Société des Antiquaires de Picar¬ die, associé correspondant de la Société des Anti¬ quaires de France, l'honorable .M. Peigné-Delacourt, semble avoir l’imaginalion un peu vivo et abuser r|uelque peu du procédé de l'induction.

Comment peut-on raisonnablement découvrir dans l'énorme galet de Lemé le précurseur du couteau ou de

(1) Notice raisonnée sur deux instruweHts liel’dgc (le pierre. Un tranche-tête et une lancette, par M. Peignc-Dclacoùrl. 1880. B. N. Lj» 1S66.

la liaclie qui, glissanl rapidement dans une rainure, devait abattre la tête des condamnés? Il n’est rien moins démontré que ce galet ait jamais servi, à l’âge de pierre ou plus tai'd, soit à la décapitation de nos ancêtres, soit même à celle d’animaux quelconques..

On prétend que l’instrument à détruncation aurait été en usage anciennement en Chine. La Heme rélros- peclire ( I ), dans sa publication des documents adminis¬ tratifs relatifs à l’adoption de la guillotine, se contente de mentionner cette assertion.

Dans un grand journal quotidien (2), on avance que « le sinistre instrument fut en usage en Perse avant (|ii’on le connût en Europe, et la Perse elle-même doit l’avoir emprunté à d’autres pays d'Asie. » Les Perses sont, en elïet, désignés dans plusieurs publications (3) comme les initiateurs de la guillotine.

Si l’on s'en rapporte à différentes gravures, estampes à quelques désignations assez, succinctes, la machine aurait servi dans l’ancienne Home.

L’on sait que Manlius Torquatus, consul dans la guerre contre les Latins, en l’an 340, fit trancher la tête à son fils pour avoir combattu malgré sa défense.

Ce supplice est représenté dans maintes gravures, qui datent d’une époque bien postérieure (4) (XV1«, XYII® siècles).

D’autre part, ce genre de supplice était désigné (ü) dès le XV1« siècle, sous le noms de f( Décapitation par une hache à cliûte selon la méthode romaine j). On l’appe¬ lait aussi le supplice de Titus Manlius.

(1) Revm rétrospective, 1 (2* série), janvier 1835, p. (1.

(2i Le Temps du 27 septembre 1887 : citation d’un articie du Daily News.

(3) Dictionnaire de la Conversation, t. X, p. 0,34, 291/10; la Grande Encyclopédie, article Guillotine, t. XIX, p. 389, 293/19.

(4) Encyclopédie du XIX^ siècle, article Guillotine, t. XX, p. 72 •— Encyclopédie moderne, t. XVll, p. 166. - Dictionnaire de la Con¬ versation, 2' édition, 1860, article Guillotine. Cliéreau Guillolin et la guillotine. Paris, 1870, p. 33.

(5) Chronique médicale, 1901, p. 606.

42 .

Dans quelques gravures, qui datent du XVI® et du XVII® siècle surtout, on trouve figurée la décapitation d’un certain nombre de saints des premiers temps de l’ère chrétienne qui auraient eu la tête coupée à l'aide d’un instrument ayant d’étroites analogies avec la moderne guillotine.

Mais il faut insister sur ce fait que dans aucun ouvrage ne se trouve avant le XVIII® siècle la descrip¬ tion d’un supplice semblable chez les Romains. La décollation ,se fit d’abord avec la hache, plus tard avec le glaive.

Les peintres et les graveurs du XVI® et du XVII® siècles ont donc représenté des supplices qu’ils ontarbi trairement rapportés à des temps anciens, en revêtant leurs personnages des costumes de ces époques éloi¬ gnées, sanssesoucier deTanachronisme quevolontaire meutilscommettaient.llssecon tentaient de figurer avec exactitude la machine qui était en usage de leur temps et qu’ils avaient sous les yeux.

Héron, dans l'interprétation du texte d'un poème du XIII® siècle (1), déclare que l’appareil dont il est ques¬ tion n’est autre que la guillotine avec un rasoir d’acier soutenu par une chaîne d’argent, le tout accompagné d’un cercueil de marbre prêt à recevoir le corps de la victime.

C’est une simple supposition .sans hase sérieuse. En réalité, l’instrument à décapitation a été mis en usage dans une grande partie de l’Europe : en Alle¬ magne, en Hollande, en Flandre, en Italie et en Ecosse. La machine a servi pendant plusieurs siècles, peut- être d’une façon intermittente, dans ces dilïérents pays et n’a pas laissé de traces sanglantes de son passage dans ces régions.

Sans doute, par suite de recherches patientes, on est arrivé à rassembler de nombreux documents gra-

(I) MesMre Gniirai» ou la Venge ince de Raguidcl, poème de la Table ronde, par le trouvère Raoul, publié et précédé d’une intro¬ duction par C. Hippeau. Paris, 1862.

43

phiques et écrits qui démontrent l’existence de la terrible machine dans dilïérentes contrées d’Europe, mais ce n’est guère que depuis la Révolution que la guillotine ancienne fut exhumée et vint à la connais¬ sance de quelques curieux.

Aussi bien est-il dilïicile d’établir exactement l’ordre chronologique d'apparition de la machine, appelée d’abord Asser on Plaiihe der Ihil ou Falbeil en Alle¬ magne, Manaïa en Italie et Mdidm en Ecosse. 11 n’est pas possible de trouver d’une façon précise la première indication de l’existence de la fatale machine.

Au dire de Tourdes, celle-ci (I ) était en usage dans la ville de Dendermund (Flandre orientale, près de Gand) vers 1233 ; une autre à peu près analogue exis¬ taient en Bohême, à Saalfeld, vers 1243.

.lohn Eliott Hogkin alïirme (2) qu’une machine semblable è la guillotine était en usage à Halifax, en Yorkshire, du temps d’Edouard 111, au XIV® siècle. C’était un instrument particulier à cette ville et dont on se servait pour punir certains actes de trahison.

La machine à détruncation aurait fonctionné à Liège dans les premières années du XV" siècle. 11 existe une iconographie, du reste assez pauvre, qui date de la (in du XV" siècle, un peu plus abondante au XVI" siècle, plus touiïue au XVII® siècle. A cette dernière époque, on assiste è une éclosion de gravures qui représentent l’instrument de supplice dénommé plus tard guillotine.

Dès le milieu du XVlll' siècle, les auteurs décrivent avec jirécision la machine et son fonctionnement. La manaïa est d'usage courant en Italie, alors que ce sup¬ plice n’est plus en usage dans l’Europe occidentale.

La machine d’Halifax (3) fut importée à Edimbourg par Morton, un des plus terribles régents d’Ecosse.

(1) Tourdes in Dict. encyclopédique des sciences médicales. Paris, IS84, arlicle Supplices, p. 4.W (d’après Friedreich, Handhnch der fjerirhtsserztichen Pra.ris, p, 1212 è 12;t9. Regensburg, 1847'.

(2) Xotes aiid queries, 4. séries 5 january-june 1870, p 231.

(^Article GuUloline in Encyclopédie du XIX‘ siècle, 1872, l. XII,

Condamné à inoil pour crime de haute trahison, il (ut décapité en mars 1578 à l’aide de la machine qu’il avait fait construire lors de sou passage à Halifax et dont il avait ordonné l’érection à Edimbourg.

M. Pennant a vu (1) cette machine dans une des salles basses du Parlement d’Edimbourg et en fait la de.scriptiou suivante :

« C’est une machine d’environ dix pieds de haut ayant la forme d’un chevalet de peintre ; à quatre pieds de la base se trouve une traverse sur laquelle le patient pose la tête et qui est maintenue par une autre barre transversale placée au-dessus. Les faces intérieures des montants sont pourvues de coulis.ses dans les¬ quelles on ajuste une hache bien aiguisée, dont la partie supérieure est garnie d’une lourde masse de plomb. Cette hache est maintenue au sommet du cadre par une cheville arrêtée elle-même au moyen d’une corde; l'exécuteur coupant la corde, la hache tombe et tranche la tête du patient. »

M. Delaherche a visité, au Musée archéologique d’Edimbourg, une vieille machine à décapiter dont on faisait usage (2) dans un clan écossais au XVI® siècle

Telle est la mctkkn, la servante, la fille ou pucelle.

Les dernières exécutions qui furent faites en Grande- Bretagne sont celles du marquis d’Argyle (1651) et de son fils (1685). Alors que la tête de ce dernier était sur la fatale traverse, le condamné s’écria que c’était la plus charmante « pucelle » que de sa vie il eût jamais embrassée.

Hogkin cite une machine très bien construite et (jue l’on trouve dans l’édition de 1577 de Kolcmhe.d’s Chronides.

Au reste, Dargand (5) fait mention du terrible appa¬ reil qui a été décrit par Waller Scott.

iliAi-Ucle Guillotine, Enci/clopédif. moderne,, l. XVll.

(2) Dujardin-Heaumetz et Évrard. Notice historique let nliysiolo- gique sur la guillotine. Annales d’hygiène el de médecine légale, L XX.MV, P 150

(3) ^ Dargand. Histoire de Marie Sinarl. Paris, l8;50,-in-8, l,; II,

m

Le gibet d’Halifax est reproduit dans une gravure qui porte la date de 1650 et dans un opuscule (1) intitulé Halifax el sa loi du gihet .

RandleHolme (in Academy o/'drmo)/)7/,l678) décrit (2) les armes d’une famille, dont les armes sont une machine à décapiter. La môme assertion est reproduite dans V Encyclopédie moderne, mais Academy of Annoitry porte lion pas la date de 1678, mais celle de 1698.

Les armes seraient «de gueules au billot à décapiter lixé entre deux supports, dans la parlie supérieure desquels est engagée une hache ; du côté senestre, un maillet ».

Randte Holme ajoute : « C’est ainsi que les Juifs et les Romainsdécapilaienl leurs criminels; 1(^ patient ayant placé sa tête sur le billot, on posait sur son cou la hache engagée dans les rainures pratiquées te long de deux montants et l'exécuteur, frappant alors un grand coup de sa forte masse sur le dos de la hache, le faisait péné¬ trer à travers le cou du patient jusque dans le billot. »

11 faut rapprocher de ce texte une estampe (3) d’ori- rige allemande. La tête du supplicié est placée sur le billot et maintenue à l'aide d’une barre placée sur la nuque. Le bourreau s’apprête à frapper avec un maillet sur l’instrument qui est posé sur la partie postérieure du cou du condamné.

Dans la Gh'ande Encyclopédie (4), on trouve la repré" sentation de ce mode d’exécution. Dans une gravure de 1680, relative au supplice de Jacques le Majeur (ou des douze apôtres), le patient, agenouillé à terre, a les mains liées derrière le dos. Son cou est appuyé sur une barre de bois fixée à deux montants. Le couperet,

(1) Brüaimia de Gamdèn {S' édition. Ed. Gibson, 1722. Voir Dictionary of national biographies, vol. VHI, art. Camden, et le premier volume d’/?i>erÿ,rftti/6oo/i'.

(2J Pàgol in fioles and queries. Eeb. 2(i, 1870, p. 232.

(3) B. N. Estampes, CXXVl. 11143, Supplice de l'Uvs Manlius. Jobst; Ammam sculpsit.

(4) Grande Encyclopédie, t: XIX, p. 389,

46

arrêté dans les mêmes montants, repose sur la nuque du condamné, et le bourreau assène sur l’instrument un coup d’un énorme maillet de bois.

Ce mode de décapitation n’était pas aussi perfec¬ tionné que celui d’Halifax.

Robertson, dans son Histoire il’lùmse, en 1759, alfirme que les nobles de ce pays étaient décapités au XVR siècle avec la maïden, « tranchoir arrêté dans un cadre et qui, glissant sur deux coulisses, tombait sur la tête du patient ».

A la lin du XVllR siècle, l’existence du coupe-tête d’Ecosse avait été révélée (1) par de Laporte.

(( En Ecosse... la noblesse est déca])itée d'une manière particulière à ce pays. L’instrument dont on se sert est une pièce de fer carrée, large d’un pied, dont le tran¬ chant est extrêmement affilé. A la paiiie opposée est un morceau de plomb d’une pesanteur si considérable qu’il faut une très grande force pour le remuer. Au moment de l’exécution, on l'enlève au haut d’un cadre de bois à 10 pieds d’élévation et, dès que le signal est donné et que le criminel a le col «ur le billot, l’exécu¬ teur laisse librement tomber la pièce de fer, qui ne manque jamais du premier coup de séparer la tête du col. »

Aussi le chirurgien Louis, dans le rapport qu’il lit à l’Assemblée nationale sur la machine à décollation, n’eut-il pas tort de parler du procédé usité en Angle¬ terre. Mais il aurait ajouter « jadis ». Le supplice de la décapitation à l’aide de la machine était sup¬ primé de l’autre côté de la Manche depuis 150 ans, quand il fut appliqué eu France pour la première fois.

Ce fait paraissait indiscutablement établi quand, dans un récent travail, M. H. Hymens (2) président

il) L’abbé de Laporte. Paris, 1774. Le Voyageur françaU, in-8 , t. XIX, p. 317-318, d’après Chéreau. L’édition indiquée par Brunet est Le Voyageur français. Paris, 174S-1793, 42 volumes in-12.

(2) H. Hymens. De la pari de quelques sources artistiques ancien¬ nes dans une invention moderm. Lecture faite en séancedu 9 février 1908. Tirage à part. Brochure 12 p. Anvers, 1908, p. 4.

Je remercie l’auteur de m’avoir fait parvenir son travail.

47

de l’Académie royale d’Archéologie de Belgique, vint affirmer que la machine à occire n’élail pas délaissée en Ecosse, du moins pour les personnages de rang.

« El c’est ainsi qu’en 1797 elle servit encore au sup¬ plice de Lord Prévôt et des magistrats d’Edimbourg. »

L’indication bibliographique susceptible de permet¬ tre la vérification de cette assertion, conti-ouvée par de nombreux auteurs, n’a nialbeureusement pas été donnée par M. H. Hymens.

A la Bibliothèque Nationale (1 ) se trouve un précieux manuscrit l’on voit le supplice de la détruncation à la fin du XV” siècle, probablement vers l’année 1470, au dire de M. de La Roncière, bibliothécaire.

La miniature est extrêmement fine.

L’instrument représente un cadre en bois. Un des poteaux possède une rainure dans laquelle glisse le couteau. Une corde, accrochée à la traverse supérieure, tient l’instrument suspendu. Au-dessus d’un des poteaüx est piquée la tête d’un saint qui vient d’être coupée. Du sang est répandu par terre et le couteau est encore rouge.

Le patient, habillé tout en blanc, la tête auréolée, est à genoux. Son cou est posé sur une traverse, au-dessous de l’instrument tranchant. En avant, le bourreau est en train de couper, de la main gauche, la corde qui retient le couteau.

Derrière l’appareil, se voit le corps d’un supplicié. De blanc habillée, une autre victime s’apprête à succé¬ der à celle que l’on exécute. La tête entourée d’une auréole, les yeux bandés par l’aide du bourreau en chapeau rouge et culotte de même couleur, ce condamné a les mains liées. Sur un plan plus éloigné, sont deux spectateurs, l’un ayant un turban, l’autre portant une grande barbe blanche.

(1) B. N. Département des manuscrits. Manuscrit latin, 1473, p. 13 ' au verso. Ce manuscrit, dit « livre d’heures de .Savoie», a été acquis du C'" Papilion au commencement du mois de frimaire de l’an Xlil de la République. Il contient de très Anes miniatures.

48 -

Ces personnages sont d’une grande linesse d'exécu¬ tion et de coloris.

Des scènes sanglantes qui devaient marquer la Révo¬ lution française avaient eu lieu environ 380 ans aupa¬ ravant en Néerlande.

A Liège, au début du XV" siè(;le, de grands événe¬ ments bouleversèrent le pays. Les Haidroits et les Cornuts se levèrent contre la féodalité. En 1407, à la justice seigneuriale, représentée par l'antique gibet, on opposa une machine à décapitation, nouvel instrument à mécanique qui rendait la peine ca|)itale égale pour tous.

L'appareil à décollation (1 ) aurait été inauguré à Liège le 30 juin 1407. Devant l'Eglise St-Lambert, sur la place du Marché, l'échafaud fut dressé. C'est bi que furent exécutés le seigneur de Horion et son fils, spec¬ tacle qui souleva une vive émotion.

Après sa victoire, le 23 septembre 1408, Jean de Bavière, priiice-évôque de Liège, comte de Hollande litcouper la tête aux sires deRoebeforI, de Seraing, etc.

l.'lhoile heljiedu 16 octobre 1879 signale, à Bruxelles, l'existence d’un manuscrit de 1430 avec un dessin de la machine à détruncation. Ce journal ajoute que, dans un manu.scritllamand antéileur à cette date, .se trouve une autre miniature du même genie.

Une miniature du XV» siècle, qui fait partie du manuscrit 3 de la Bibliothèque municipale de Mâcon (2), représente un appareil de décollation qui sectionne en môme temps la tète d’un martyr et le pied d’un autre patient.

Les scènes de Liège en 1407 et 1408 avaient vive¬ ment frappé l’imagination de ceux qui en avaient été

(t) Leu gravures de Jean de Bavière, premier évêque de liège, comte de Hollande, ISao-im. Notice historique ZZ. Parts, Bibl. nat. (e.stampes), acquisition 4602, Y oO a.

(2) L’Intermédiaire des Chercheurs et des Curieux, 10 mars 1907, n“ H41, 383.

49 -

les témoins attristés. Lucas les auiait reproduites d’après d’anciens dessins qui se trouvaient dans les collections de M. Kaianian (de Bruxelles).

La figure du chevalier qui tient la tête du supplicié aurait quelque ressemblance avec la tête de Jean de Bavière. Un soldat porte sur son chapeau la croix de l’Arbre-Sec des Bourguignons.

La machine est posée sur un socle. La tête du con¬ damné est maintenue par le chevalier. Il existe un châssis. Une grande hache est engagée dans deux scissures latérales, comme celles que l’on trouve dans la gravure d’Aldegrever. Une corde est adaptée à l’ins- Irument et est maintenue par un aide que l’on ne voit pas et qui se trouve derrière l’appareil.

Sur le socle, on lit la lettre « L».

La date n’est pas mentionnée. Mais on sait que Lucas de Leyde mourut en 1533. .

D’autres graveurs allemands ont reproduit semblable machine : Pentz, qui copia si volontiers Lucas de Leyde ; Cranach, Aldegrever, Schaullein.

Une des estampes est de Georges Pentz et porte la date de 1335. D'après Chéreau et bien d’autres auteurs, il s’agit du supplice du fils de Titus Manlius.

Dans le Peintre graveur (1), Bartsch, au chapitre con¬ sacré à ce graveur, cite l’œuvre : « 76. Titus Manlius faisant trancher la tête à son propre fils. Manlius est représenté debout au-devant de la gauche, 1335. »

Le cabinet des Estampes renferme (2) une gravure qui date approximativement de 1330. Il s’agit encore du supplice de Titus Manlius. La tête posée sur le bil¬ lot, le patient attend la chute de l’instruiqent qui est suspendu eu haut de la machine. Le bourreau a dans la main la corde qui soutient la hache. Sur la potence, sont inscrits les initiales de Georges Pentz.

A signaler aussi (3) la représentation d’uue exécu-

(1) Le Peintre graveur. Vienne, 1808, t. Vill, p. 342.

(2) B. N. Estampes. Collection Hennin, CXXVI, 11.141.

(3( B. N. Estampes. Coliection Hennin, CXXVI, 11.140, p. 37.

Bull. Soc. fr. hist. méd., X, 1911.

- 50 -

tion capitale à l’aide d’un instrument à décapiter. Cette gravure sur bois, due à un artiste allemand inconnu, vers 1550, est empruntée à un livre latin imprimé en caractères gothiques.

Le patient est couché. La partie antérieure de son cou est placée sur une barre. La nuque est libre, non maintenue par une traverse. Le bourreau soutient en l’air l’instrument horizontal à l’aide d’une corde.

Il faut mentionner un dessin de Henri Guttenberg(l) et une gravure humoristique (2) à l’eau-forte d’un artiste allemand.

Une autre estampe datée de 1553 est signée d’Alde- grever. Bartsch (3) donne l’indication suivante : « 72. Titus Manlius, 1553, hauteur 4 p. 3 lig., larg. 2 p. 8 lig. Titus Manlius faisant couper la tête à son propre fils. »

D’après MM. Dujardin- Beaumetz et Evrard (4), M. Delaherche possédait une gravure portant le monogramme d'Aldegrever et la date de 1553.

Au reste, cette estampe se trouve à la Bibliothèque nationale (5) et mérite d’être rapprochée de celle de Fentz.

Voici comment Dujardin-Beaumetz et Evrard inter- pi'étent l'œuvre d’Aldegrever :

i( Sur un massif énorme de pierre de taille repose un châssis formé de 2 larges et solides montants réunis en haut et eu bas par des traverses horizontales. Dans leur moitié inférieure, les montants sont creusés d’une rainure verticale garnie de solides ferrures, dans laquelle doit glisser un lourd couteau en forme de hache convexe. Le cou du patient repose sur la traverse inférieure ; le bourreau tient avec la droite la corde qui fixe le glaive et avec la main gauche la tête du patient.

(1) B. N. Estampes. Collection Hennin, CXXXI, 11.488, p. 62.

(2; B. N. Estampes. Collection Hennin, CXXVl, p. 56.

(3) Loco citalo, t. VIH, p. 388.

;4; Notice historique et physiologique sur la Uuillotinc. Annales^ il’hygièni! et de médecine légale, t. XXXIV, p. 151, en note.

(o) B. N. Estampes. CXXVl, 11.143. Supplice de Manlius.

Ag. 1553. Hen. Aldegrever scripsit, 1553, p. 57.

Il est facile de se convaincre à l’examen de cette estampe que la machine qu’elle représente n’est point l’œuvre de l’imagination du graveur ; les minutieux détails qu elle reproduit indiquent qu’Aldegrever a eu sous les yeux le modèle de la machine à décapiter dont on faisait usage en Allemagne. »

Chéreau indique que le condamné n’était pas atta¬ ché et que son corps ne reposait sur rien. Le fer était suspendu à une forte chaîne en fer.

Lucas Cranach a publié, dans la première année du XVI' siècle, une gravure au trait parfaitement exécutée. On voit non seulement l’instrument, il est vrai, encore grossier, mais aussi le supplice tel qu’il existait alors (1).

D’après l’auteur de l’article Guillotine (2), le patient est à genoux. Le fer est suspendu à une corde que lâche un exécuteur. Ce serait un supplice du temps et du pays.

On trouve dans l’article de Pigot : « Lucas Granach’s woodents of the martyroom of the Apostles. Wittem- berg, 1539». Ce qui laisse supposer que ce célèbre graveur a voulu représenter le supplice d’un apôtre avec la machine alors en usage en Allemagne.

Ghapet (3) signale dans le Symbole des Apôtres, de Luther, une gravure sur bois de Lucas de Granach, sans date, représentant le supplice d’un apôtre. Il- existe un couperet, de forme quadrangulaire, fixé au sommet de la machine à décapiter.

Au Cabinet des Estampes (4), on peut voir la repré¬ senta tiond’uneexécutioncapitaleà l’aide d’une machine à décapiter, semblable à celle qui avait été gravée par ou d’après Cranach vers 1570. Le patient a la tête appuyée sur une traverse. Le bourreau, de ses deux mains,

(1) Reveillé-Paris. MonUetir unirersel, arl. sur Ouillolin 25 février et 10 mars 1851.

(2) Dictionnaire de la conversation, Loc. cil.

(3) lyon médical, 1830, t.LXIII, p. 437.

4) B. N. Estampes. CXXVI, 11.139, p. 57.

tieint l&'Cortie -(Jiîi suspend- la üaelie au-dessus de la tète du condarnué.

La Reme de, Saintonge et d’Auim (1) reproduit quel¬ ques renseignements' intéressants sur ces vieilles gra - vuresd’après un travail de G. xMathieu.

Dans une suite de 12 pièces représentant le martyre des apôtres; au' bas de- chacune d’elles, il y a uii verset tiré des Ecritures et autour des médaillons représen- lant dilïérentes actions du saint. Ou ne trouve sur aucune d’elles ni monogramme ni nom du graveur, mais toutes portent F. L. D. Chartres ex. cum pricilcgio regis (François La.nglois, de Chartres), in-4o'en hauteur.

C’est le supplice de Manlius. Au bas,on lit ces mots : (( Occidit Jacübum fratrem Joannes gladio. » C'est la pièce annoncée par M. Leblanc;

G. 'l'ourdes; à l’occasion d’une visite faite à l’Hôtel de Ville de Nuremberg, écrit (2) : « Parmi les fresques d'Albert Dürer, dans le Rathaus, il en est une qui résout une triste question de priorité; elle représente une exécution capitale à l aide d’une machine, qui n’est autre chose que la guillotine moderne ; l'identité ést frappante. La France a donc le droit de répudier au moins l'honneur de l'invention. »

Le regretté professeur Le Fort, plus tard, porta- ses pas au même endroit. Dans une lettre qu’il adressa" au Président de l’Académie de Médecine de Paris, il s'exprime dans les termes suivants :

(( La grande salle del’Hôtel de Ville deNureinberg(3’), construitexau commencement du XVP siècle, a l’une de ses muraille!^ couverte par une magnifique composi¬ tion peinte par Albert Dürer en 1322, représentant le triomphe de l’empereur Maximilieu. La muraille oppo-

(1) Kxcui-sion médicale en Allemagne. Lettre adressée au Profes¬ seur Stoeber, par G. Tourdes. Gazette médicale de Strasbourg, 25 avril 1855, p. 276. Voir aussi Revue de Saintonge et d'Aunis, t. XV, 1895, p. 294.

(2» La guillotine chez les Romains, Gaz. fte&d.,f866, p. 75. B. N., t. 33, 277.

(3) Revue de Saintonge et d’Aunis, t. XV, 1895, p. 110.

53 -

sée est percée de nombreuses fenêtres en ogive et le panneau intermédiaire à chacune de ces fenêtres est orné d'un médaillon dans lequel un peintre, dont j’ignore le nom, a représenté vers 1321 un sujet tiré de l’histoire romaine. La fresque qui orne le panneau compris entre.les deux fenêtres du milieu de la salle représente Manlius Torquatus faisant décapiter son fils, et l’action est. expliquée par une inscription latine.

Le jeune Manlius est représenté à genoux sur le sol, le- corps couché horizontalement sur un large hillot, des deux côtés duquel s’élèvent verticalement deux montants réunis en haut par une traverse horizontale.

Chacnn de ces montants est creusé d'une rainure dans laquelle glisse, de haut en bas, un gigantesque couteau. La tête du condamné est engagée entre les deux montants, et, pour compléter la ressemblance avec la guillotine, le couteau est mis en liberté et en mouvement au moyen d’un ressort et d’une corde que l’exécuteur tient à la main.

Dans la grande salle du Conseil, à Lunebourg, en Allemagne, on voit un panneau du XV® siècle (1) qui représente l’instrument à décapitation. Dans l'ouvrage de Lucas Lossius [Ann. sclwlast. Francf., 1551) on trouve une image de la même machine.

Il faut ajouter que, dans le livre de H. P. Rebenstock publié à Francfort en 1573, est un dessin semblable gravé par Georges Penlz.

A une époque mal déterminée, au nioyen âge, écrit lourdes (2), a été exécutée une sculpture en bois, qui représente une machine â décapiter. Cette curiosité se trouve dans une église de Kalish, en Pologne. . ,

D’après John Eliot Hogkin,dans une très rare édition des Legenda mnclorum imprimé par Greuther Zainer, aux environs de 1470, on trouve, la figuration de la machine.

(1) Mmée universel, 21 décembre 1872, p. 179t

(2) Dict. des sciences encyct. art. guillotine, loc. cit.

Suivant le D'' Blanchard, professeur à la Faculté de Médecine de Paris, une guillotine (1) est représentée dans tous ses détails par Petrus de Natalibus dans le Catalogns sanctorum et gestorum corum ex ditcrsiK rolu- minibus collectus, publié à Lyon en 1514.

A une réunion delà Société des Antiquaires, Arnold, d’après Piggot, montra un Catalogus sanctorum de Pétri de Natalibus, dans lequel se trouve la machine. John Eliot Hogkin affirme que c’est dans la première édition du Catalogris sanctorum, par Natalibus (1517), que l’on voit l’appareil en question.

Les dates des éditions, les textes de rindication bibliographique ne sont pas les mêmes.

A la Bibliothèque nationale, dans le « Pétri de Natalibus (2), Ugenda sanctorum », il n’y a aucune gravure se rapportant à l'instrument qui servait déjà à décapiter. Le Catalogus sanctorum de 1.521 (3) ne contient non plus rien de semblable.

Quant à l’édition de Venise (4) et à celle de Lyon de 1542, elles ne sont pas à la Bibliothèque nationale. Voici ce qu’on lit dans le Manuel du libraire (5) au sujet <le l'édition de 1506 : a Parmi les nombreuses vignettes sur bois que contient ce volume, il y en a une qui représente un instrument de supplice semblable à la guillotine. »

La Chronique médicale cite (C), d’après le Correspov- dani médical, une plaquette dont ou possède un exem¬ plaire imprimé à Wittemberg, chez Georges Rhan'en, 1549.

C'est une histoire des douze apôtres en 14 feuillets, résumée par Johann Pollicarius. La mort de chaque

(1) Chronique médicale, 1901, p. 606.

(2) Vicentiœ, 1493. H. 260, inventaire réservé, H. 104.

(3) Inventaire, H. 390.

(4) Venetiis. Anno MCCCCCVI, V. idus iulii, in fol.

(3) BnuNET, le Manuel du libraire. Paris, 1863, l. IV, p. 1.S.

(6) Chronique mééfcalé, 1901, p. 606.

5o

apôtre est l’eprésentée par une gravure sur bois du style Albert Durer.

Le supplice de saint Mathias, XIP article, est figurée par une guillotine à montants verticaux et couteau transversal. Le bourreau dégage le couteau à laide d'une corde. C’est sur cette estampe qu’on trouve l’indi¬ cation du nom de l’instrument : Hache à chute selon la mode romaine.

Nombreuses sont les gravures simulant le supplice des saints ou d'es .saintes. Larrey (1) en possédait une ancienne, représentant le martyre de sainte Constance à l’aide d’un appareil qui ressemble à l’actuelle guil¬ lotine.

Au Cabinet des Estampes, il existe une suite de douze dessins à la plume et lavis (2) représentant les douze apôtres. Derrière la ligure de saint Jacques Majeur apparaît la machine à décapiter.

Une corde tient, suspendu, un, instrument convexe muni d’un poids. Au-dessous est la tète du condamné, qui est placée sur une barre transversale.

Au dire de Crusius, savant helléniste, qui, en 1594, écrivit les Annales Sucvici, la décollation de son temps se pratiquait à l’aide du glaive. Mais anciennement, dit Crusius dans un passage des Annales Suevici (3), l’exécu¬ tion se faisait au moyen d’un bloc de bois qui portail un fer très coupant. Cette machine a fonctionné pen¬ dant un certain temps sous le nom dePlanlce ou Falbeil en Allemagne et de Hagel en Bohême.

Jacob Cats, poète populaire du Royaume néerlandais (1577-1660), dans son ouvrage (4) intitulé Dootkeste (le Cercueil) édition d’. Amsterdam, 1660, in-1", w" 4ÿ, écrit un chapitre : « Op een vallende hyl, in eenige landen

(1) Bulletin de l’Académie de Médecine, 30 octobre tSWî. ,

(2) B. N. Estampes. Les douze apôtres, etc. Coll. Hennin, CXXVl H. 144 p. .'59.

13iTourdes, T.oc. cit. Voir aussi Euglish encyclopedia, London, 1860, vol. IV, p. 549.

(4) Article Guillotine. Encyclopédie moderne, Paris, 1848, t. XVll.

gebniykelyk. " Voici la traduction littérale : « Sur une hache tombante en usage dans quelques pays. » Le récit mérite d'étre publié :

«Dans un temps ancien, il a été inventé, écrit J. Gats, un instrument au moyen duquel bien des gens ont été envoyés en terre : c’est une hache d’acier suspendue à un fil, qui s’élève et s’abaisse dans une rainure. Lors- (|u un homme est condamné à mort, l'arrêt lui est lu et publié et aussitôt on lui couvre les yeux d’un ban¬ deau, on lui met le col à nu et ori l'abais.se sur le billot. Le mince cordon coupé, la lourde hache glisse rapidement et atteint à la nuque celui qui en dessous attend etgémil... »

L’abbé Bloëme(l), qui a mis la main sur une éaitiou in-i2 des œuvres de Jacob Cats, donne le fac-similé d’un instrument figuré par cet auteur. Cette gravure, accompagnée de la description que donne le poète, établirait l'étonnante ressemblance de l'ancienne machine avec la moderne guillotine.

Le XLIF tableau représente une exécution capitale.

On y voit l’échafaud, le cortège de la justice, les bourreaux, la foule compacte et curieuse. Voici le patiènt placé sous la hache. Le criminel est agenouillé sous une plateforme devant une espèce de table-colïi-e, sur laquelle il est étendu. Ce coffre, de forme rectan¬ gulaire, présente deux poteaux placés l’un à côté de l’autre. Une traverse, comme un dessus de porte, s’ap¬ puie sur les sommets des deux poteaux. Il existe une sorte de corniche qüi sert de toiture à l’énorme cou¬ teau qui se trouve plus bas. On distingue la rainure, on voit les extrémités de la hache qui s’avance dans la coulisse. Un cordon s’élève perpendiculairement du centre de l’instrument tranchant... On voit s’avancer une main tènant le tranchet destiné à couper le cordon.

On lia pu trouver aucune trace du supplice dite à

.. (1) Notice mr la guillotine, par l’abbé A. Blbéme. Haïebrouok, 1868, p. 12 èn partlciilier. B. N., V p. 14674.

la mode romaine» qui aurait été mis en pratique à l’époque des anciens Romains. C’est une erreur qu’il faut détruire définitivement. Par contre, il est certain qu’en Italie, dès le XVI® siècle, dans certaines prisons s’élevait une machine à décapiter, la Manaïa.

L’historiographe de Louis XII, Jehan Danton ou d’Auton (1), au chapitre : Comment un Génois nommé Justinian eut la tête coupée, s’exprime dans les termes suivants :

(( Dedans les prisons du Roi était lors un nommé Demetri Jqstinian, des plus gras du peuple gras de la

ville de Genes . Donc furent faits les échafauds et

les choses appretees pour lui trancher la tête, dedans une belle place près du môle de Genes, et dès' que le douzième jour du dit mois de mai (1507) Vigile de l’Ascension de Notre-Seigneur, serait exécuté.

» (Il voulut donner au roi 40.000 ducats pour etre repité de mort. Le roi refusa).

» Mais on advînt que le lendemain (13 mai) qui fut le propre jour de l’Ascension de Notre-Seigneur, sur le point de 9 heures du matin, fut par un prévôt des maréchaux conduit jusques à la dite place et fait mon¬ ter sur l’échafaud, voulut parler et dire quelque chose au peuple de Genes, et commencer quelque propos. Mais le prévôt ne lui voulut donner temps de finir son dire.

» Et ce fait, le bourreau lui banda les yeux; puis, de lui-même se mit à genoux et étendit le cou sur le chappus. Le bourreau print une corde, à laquelle tenoit attaché un gros bloc, à trait une doulouère tran¬ chante, hantée dedans, venant d’amont entre deux poteaux, et lira la dite corde, en manière que le bloc tranchant à celui Génois tomba entre la tête et Jes

(1/ Chronique de Jean d'ÀuUm, par Jacob, bibliophile, 1834, t. IV, p. 34. D’après les épUres envoyées au Roy très chreslien imprimées à Lyon par Claude Troys pour Xoel Abraham avec privilège à luy donné l’an mil cinq cens et neuf (1309', petit in-4», goth. de ü. (Brvket}.

- 88

épaules, si bien que la tête s’en alla d’un côté et le corps tomba dans l’autre. La tête fut mise au bout du fer d’une lance et portée sur le sommet de la tour de la Lanterne. »

Bocchi, souvent cité, a décrit le supplice de Démé- trius Gurstiniani, à Gênes, le 13 mai 1807, à l’aide d’un instrument, « la Manaïa», qui est semblable à l’actuelle guillotine (1).

Beatrix Cenci,de concert avec sa mère, Lucrèce Cenci, lit assommer son père Francesco, personnage dont la corruption dépassait tout ce que l’on peut imaginer. En punition de leur crime, Beatrix et Lucrèce furent décapitées au moyen de la Manaïa en 1890.

Le Père Labat, l’auteur si connu du Nouveau Voyage aux hlex de l’Amérique, écrivit par la suite le Voyage en iLupagne et en Italie. Au commencement du XVIIP siè¬ cle, il voit la Manaïa ou Mannaya et assiste (2) à un supplice capital en 1712 à Cività Vecchia.

Cet écrivain donne des détails qu’il faut nécessaire¬ ment reproduire :

« Outrele supplice de la potence, écrit Labat, il y en a deux autres en usage en Italie, la Massole et la Monnaye. Le premier est pour les assassins et autres criminels

(1) L’auteur de l’article Guillotine, dans Vlincyclojjédie des gens du monde (t. -\1II, 1840;, écrit qu’un savant italien de Bologne, A. Bocchi, a fait imprimer en 1,'îoo un volume in-4“, devenu rare et recherché pour les figures de Giulio Bonasone, qui ont été retouchées par Aug. Carrache dans une seconde édition publiée en 1!)74. Dans ce volume se trouve la description et une figure très curieuse d’une exécution avec une machine à décapiter. 11 ne faut pas chercher cette planche dans l’édition de 1.874. Elle en a été sup¬ primée. L’indication bibliographique précise est la suivante .icliillis Docchii Bonon. symbolicarum quastionum de universo genere quas serin ludebal. Bononiic MDT.V, flg. de Bonasone. Inventaire Z 1737.8 et au-dessous Z 1411, se voit la figuration de la machine complète, on lit ; « Magnanimus sanctis paret vir legib. ultro » Voir aussi Bulletin de l’Alliance des Arts, sous la direction de Paul Lacroix, 2.8 février 1844, p, 26. Lesupplicié serait un Spartiate; inventaire V, 33482.

(2) Voyage du Pe.re Labat en lispagne et en Italie., Paris, 1730, t. Vin, p. 21.

39

à peu près de cette espèce. Lorsque le patient est sur l’échafaud, aj^ant les mains liées derrière le dos, atta¬ chées avec une menotte de fer, le bourreau les lui lie encore avec une corde, dont il attache le bout à l’écha¬ faud même; après l’avoir fait mettre à genoux, il lui attache de même les pieds et lesjamhes au-dessous des genoux, il lui bande les yeux et le frappe entre l'oreille et l’œil avec une massue d’un bois dur et pesant, qui l’étourdit et le jette sur le côté; dans cet état, il lui perce la gorge avec un long couteau à peu près comme on égorge un cochon et lui ouvre toute la poitrine.

L'est avec la mannaya qu’on coupe la tête. Cette manière est très sûre et nefait point languir un patient, que le peu d’adresse d’un exécuteur expose quelque¬ fois à recevoir plusieurs coups avant d’avoir la tête séparée du tronc. Ce supplice est pour les gentils¬ hommes et pour tous ceux qui jouissent des privilèges de la noblesse, comme sont tous les Ecclésiastiques séculiers ou réguliers; quelques crimes qu’ils aient commis, il est rare qu’on les fasse mourir en public. On les exécute dans la cour de la prison, les portes fermées et en présence de très peu de personnes.

L’instrument appelé mannaya est un châssis de 4 à 5 pieds de hauteur, d’environ 15 pouces de largeur dans son œuvre ; il est composé de deux montants d’en¬ viron trois pouces en carré avec des rainures en dedans, pour donner passage à une traverse en coulisse, dont nous dirons l’usage ci-après. Les deux montants sont joints l’un avec l’autre par trois traverses à tenons et à mortaises, une à chaque extrémité et une environ à 15 pouces au-dessiis de celle qui ferme le châssis; c’est sur cette traverse que le patient à genoux pose son cou ; au-dessus de cette traverse est la traverse mobile en coulisse qui se meut dans les rainures des montants. Sa partie inférieure est garnie d’un large couperet de 9 à 10 pouces' de longueur et de 6 pouces de largeur, bien tranchant et bien aiguisé. La partie

(K)

supérieure est chargée d'un poids de plomb de 60 à 80 livres fortement attaché à la traverse ; on lève cette traverse meurtrière jusqu’à un pouce oudeuxprèsde la . traverse d’en haut, à laquelle on l’attache avec une petite corde ; lorsque le Barigel fait signe à l’exécuteur il ne fait que couper cette petite corde, et la coulisse, tombant à plomb sur le cou du patient, le lui coupe tout net et sans danger de manquer son coup.

J’ai ouï dire qu’on se sert quelquefois en Angleterre de cet instrument, pourvu que les patiens en veulent faire ladépense. Mais jen’assurepointce fait, nel’ajmnt pas encore lu dans aucune histoire de ce pays-là. »

L’exécution (1) du comte Bozelli à Milan, en 1702 a été décrite dans un livre publié à Francfort. Suivant Piggot et G. D. F. (Guyot de Fère), Guillotin eut l'idée d’appliquer une machine semblable à celle qui est décrite dans cet ouvrage aux individus condamnés à la peine de mort.

Il s’agit du Voyage (2) historique et politique de Suisse, d’Italie et d’Allemagne, publié à Francfort, sans nom d’au¬ teur, de 1736 à 1743.

Dans son travail (3), G. D. F. (Guyot de Fère) trans¬ crit le passage qui a trait à cette exécution. Le voici :

« On dressa sur la Grande-Place un échafaud qu’on couvrit de noir. On plaça au milieu un gros billot de la hauteur juste qu’il fallait pour que le criminel, à genoux, putmontrer sa tête entre uneespèce de potence, que soutenait une hache d’un pied de haut et d’un demi de large, enchâssé dans une mortaise. Il y avait une hache de plus de cent livres de plomb et elle était sus¬ pendue par une corde attachée à la potence. Après la confession, les pénitens, qui sont la plupart des nobles,

(1) PioooT, Notes and gitertes, january-june 1870, p. 232»

(2) Tome I, p. 18.0. Gel ouvrage ne se trouve pas à la liibliothèque .Nationale. Nous n'avons pu contrôlai; l’indication.

\3) Notice historique et physiologique sur le supplice de la guil¬ lotine, par G. D. F. Paris, 1830, extrait des Archives curieuses, fS30, p. S,. B. N. L b M 237.

le conduisirent sur l’échafaud, et l'ayant fait inefttre à genoux devant le billot, la tête sous la hache, l’un des patients la tint de l’autre côté avec les deux mains.

Un prêtre fît ensuite réciter les prières usitées en pareille occasion et, pendant ce temps-là', ne fit que couper la corde que tenait la hache suspendue. Cet ins¬ trument meurtrier, en tombant, sépara la tête que le pénitent tint dans ses mains : le bourreau ne la toucha point. Cette manière d’exécuter est si sôreque la hache entra de plus de deux pouces dans le bois. »

La machine, appelée plus tard guillotine, était donc employée en Italie dès le commencement du XVU siècle. Labat vit l’instrument au commencement du XVIIL’ siècle.

En Suisse, l’ancienne machine n’était pas inconnue. Une des peintures qui ornent (1) le vieux pont de Lucerne (Kapelbrücke) et qui datent du commence¬ ment du XVII® siècle, représente l’exécution de saint Victor et saint Ours par une machine à décapiter.

A une époque mal déterminée, un fabricant d’instru¬ ments de chirurgie aurait appliqué le principe de la machine à décapiter (2) à l’amputation du membre.

Au dire de quelques historiographes, la Mannaya aurait exercé sa terrible fonction en France bien avant la Révolution, au XVII® siècle. L’instrument s’em- presse-t-on de préciser aurait été importé dans notre pays (3) après les guerres d’Italie.

G’est cette machine qui aurait servi à décapiter le duc de Montmorency, à Toulouse, en 1632, par ordre de Louis XIII.

Cette légende ne date pas de nos jours.

(1) V Intermédiaire des Chercheurs et des Cwrieux, 10 septembre 1908,343

(2) Extrait du Moniteur universel du 2o février et du tO mars 1831. Étude biographique sur Guillotin {Georges Ignace), par Réveillë-Paris, Lu®’, 937.

(3) Encyclopédie du XIX’ siècle. Paris, 1872, t. XII, p. 74.

Sédillot le Jeune (1), en pleine Révolution, avaupait le premier que le maréchal de Montmorency avait été décapité à l’aide d’une machine spéciale.

Beaucoup plus tard, le bibliophile Jacob cita le môme fait et indiqua la source d’où ce renseignement était tiré. L’indication bibliographique sembla être, aux yeux de quelques-uns, la preuve indiscutable de l’exac¬ titude du fait. Dans son intéressante histoire de la guillotine, Lenôtre écrivait qu’il n’y avait besoin d’aller bien loin pour trouver les traces de la guillotine dans le passé. Il faisait allusion au supplice de Montmo¬ rency au XVII® siècle, tel qu’il avait été rapporté par Puységur.

Dès lors, on considéra le fait comme acquis.

Suivant cette version de Messire Jacques de Ghastenet, chevalier seigneur de Puységur (2), le Roi répond à Launay, qui implorait la grâce de Montmorency « que toute la grâce qu’il lui pouvoit faire était que le bour¬ reau ne le toucheroit point, ne lui mettroit point la corde sur les épaules et qu’il ne feroit seulement que lui couper le col ».

(( Il (Montmorency) se met à genoux et dit encore un mot à l’oreille du Père Arnoul, qui lui donne l’absolu¬ tion ; et puis se tourna vers le bourreau, et lui dit : fais tou devoir. Il se fit jetter une corde sur les bras et s’en alla à sou échafîaut, sur lequel il entra par une fenêtre qu’on avait ouverte, qui conduisoit au dit échafîaut dressé dans la Maison de Ville, sur lequel étoit un bloq on lui fit mettre la tête. En ce pays-là, on se sert d’une dolûire, qui est entre deux morceaux de bois, et quand on à la tête posée sur le bloq, on lâche la corde, et cela descend et sépare la tête du corps. Comme il eut mis la tête sur le bloq, la blessure qu’il avait reçue au

(1) Réfiexions hii^loriqués et physiologiques sur le supplice de h guillotine, Paris, an IV de la République, p. 2. B. N. Tb"80.

(2) Les Mémoires de Messire Jacques de Ghastenet, chevalier, seigneur de Puységur. Donnés au public par M. Duchesnes, con- .seiller du Roy en ses conseils, Paris 1690, t. I, p. l.‘l.o et 137

G3

col lui faisant mal, il remua et dit « Je ne remue pas par appréhension, mais ma blessure me fait mal. » Le Père Arnoul était auprès de lui, qui ne l’abandonna point, on lacha la corde de la doloire ; la tête fut séparée du corps, l’un tomba d’un côté et l’autre de l’autre. Le Père lui avait donné une médaille qu’il tenait à la main, laquelle il ne lacha que quand il n’eut plus de sang et pour lors sa main s’ouvi'il. »

Le récit de Messire Jacques de Ghastenet, seigneur de Puységur, est d’une telle précision dans ses détails qu’il n'a guère suscité d’objections de la part de ceux qui en ont pris connaissance.

Cependant on pouvait à bon droit s’étonner de ne trouver, en France, aucune trace d une autre exécution du même genre.

Dix ans après le supplice de Montmorency, de Thou fut condamné à mort pour avoir conspiré avec Cinq- Mars contre la vie du même Louis XIll. La tête de Tbou fut abattue à l’aide du glaive et le bourreau dut se reprendre jusqu’à douze fois a-t-on écrit avant d’arriver à séparer la tête du tronc du condamné.

La valeur historique des mémoires du seigneur de Puységur n’est peut-être pas établie sur des bases solides. L’auteur n’avait-il pas transporté en France, par un effet de son imagination, le supplice qui s'était passé ailleurs et dont il avait lu la description ?

Cependant, à Toulouse, la légende de la décapitation de Montmorency à l'aide d’une machine spéciale se perpétuait depuis assez longtemps. Au Capitole de cette ville, on montrait, on montre peut-être encore l’instru¬ ment qui avait abattu la tête rebelle du maréchal de Montmorency.

Récemment on fit des recherches sur cette question. L’on s’adressa à des personnes compétentes qui, à Toulouse, pouvaient résoudre le problème.

•M. Ranchon, directeur du Musée de Toulou.se, écri¬ vit (1) à M. G.-M. Miron :

(i}VInlermédiaire des Chercheurs et des Curieux, du 10 mars 1906.

64

« Le couteau fausseinenl dénommé « couteau de Montmorency » est en acier ciselé. Son poids est de 3 k. 600. 11 est d’une seule pièce et sa longueur totale, y compris l'anneau de suspension placé à l'extrémité du manche, mesure 0,88 centimètres de longueur. La lame a 0,55 sur 0,10, 10 à sa partie la plus large.

Je me souviens pariaitement que M. Hoschacli a découvert dans les Archives municipales, il me l’a montré, le compte du coutelier Célard pour la fabrica¬ tion et l’entretien pendant deux ans d’un couteau devant servir aux exécutions capitales, couteau qualifié par les capitouls de « damai: à décoller. » Je me souviens aussi que ce compte peut se retrouvei’, puisqu’il est au donjon. Il porte une date qui correspond à celle de l’exécution des trois frères Grenier, gentilshommes verriers, lesquels, condamnés par le Parlement de Toulouse à avoir la tête tranchée, furent exécutés en février 1762 (Heures perdues, de Pierre Barthes, manusT crit in-8», Bibl. de la Ville, t. V. p. 66 à 69). »

L' Intermédiare du 30 nov. 1905 dans un article signé Tolosanus, cite le fait suivant dans le 1®‘ vol. de Canrobert, souvenirs d’un siècle. Duruy dit à Canrobert que le coutelas qui était censé avoir coupé la tête de Montmorency datait du XVIII® siècle et qu'il avait coupé le cou à des gentilshommes verriers condamnés à mort pour hérésie.

On peut en conclure que l’exécution du duc de Mont¬ morency n’a pas eu lieu à Toulouse avec une machine à décapiter.

Le couteau que l’on montre à l’Hôtel de Ville de Tou¬ louse n’a pas servi à cette exécution. Les comptes de la municipalité démontrent (1) qu’il a été acheté et fabrir qué pour l’exécution des frères Grenier, en 1762.

Gomme l’auteur de la note précédente le fait juste¬ ment remarquer, après avoir rapproché le récit de

(1) L'Intermédiaire des Chercheurs et des Curieux, 30 ianvier 1906.

- 6;i ~

Puysés'ur de celui de Jean d’Aulon elles avoir com¬ parés, il esl évident, que messire Jacques de Ghastenel, chevalier, seigneur de Puységur, a ' confondu Gênes avec Toulouse et l’année 1307 avec l'année 1632. Cet anachronisme et l'erreur de lieu prouvent assez que le récit de Ghastenel esl une œuvre d’imagination

11 était tout indiqué de recourir aux sources et de trouver la description authentique de la mort du duc de Montmorency.

Simo]i de Gros (1) n’est pas explicite.

Dans un ancien récit, il est dit (2) que le duc de Montmorency se plaça lui-même (( par trois fois sur le bloc trop bas et mal adeancé, soufre grands douleurs y appliquant son gozier nauré de playes et esl con- trainct dapuiher tout le faix du corps». Il est simple¬ ment question du coup de grâce « qui luyostala tête. »

Un texte de 1632 précise les faits. Cependant il fut jugé par la Cour (3) à avoir la tête tranchée pour crime de leze majesté au premier chef, ses biens acquis et con¬ fisquez au Roy... son arrêt lui fut leu sur le midi et fut exécuté dans le court de la maison de Ville trois heures après.

« L’exécuteur (4) luy couppa donc ses cheveux le tour du col de sa chemise pour ne le pas despouller à deiny corps comme Ion a accoustume de faire aux autres, enfin il se meit à genoux deuant le potteau sur lequel il se mesura pour prendre une posture en laquelle ses blessures dont il uétoit poinct guéry ne le jestassent point en impatience; ilreceutla dernière absolution du père Arnoux, salut la compagnie, baisa le crucifix, récita son in manus, se feit bander les yeux de son

(1) Histoire de la vie de Mont-Morency par Simon de Gros 1663, p. 401. N. B. LnW 14696 A.

(2) Relation, de la fin qu’a faict Monsieur de Montmorency le 30 octobre 1633 à 2 heures de l’après-midi à Tholose. B. N Manuscr. tr. 10206.

(3) A Paris, novembre 1632. In-6’, pièce, p. 6.

(4) Relation de ce qui cest passé à, Thoulouze à la mort de M. de Montmorency. B. N. Manuscrit français 19399, p. 87-89.

Bull. Soc. fr. hist. méd., X, 1911.

mouchoir, adverüt lexécuteur de ne poiucl frapper qu’il ne luydit, il ineilson col aplomb sur le polteauel ses blessures leinpôchent de demeurer ainsy, il meit de costé, dit à lexécuteur frappe soudain, après il dit : mon doux Sauveur recevès mon ame, et lexecuteur feit son office et d’un coup luy abatit la teste.

((...Legrand prévôt commanda qu’on ouvrit les portes, le peuple entra en foulle voirie corps séparé de la teste, se pressant dapprocher de leschalïault pour recueillir le sang épanché, les uns le mettent dans leurs mouclîois. »

11 semble bien que le bourreau ne se servit pas d’une machine pour frapper. 11 est dit que d’un coup, l’exé¬ cuteur abattit la tête.

11 est nécessaire d’avoir recours à un autre document pour avoir un récit plus circonstancié du supplice.

(( Allons (1) doncques, dit-il et sur ce mot il traversa une allée qui le (îonduisait dans la cour de l’Hôtel de Ville, il rencontre les olficiers des gardes sur les passages, qui le saluèrent.

» Ayant passé l’allée, il trouva tout à l'entrée de la cour un eschafïaut de quatre pieds de hauteur, sur lequel il monte, acîcompagné du Père Arnoux et suivy de son Chirurgien ; il salua la compagnie, estoient le greffier du Parlement, le grand Prévost et ses gardes, les capitaines et les officiers du corps de ville.

)) Lors il croisa les bras: et voyant que son chirurgien luy vouloit lier les mains avec le cordon de sa mous¬ tache, il se tourna vers lexecuteur, et luy dit : c’est ton mestier, fais-le, Lexecuteur le lia et M. de Mont- morancy lui demanda: Suis-je bien? Lexécuteur res- pondit, qu’on ne luy avait pas couppé les cheveux assez près, couppe-ks donc à ton gré, lui dit-il; et son chirurgien voulant mettre la main il se retira de lui.

(1) Histoire véritable, de tout ce que s’est faict et passé dans la ville de Thoulouse, en ta mort de U. de Montmorency, s. 1. 1633, in-8*, ièce, p. 22. Lb3'2908.

» Lexecuteurluy couppe donc les cheveux, et rompt sa chemise autour du col, pour ne la pas dépoüiller à demy corps, comme on a coustume défaire aux autres.

>1 Encetéquipage, il se mita genoux devant le poteau sur lequel il se mesura pour prendre une posture, ses blessures, dont il n’estoit pas encore bien guery, ne le jetassent point en impatience ; receut la dernière bénédiction du Père Arnoux, salua la compagnie, baisa le Crucifix, recita son In Manu!i,se fit bander les yeux de son mouchoir, advertit lexecuteur de ne point frapper qu’il ne le luy dise, mest son col sur le poteau, le releva un peu ; puis s’estant mieux rajusté, luy dit, frappe hardiment, et comme il eust prononcé ces der¬ niers mots, il adjousta. Mon doux Sauveur, recevez mon âme. L’exécuteur fit son office, et n’uN coup luy abatit la teste.

» Aussi-tôt après, legi’and Prévost commanda qu’on ouvrist les portes, le peuple entra en foule, et vit le corps séparé de la teste.

» Dès que l’exécution futfaite, deux ecclésiastiques, officiers de Monsieur le cardinal de la Valette, firent rendre le corps et le portèrent dans la chapelle de l’abbaye de S.-Sernin, la tête fut recousue, le corps embausmé, mis dans un cercueil de plomb, et la porte ouverte au peuple... »

Ces documents ne laissent aucun doute dans l'esprit. Le duc de Montmorency n’eut certainement pas la tête abattue à l’aide d’une machine à décapiter. Le révolté subit le supplice qui était réservé à cette époque aux grands seigneurs, h savoir la décapitation sur le billot. Sa tête fut coupée d’un seul coup, à l’aide soit d’un glaive, soif d'une hache maniée à bout de bras par le bourreau.

.Messire Chastenet, seigneur de Puységur, a <lonc iiivenlé de toutes pièces le récit iiu’il a laissé de la mort de .Montmorency. Il a réussi à égarer quelques historiens qui, sur la foi de sa précise description, ont bénévolement cru (|u'uhe machine à trancher la tête

(),S

avait déjà exercé sou otîice en France avant la Kévo- lution de 1789.

La machine à décapiter au théâtre, à Paris, avant i7S9

En 1790, faisant allusion à la guillotine, l’auteur anonyme (1) du Dictionnaire national et anecdotique, Qio.., j'eproduit quelques vers : « Un certain ressort caché... fait voler la t(Me. . . c’est hien plus honnête. 11 ajoute, suivant M. Dumoulin : «Les Variétés avaient eu cette idée d’honnêteté avant iVl. Guillotin. »

Le théâtre des Variétés avait-il donc fait jadis repré¬ senter sur sa scène l’instrument qui venait d’être pro- po.sé à l’A-ssemblée nationale par le député Guillotin ?

Il y a une confusion de lieu. Ce n’est pas au théâtre des Variétés que la machine à décapiter fut montrée, d’après les auteurs qui ont donné les renseignements les plus précis sur cette question.

Saint-Edme (2), en 1829, écrivait : « Ce (}ui avait pro¬ bablement suggéré cette idée à Guillotin, c'est qu’Au- dinot avait fait représenter sur son théâtre, longtemps auparavant, une pantomime intitulée les Quatre Fils Aymons, se trouvait dissimulée une exécution capi¬ tale à Laide d’une machine de cette espèce ».

L'affirmation de St-Edme fut postérieurement cor¬ roborée (3) par une publication du profes.seur Desge- nettes, qui rapporte une conversation (|ue, dans le courant du mois d’avril 1792, il avait eue avec Louis,

Secrétaire perpétuel de l'ancienne Académie de Chi¬ rurgie, celui-là même qui avait été chargé par l’Assem¬ blée nationale de rédiger un rapport sur le mode de décapitation.

(1) Dictionnaire national et anecdotique, etc., à Politicopolis, 1790, in-8%p. 99, s. n. (Chanlreau, d’après Barbiec et qiiérard; B. N. Lb38, .327S.

(2) M. B... Saint Edme, Biographie des lieutenants généraux, ministres, directeurs généraux, chargés d’arrondisseinents, pré¬ fets delà police en France, Paris, 182tt, p. 273, B. N. L n’' 9.

3) Desoenettes, Souvenirs de la fin du AT///' siècle. 1836, t. Il,

p. 175-182.

69

(I Le docteur Guillolin écrit Desgenettes pro¬ posa, comme vous le savez, la décapitation au moyen d’une machine anciennement connue en Italie et dont on a vu un modèle au théâtre d’Audinol. »

Depuis lors, on a reproduit ce fait dans dilïérents écrits, peut-être sans trop avoir vérifié l’exactitude de cette affirmation.

En 1845 Alboize et Maquet(l) déclarent qu’un ins¬ trument, qui est à peu de chose près la guillotine moderne, fut apporté sur la scène dans la pantomine, lex Quatre Fils Aymon, jouée avant la Révolution.

Dans l’article Guillotine (2), les faits sont ainsi rap- j)orlés. Les Parisiens furent eux-mômes appelés une vingtaine d’années avant la Révolution à voir cette pantomime, intitulée les Quatre Fils Aymon, composée par Nicolas Médard Audinot pour son théâtre de la foire St-Germain.

L’ FAicyclopédie, du A7A"« siècle (3) donne à peu près le même renseignement qu’avait déjà rapporté (4) Pigot dans un article documenté.

Quel était donc ce théâtre d'Audinot avait eu lieu la représentation des Quatre Fils Aymon'! A quelle date la machine à décapiter fut-elle exhibée sur la scène de l’Ambigu-Comique?Quelétaitl’auteur delà pantomime et en quoi consistait-elle '!

L’histoire d’Audinot mérite d’étre brièvement contée.

On sait qu'Audinotfonda l’Ambigu Comique. 11 avait jadis donné ses spectacles à la foire Saint-Germain et au boulevard du Temple.

Entièrement déchue de .son ancienne splendeur, la foire Saint-Laurent n’existait pourainsi dire plus. Elle Il était guère plus représentée que par un jeu de billards, une buvette et un ou deux petits vendeurs de pain

(1) Histoire anecdotique des Prisons de l’Europe. Paris, 184o, t I, p. 194. B. N. in-8. G. 4812.

(2) Encyclopédie moderne. Paris, 1848, t. XVII.

(3) Encyclopéaie du XIX’ siècle. Paris, 1872, t. XII, art. Guillotine.

(4) Xoies and queries, january-june 187Ü, p 230. B. N. 7. 2421»

70

d'épices. « Encore ces gens-là s’en allaient-ils sans payer le loyer de leur boutique. » L’emplacement s’éle¬ vaient autrefois les baraques n’était plus occupé que par un magasin de planches.

Tout-à-coup, en vertu d’ordres qui émanaient de l’autorité supérieure, la foire renaquit(l) deses cendres et l’ouverture en fut faite le 30 juin 1779 par M. Leuoir.

Le sieur Audinot y avait fait construire, au milieu de la place, en face de la rue Lenoir, un théâtre plus vaste que celui qu’il avait possédé au boulevard du Temple, dans le but de pouvoir représenter les spectacles et les pantomimes qui ne pouvaient être joués que sur une scène spacieuse.

Dans le catalogue de la bibliothèque dramatique de M. de Solesme (2), on trouve, au répertoire du théâtre de l'Ambigu-Comique pour Tannée 1779, une pièce nouvelle : Les Quatre Fils Aymon, pantomime en trois actes, par Arnould (Mussot).

Mussot, dit Arnould, l’auteur anonyme du très inté¬ ressant Almanach forain, devait devenir plus tard Tas socié d'Audinot, le directeur de l’Ambigu-Comique.

L’œuvre d’Arnould, les Quatre Fils Aymon, avait été lue et approuvée le 20 juillet 1779. Le permis de repré¬ senter et d’imprimer avait été donné par Lenoir le 22 juillet 1779.

Le Journal de Paris, dans ses numéros de la lin de juillet et du commencement d’août 1779, publia le pro¬ gramme des représentations de l’Ambigu-Comique. Le vendredi 6 août 1779, Audinot donna la première représentation des Quatre Fils Aymon, pantomime en 3 actes, précédée de la Fête infernale ou le retour de Proserpine. Le 11 octobre, l’Ambigu-Comique, par extraordinaire, continua à donner sur le théâtre de la foire Sa int-Laurent/es Quatre Fils d’ Aymon, pantomime « (|ui ne peut être exécutée que sur un grand théâtre. »

(1) Spectacle (les foires, 1786, p. 138.

(2) Catalogue de la bihUothèque dramatique de M. de Solesme, rédigé par L Jacob, bibliopliilç, 1844, l. Ht, p. 22

71

C’est par celte môme pantomime que le théûlre de la foire Saint-Laurent clôtura la saison,

Heulard (1) donne le compte rendu du spectacle. (( On ne saurait exécuter la foule des tableaux militaires et pittoresques que présente l’action avec plus de viva¬ cité, de précision et de vérité. Certaines situations ont attendri jusqu’aux larmes beaucoup de spectateurs, assez froids naturellement. On distribuait un pro¬ gramme assez étendu de la pièce annonçant du génie dans le compositeur, digne émule de Noverre et de Servandoni. »

En 1786, ['Almanach forain (2) suspendu depuis 1778 reparaît et le directeur anonyme, qui n’est autre que Mussot-Arnould, l’auteur des Quatre Fils Aymon, trans¬ crit, sans fausse modestie, l’appréciation de l'auteur des Annales politiques sur cette pantomime.

(( Le sieurArnould, homme plein de talent et d'enthou¬ siasme, a, le premier, marché snrles pasde Noverre... 11 a réalisé avec des acteurs enfants une partie des choses incroyables que les anciens nous donnent des mimes... il a arraché des larmes, excité la terreur, l'admiration et a produit tous les effets qui marquent sur les grands théâtres et dans les meilleures places. »

L'Almanach forain donne \es noms des acteurs et actri¬ ces des Quatre Fils Aymon, en 3 actes, par M. Arnould, une disti’ibution de programme imprimé.

L'explication de la pantomime se trouve dans un exemplaire assez rare (3) qui a été transporté à la Bibliothèque nationale.

Le spectacle est divisé en trois actes et chaque acte en plusieurs scènes. Au troisième acte, au lever du rideau, Regnaud, placé devant un échafaud tendu

(1) Heulard, La foire Saint-Laurent ; Paris, 1878, in-8', p. 284, donne dans les mémoires secrets en date du 21 octobre 1779 1e compte rendu.

(2) L’Almanach forain. Inventaire Yt 1936-1942, p. 52.

(3) Ies Quatre Fils Aymons. Pantomime en 3 actes, parM Àruould. Prix 12 sols. Paris, imp. de P. de Urmel 1779, in-8-, 31 p. Fb 19337.

de noir, est délivré par ses frères au moment il va être exécuté. 11 n’est pas dit de quelle façon le supplice doit avoir lieu. Mais Claire, sa femme, restée prison¬ nière, mourra. Glaire se met à genoux. Un baron s'ap¬ proche d'elle pour la frapper au signal que donnera l’Empereur. Le baron tire le sabre et lève le bras.

Sur le livret, il n’est pas question de machine. L’ins¬ trument était-il dressé sur l'échafaud destinéàReguaud? On n’en sait rien.

C’est plus tard, après les représentations de 1779, qu’on a remplacé la décapitation, qui se faisait primi¬ tivement avec le glaive, par une machine qui abattait mécaniquement la tôle de Claire.

11 résulte des documents précédents que la panto- mimeles Quatre Fils d’Aymon, œuvre non pasd’Audinot, mais d’Arnould, fut bien représentée sur le théâtre de l’Ambigu-Comique, construit sur la foire St-Laurent.

La date de l’exécution, qui fut faite à l'aide d’un ins¬ trument à décapiter, n’est nulle part indiquée d’une façon précise. Dans une note publiée plus bas, il sem¬ ble que ce soit eu 1784.

Ce fut probablement à la reprise des représentations des Quatre Fils Aymon, suspendues pendant plusieurs années, que, la machine, la Mannaïa d’Italie, parut en 1786 ou un peu plus tard sur la scène de l’Ambigu- Comique.

Vers le 8 thermidor de l’an VU de la République, c’est-à-dire vers le 22 juillet 1799, il y eut des commu¬ nications sur la fameuse machine dans des feuilles publiques : la Clef du Cabinet et le Courrier des Spectacles.

La guillotine, repoussée des places publiques, surgis¬ sait au théâtre, à l’Ambigu-Gomique.

La Clef du Cabinet du 11 thermidor, an VU, publiait (1 ) les lignes suivantes : .(On assure qu’avant-hier, dans une pièce intitulée les Quatre Fils Aymon, donnée à

(1) A. Aülard. Paris pendand la réaction thermidorienne et lîi sons le Directoire. Paris, 1902, l. V, p.ii

- 73 -

l’Ambigu-Gomique, on a vu une guillotine et uneactrice tendant son cou sur l’horrible instrument. »

Dans la Clef du Cabinet du 12 thermidor an VII, on lit : « L’épouvantable instrument qu’on remarque ces jours-ci sur le théâtre de l’Ambigu-Comique, y paroit dspuis quinze ans qu’on donne la pièce ; on n’y a rien changé. G est sans doute que le fameux Guillotin a trouvé le modèle de sa sanglante machine. Mais si l’échafaud des a Quatre Fils Aymon » n’attrista personne quand il parut jadis pour la première fois, il n’est pas surprenant qu’il rappelle aujourd’hui des souvenirs déchirants et des pertes inconsolables. »

La machine à décapiter resta-l-elle exposée sur les planches de l’Ambigu-Gomique pendant IS années con¬ sécutives ? G’est douteux. Néanmoins, si la machine commença à fonctionner sur la scène 15 ans avant le filet paru dans la Clef du Cabinet en date du 12 thermi¬ dor an VIL c’est donc en 1784 que la machine fut exposée aux yeux des spectateurs de l’Ambigu-Gomique.

L’information précédente est confirmée (1) par le Courrier des Spectacles.

Une lettre de Joseph Rosny, du 7 thermidor an VII, adressée au rédacteurdu Courrier des Spectacles, apprend «que la veille, c’est-à-dire le 6 thermidor, il y eut la première représentation de la reprise des Quatre Fils Aimon. »

« On porta sur la scène, écrit J. Rosny, une copie nforme de cette horrible machine que l’on nomme Guillotine. Le public fut indigné quand l’actrice qui remplit le rôle de Glaire vint à poser sa tête sur la fatale planche et laissa voir pendant deux minutes son col nud et tendu, tandis que l’exécuteur s’apprêtait à laisser tomber sur elle le fer tranchant qui la mena- çoit... »

Le Courrier des Spectacles ajoute : « On ne conçoit pas

(1) Courrier des Spectacles, 8 thermidor an VII delà République, P 2, 2' colonne.

llull. Soc. fr. hist. ntéd., X, 1911.

1'4

comment des spectacles, qui devraient être uii vrai cours de morale en ne vous mettant sous les yeux que des scènes de sentiment et de philosophie, peuvent y substituer des tableaux aussi dégoutaus que le dernier acte des Quatre Filu Aymoti . . . »

La protestation des journaux eut-elle pour elïel de supprimer la guillotine qui était montée sur la scène dans la pantomime intitulée « les Quatre Fils Aymon » ? C'est ce qui n'a pu être établi d'uue façon précise.

11 n’en reste pas moins certain que la machine, qui avait déjà exercé sa sanglante besogne en Allemagne et en Italie dans les siècles précédents, fit d’abord sou apparition, en France, sur un théâtre forain, à l’Am- bigu-Gomique, avant l'année 1789, vers 1784. Le spec¬ tacle était payant. Ou ne voyait couler que des larmes des yeux des spectateurs. L’instrument n’exerçait pas encore sa terrible fonction, à Paris, sur les places publiques.

Séance du 8 Février 19i1

Présidence de M. le Df Le Pileur

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.

MM. Boismoreau et J. W. S. Johnsson, présentés à la dernière séance, sont élus membres de la Société.

La correspondance comprend :

Une lettre de M. Raymond Neveu, qui s’excuse de ne pouvoir assister à la séance ;

Une lettre deM. Jean Charcot, qui donne sa démis¬ sion de membre de la Société ;

Une lettre de candidature de M. H. Cleu, externe des hôpitaux, chemin de Francheville, 23, à Lyon, pré¬ senté par MM. R. Blancliard et Er. Wickersheimer ;

4“ Une lettre de candidature de M. le docteur Alexandre Guvot, médecin-légiste de rUniversité de Paris, rue du Faubourg-Montmartre, 7, à Paris, présenté par MM. Dupré et Lucas-Championuière ;

3“ Une lettre de candidature de M. le docteur Gaston SiGüRET , médecin consultant à Saint-Nectaire, rue du Faubourg-Montmartre, 7, à Paris, présenté par MM. Le Pileur et Er. Wickersheimer ;

Une lettre de candidature de M. le docteur Cons¬ tantin Thiron, professeur à l’Université, rue Mitropolia, 74,àJassy tRounianie), présenté par MM. R. Blanchard et Er. Wickersheimer ;

7“ Unè lettre de M. Pierre Barbe, administrateur de la Maison des étudiants de l’Université de Lille, demandant l’échange du Bulletin avec Lillc-Univerxité, publication mensuelle de l’Union des étudiants de l’Etat, de l’Université de Lille. (Dans sa dernière séance, le Conseil a décidé que, sauf de très rares exceptions, aucun échange ne serait accepté) ;

- 76 -

Une lettre de M. R. Blanchard, conçue en ces termes :

(( 8 février 1911.

Mon cher Président,

Empôclié d’assister à la séance de ce jour, je désire signaler à la Société que, par raison d’économie, le Conseil supérieur de l’Instruction publique d’Italie vient de décider la suppression de 80 professeurs extraordinaires des Univei’silés de l’Etat. Parmi les victimes de cette mesure se trouve le D'' V. Pensuti, qui, depuis treize ans, enseignait avec succès l’histoire de la médecine à l Universilé de Rome.

La Société allemande d’histoire de la médecine et des sciences naturelles a adressé au ministre italien de l'Instruction publique une protestation contre cette très regrettable mesure, qui aurait pour elïet de tuer aussi la jeune Société italienne d'Imtoirc critique des Sciences médicales et naturelles. Ne pensez-vous pas, mon clier Président, que notre Société ne peut rester impas¬ sible en présence d’un événement aussi douloureux et qu’elle doit, elle au.ssi, adresser au ministre italien une respectueuse remontrance ?

On trouvera dans les Mitteilungen zur Gescliklite der Medizin itnd der Naturivissenscliaften, X, 2, p. 243-246, des renseignements qui pourront être utilisés pour la rédaction de la remontrance susdite.

Veuillez agréer, mou cher Président, l’expression de mes sentiments les plus dévoués.

R. Blanchard. »

(La proposition de M. 11. Blanchard sera mise à l'ordre du jour de la prochame séance).

M. Pierre Rambaud présente un travail de M. Galo- peau, notaire à Civray (Vienne). C’est, sous le titre Une pierre tombale, la description d’un tombeau de la tin du XII1« siècle ou du commencement du XIV” siècle, récemment découvert au château de La Raffinière. Le

morl, un jeune lépreux, appartenait probablement à la famille des Lusignan. Sur une pierre, mesurant 1™27 de liauteur sur 0'"39 de largeur, est figurée la Sainte Vierge, debout, portant sur le bras gauclie l’Enfant .lésus. Rien n’indiquerait la maladie du mort que recouvrait cette pierre tombale si ce n’est l’ins¬ cription en belles lettres gothiques majuscules : CI; GIST : VN : INNOCENT ; LE ; PRE [VX].

M. Ernest VVickeksheimcr présente une liste des thèses françaises d’histoire de la médecine de 190't à 1909 qu’il a publiée dans le .Tanna de janvier 1911.

De 1904 à 1909 ont été présentées dans les dilîérentes Universités de France, 194 thèses dont le titre annonce un sujet intéressant l’histoire des sciences médicales. La plupart de ces thèses ont été soutenues devant l’une des sept Facultés de médecine. Paris vient en tête avec 90 thèses ; puis viennent Lyon avec 31, Bordeaux avec 20, Montpellier avec 10, Toulouse avec 12, Nancy avec 2, et enlin Lille avec une seule thèse d'histoire de la médecine.

A ces 172 thèses de médecine, il faut en ajouter 10 de droit, dont 7 de Paris, 1 de Lyon, 1 de Rennes et 1 d’Aix- en-Provence ; 0 thèses de pharmacie, dont 2 de Paris, 2 de Montpellier et 2 de Bordeaux ; 5 thèses de la Faculté des Lettres de Paris et 1 de la Faculté de théo¬ logie protestante de Paris.

M. L. Moulé. J’ai l’honneur de vous présenter (( Tm Faime. d’IIomàrc », extraite des Ménunrea de la Société zoologique de France. Dans cette brochure de 130 pages, j’ai essayé d’identifier les 70 espèces animales mentionnées dans l’Iliade et l’Odyssée. J’avoue n’avoir pas toujours réussi au gré de mes désirs, car Homère est très concis dans ses descriptions, et, le plus souvent, il ne caractérise ses animaux que par un trait, une épithète, lie permettant pas d’en déterminer l’espèce. Ce sont les Oiseaux et les Mamini-

78

fères qui tiennent le plus de place dans cette nomen¬ clature, et, parmi ces derniers, les Mammifères domestiques, qui étaient mieux connus du poète.

J’ai laissé de côté l'espèce humaine, car Homère a plutôt parlé de l’Homme au point de vue psychique qu’au point de vue ethnique. Cependant, quand il énumère les tribus prenant part au siège de Troie, il n’oublie pas de donner de précieux renseignements sur leurs mœurs, leurs aptitudes, leurs caractères et les localités d’où elles proviennent. Buchholz a, du reste, dans sa volumineuse étude sur Homère, consacré plus de soixante pages à l’Homme. Il l’étudie dans son développement physique, de l’enfance à l'âge mûr. 11 montre quelle haute opinion avaient les anciens Grecs de la force de l’Homme et de la beauté de la Femme, et quant aux études relatives à la médecine à l’époque d’Homère, elles sont nombreuses. Ce sont :

Malgaigne. Etude sur l’anatomie et la physiologie d’Homère. Paris, Baillière, 1842.

Darembehg. Médecine dans Homère. Paris, 1865. Extrait de la Revue archéologique.

Daremberg. Etat de la médecine entre Homère et Hippocrate. Paris, 1869. Extrait de la Revue archéologique, 1868.

Dunbar. The medicine and surgery of Borner. (Rri- tish med. Journal, 1880).

Knott. The medicine and surgery of the Homeri pocms. (Dublin Journal, 1895).

Kums (A). Les choses médicales dans Homère. Ann. de la Soc. de Médecine d’Anvers, 1889.

M. Noé Legrand dit que la figure qui se trouve à la p. 136 du livre de M. Camille Vieillard sur l'Uro¬ logie et les médecins urologues est la reproduction d’une miniature d’un manuscrit du XV® siècle de l'Epistre de Othea, par Christine de Pisan, conservé à la Biblio¬ thèque royale de Bruxelles.

- 79 -

M. le Marcel Baudouin présente une photo¬ graphie, réduite au sixième malheureusement, et par conséquent très petite, du Crâne dit de Saint-Aubert, conservé dans un reliquaire à l’église de Saint-Gervais- d’Avranches.

11 démontre que la lésion qu’il présente est une tré¬ panation néolith ique guérie. Elle siège sur la bosse pariétale droite, est de forme ovalaire ou ellipsoïdale, à bords mousses et à bourrelets périphériques; ses dimensions sont de 12X18™"’ environ.

Ce n’est donc pas là, vraisemblablement, le crâne d’un saint clirétien.

L’auteur a démontré à la Société préhistorique de France que cette pièce archéologique intéressante a être trouvée dans unmonument mégalitlwiue, qui se trou¬ vait sur le Mont Saint-Michel ; cela lors de la cons¬ truction de l’abbaye ou delà chapelle d'origine qui est d’ailleurs attribuée à .saint Aubert et qui fut érigée parce que, jadis, il s'y trouvait un lieu de culte préchré¬ tien, remontant à l’époque néolithique (Pierre à Cupu¬ les) (1).

Au début de la séance, conformément à l’article 22 des statuts, la Société s’est réunie en assemblée générale pour entendre le rapportannuel de M. le’I'ré- sorier sur la situation financière et un rapport de M. le Secrétaire général sur l’état de la réserve des publications de la Société.

Rapport de M. le Trésorier sur l’état de la Caisse de la Société, le 8 Février 1911

Messieurs,

Jusqu’à cesderniers temps, il avait été presqueimpos- siblje d’établir la situation financière de la Société. On

et) Marcel Baudouin. Un ca.s de (répanalion ncolilliique sur un crâne supposé moderne. Archives provinciales de Chirurgie,

1911, n-S.

avait à peu près le compte des recettes, mais le compte des dépenses n’était jamais à jour. Aussi avons-nous eu l’an dernier, à pareille époque, une grande har¬ diesse en affirmant que la Société pouvait se suffire à elle-même.

Nous avons pu heureusement vaincre toutes les difficultés, et le relevé des comptes que nous vous pré¬ sentons aujourd’hui est d’une exactitude scrupuleuse. Pour plus de clarté, nous les faisons remonter au départ du précédent Trésorier. Voirie tableau, page 81.

Cette encai.sse de 2.801 fr. 60 va être .sérieusemement entamée par deux notes d’imprimeurs que nous allons payer ces jours-ci. Ces notes se montent à 800 fr. envi¬ ron ; mais, comme après avoir réglé ce compte, il nous restera pour faire face aux dépenses de 1911 :

1“ 2.000 fr. d’argent liquide ;

Les cotisations de 1911, dont quelques-unes seule¬ ment ont été touchées ;

Enfin, l’obligation communale, on voit que les finances de la Société sont dans un étal favorable, sinon tout à fait prospère, et que, selon les espérances conçues l’an dernier, elle a été et conti¬ nuera à être en étal de se suffire à elle-même.

Si nous conservons une certaine réserve dans notre appréciation, c'est que l’année écoulée a été une année d’épreuves de toutes sortes. Il a fallu refaire deux numéros de notre Bulletin, et, bien que la Société n'en supporte pas seule la dépense, il faut compter de ce fait une certaine majoration.

Cependant, si nous sommes absolument certains de pouvoir faire face à ces éventualités, il nous sera abso¬ lument impossible d établir un véritable budget de la Société avant l’année prochaine.

( Sur la proposition de M. H. Blanchard, la Société rote des remerciements à M. E. lyicaise, pour le concours qu’il prête depuis trois ans à M. le Trésorier).

- 82 -

M. LE Secrétaire général. A la suite de la déci¬ sion prise par le Conseil le 18 janvier 1911, j’ai lait transportera la Bibliothèque de l’Académie de Méde¬ cine les volumes et les fascicules du Bulletin, qui jusque-là se trouvaient en dépôt au Laboratoire de Parasitologie. Je me suis fait envoyer par l’Imprimerie Centrale du Nord, de Lille, tout ce qui lui restait du Bulletin, à l'exception de 100 exemplaires de chacun des fascicules 5 à 9 de 1910, que je recevrai dès qu’ils auront été brochés. Enfin, nos anciens imprimeurs, MM. Blais et Roy, de Poitiers, m'ont envoyé 100 exem¬ plaires de chacun des fascicules 9 et 10 de 1909, que nous leur avons demandé de réimprimer.

Ces opérations ont eu pour résultat de modifier en quelques points les cliifïres indiqués par M. R. Blan¬ chard dans son rapport du 12 octobre 1910 (11. J’ai donc cru devoir procéder à un nouvel inventaire, que je vous présente sous forme de tableau. Dans la colonne Paris sont indiqués les volumes ou fascicules qui se trouvent à la Bibliothèque de 1 Académie de Médecine, dans la colonne Lille ceux qui sont encore à l’Impri¬ merie Centrale du Nord ; dans la dernière colonne, je donne le chiffre total des volumes complets que, d'après les chiffres inscrits dans les deux colonnes précédentes, il est po.ssible de constituer pour chaque année.

Je n’ai pas tenu compte dans le tableau ci dessous des volumes ou fascicules fournis à notre éditeur M. Honoré Champion, soit 10 exemplaires des tomes 111 (1904) à VII (1908), 10 exemplaires des fascicules 1 à 6 de 1909, 6 exemplaires des fascicules 7 à 10 de 1909, 8 exemplaires des fascicules 1 à 3 de 1910, 6 exemplaires du fascicule 4et7 exemplaires des fa.scicules î)à9 de la même année.

(1) Cf. Bull., IX, p. 273.

Relevé général des volumes et fascicules du ISulletin actuellement en magasin

Tomes

Paris

Lille

Volumes

complots

I

Complet .

39

108

1902

Fascicule 1 .

84

» 2-3 . . .

90

Couverture .

Feuille de titre .

69

27

II

Complet .

34

34

1903

Fascicule 1 .

I) 2-3 .

o4

56

» 4 .

0

Couverture .

37

IM

Fascicule 1 .

80

74

1904

» 2-3 .

74

Couverture .

67

IV

Fascicule 1 .

100

99

1905

1) 2-3 .

101

Couverture .

136

V

Fascicule 1 .

103

94

1906

» 2-3 .

109

» 4 .

94

Couverture .

101

VI

Fascicule 1 .

93

90

1907

» 2-3 .

90

» 4 .

130

VII

Complet .

129

129

1908

VIII

Fascicule 1-S .

112

112

1909

» 6 .

124

» 7 .

129

I) 8 .

136

» 9 .

139

» 10 .

136

IX

Fascicule 1 .

118

116

1910

» 2 .

124

» 3 .

129

» 4 .

lis

» 0 .

28

100

» 6 .

30

100

» 7 .

32

100

» 8 .

28

100

.) 9 . ...... .

L=

28

100

- 84 -

OUVRAGES OFFERTS

Tous Les ouvrages envoyés à la bibliolhèquc sont inscrils sous celle rubrique

K. Baas. Lesefrüchte aus dem ârztlichen MiLlelalLer Berlin, 1910, in-8”, 3 pp. Sonderabdruck aus der Merfmmsc/im /f/ini/c, 1910, Nr. 46.

Galopeau. Une pierre tombale. S. 1. n. d., iii-8“ p. 19-20, 1 pl.

L. Moulé. Etiodes zoologiques et zoolechniques dans la lillé- ralure et dans l'art. La faune d’Homère. Paris, au siège de la Société zoologique de France, 1910, in-8”, p. 183-312. Extrait des Mémoires de la Société zoologique de France, XXll (1909).

Ernest Wickursheimer. Les thèses françaises d'histoire de la médecine de 1904 à 1909. Harlem, de erven F. Bohn, 1911, in-8", 13 p. Extrait du Janus, archives internationales pour l’lmtoirc de la médecine et la géographie médicale, 16' année (1911), p. 33-63.

Dr. Manuel S. Soriano. Mexico, 1910, in-8", 8 p., 1 ptr, Bolettn de ciencias inédicas, 1910, luiin. 6.

85

LA CRAVATE DE SUISSE par M. H. GAIDOZ

Il y a quelques mois, je lisais dans la Médecine moderne du 6 août 1910 un article du P. Parez sur la psycho- patliologie de la soi! et j’y trouvais le passage suivant :

« On peut, disent certains, boire beaucoup sans danger de distension stomacale, car .les liquides pas¬ sent du cardia au pylore sans se mélanger aux ali¬ ments ; la « cravate de Suisse » les expulse de l’esto¬ mac peu de temps après leur ingestion. »

Cette expression m’intrigua, mais je la cherchai vainement dans les dictionnaires Nysteii-Littré et Dechambre-Lereboullet, et, pour la langue française, Littré et le vieux dictionnaire de Trévoux. Pourtant, ce terme me paraissait être, à l’origine, une raillerie ethnographique (ce qu'on appelle du blason popu¬ laire) et se rapporter aux mercenaires suisses qui for¬ mèrent la garde de nos rois jusqu’à la Révolution française. 11 me semblait que cela devait désigner quelque muscle jouant un rôle dans l’indigestion a cra- pula et le vomissement final.

Ces mercenaires étaient engagés dans les vieux can¬ tons, c’est-à-dire les cantons de langue allemande. Ethnographiquement, c’étaient des Allemands, donc de grands mangeurs et de forts buveurs qui devaient se faire remarquer du peuple de Paris parleur capacité gastrique et qui, par suite d’excès de table ou de bois¬ son, devaient quelquefois être forcés de se décharger en pleine rue, au coin d’une borne, de l’excès de leurs ingesia. On voit déjà dans le Pourceaugnac de Molière deux Suisses évidemment deux gardes suisses jar- gonnant un français prononcé à l’allemande ; M. de Pourceaugnac est déguisé en femme ; les deux Suisses, qui y sont trompés, le poursuivent de propositions

déslioiiQêtes et en termes très crus (acte III, scène 3). La comédie est de 1663. Depuis lors, les Suisses, si connus du peuple de Paris et raillés par celui-ci comme étrangers parlant mal le français, ont figu¬ rer dans bien des comédies, notamment dans celles qui se jouaient au XVIID siècle à la Foire St-Germain. En tout cas, une expression est restée dans le langage populaire de Paris comme helvétisme fossile : c’est « faire Suisse ». On désigne ainsi celui qui boit seul, sans inviter personne. On comprend, en effet, que le garde suisse, entrant au cabaret sans camarades, n’y connaissant personne et ne parlant que peu français, fût resté buvant seul sa cliopineou son setier. Du reste, l’Allemand, plus maître de soi et plus renfermé, boit plus volontiers seul que le Français sociable, expansif et bavard.

Je n’ai pas besoin de rappeler que, de nombreux Suisses étant engagés chez nous comme gardiens d’églises ou concierges d’hôtels particuliers, leur nom est devenu le terme commun que l’on sait et si éloigné de son sens etimographique. Au temps de Louis XIV, il y avait déjà de faux Suisses, à ce sens: on connaît le vers des Plaideurs de Racine :

Il m’avait fait venir d’Amiens... pour être Suisse.

Et comme ces mercenaires étaient courageux et fidèles, mais à condition d’être bien payés, et qu’ils étaient, à titre de concierges, sensibles à « la bonne main », de vint le dicton popularisé connu, réper¬ cuté par un vers des Plaideurs :

Point d’argent, point de Suisse, et ma porte était close.

Mais je reviens au terme d’anatomie « cravate de Suisse », qui est mon point de départ.

Je voulus savoir ce qu’était au juste cette « cravate ». Grâce à une obligeante communication de M. P. Diver- rès, j’obtins ce passage de l'Anatomie de M. Poirier, tome IV, p. 224-223:

« Sur la petite courbure de l’estomac, les fibres longi-

tudinales (du plan superficiel), condensées, souvent d'un rouge manifeste, émanées du bord droit de l’œso- pliage, forment un large ruban dont les faisceaux moyens s'étendent jusqu’au pylore en passant en pont sur lés sillons pyloriques, tandis que les faisceaux laté¬ raux s’épuisent en rayonnant sur la partie la plus élevée des deux faces, en pénétrant même dans la profondeur jusque sous la muqueuse. Ce ruban a été appelé, au commencement du XVlll'^ siècle, lacravatede Suisse, par analogie avec une cravate alors en usage. Haller pense qu'elle rapproche le pylore du cardia eu tirant sur le pylore; elle le relève et contribue ainsi à mieux fermer cet orifice et à retenir les aliments dans l’estomac. »

Le terme anatomique s’expliquerait donc, d'après le D*’ Poirier, par une cravate rouge qui aurait fait partie du costume des gardes suisses. Mais il ne sullit pas de le supposer, il faudrait le prouver par des gravures représentant les anciens uniformes de l’armée fran¬ çaise. Et les gardes suisses avaient-ils même une cra¬ vate ? On connaît l’origine de ce mot, origine toute mili¬ taire. Cravate est la forme ancienne du nom devenu Croate (ou plutôt cette dernière forme nous vient de l’allemand) ; chez les écrivains byzantins, c’était Chro- bale. L’armée française comprenait un corps de cava¬ lerie légère formé de mercenaires cravates ou croates, qui, plus tard, s'appela le régiment de Royal-Cravate. Ces étrangers avaient l’habitude de porter autour du cou un morceau d’étolïe légère. 11 devint de mode de les imiter, et, dès le milieu du XVII® siècle, le terme de cravate entra dans notre langue avec son sens actuel. C’est ainsi que, plus tard, un autre corps étranger donna à notre langue le terme de « culotte à la zouave ».

Je désirais, au moins comme terme de comparaison, savoir comment ces fibres musculaires s’appellent en allemand. Je le demandai à M. le D" Hôfler, de ïôlz, bien connu par ses travaux sur l’histoire de la méde¬ cine (surtout populaire), et dont le Deutsches Kranli- keilsnamen-liuch est un monument lexicographique

88.

dont je ne connais le pareil dans aucune autre langue. M. Hôfler me répondit que ces fibres n’ont pas de nom technique dans l’anatomie allemande : il me renvoya seulement au dictionnaire de Littré-Nysten pour les « cravates » de la langue vétérinaire : « cravates œso¬ phagiques, bandes charnues disposées en cravate autour de l’orifice œsophagique de l’estomac du cheval ». Mais cette métaphore, d’ordre descriptif, appliquée à l’anato¬ mie du cheval, n’a pas de rapport à la question présente, d’abord parce que le cheval ne vomît pas (me dit M. Huiler) et surtout parce qu’il n’y a pas de complé¬ ment déterminant comme lorsqu’il s’agit de l'iiomme avec sa « cravate de Suisse ».

Ce dernier terme doit avoir été inventé à Paris et, je pense, comme métaphore facétieuse et satirique par quelqu’un de nos anatomistes. C’est dans les publi¬ cations médicales ou para-médicales des XVll® et XVIIl® siècles que l’on pourrait se renseigner à cet égard et trouver en quelque sorte l’acte de naissance de ce terme avec l'explication de son origine. Mais, jusqu’il preuve du contraire et à juger la question par liypoüièse, le plus probable me paraît une raillerie à fégard des gardes suisses et des accidents qui leur arrivaient dans les rues, a crapula.

- 89 -

LA GUILLOTINE.

GüILLOTIN ET LA PEINE DE MORT Par le D' PICHEVIN

Depuis la Révolution, le nom de Guillotin est étroitement lié à l’exécution de la peine capitale.

L’échafaud, symbole delà Terreur, première assise du nouvel édifice social, suivant l’expression de Marat, image sanglante des suprêmes réparations qu’au nom de la Société outragée la Justice humaine réclame, cet objet d’effroi et d’horreur pour tous, s’était à ce point confondu, identifié avec la personne de Guillotin que la vue seule de la machine rappelait fatalement le nom de l’homme qui l’avait tirée de l’oubli et qui en avait fait à nouveau l’instrument du supplice légal.

Ce ne fut pas cette vieille famille d’Angleterre dont le blason (1) représente une machine à décapiter qui eut à porter ce poids de la déconsidération attachée à l’instrument sépulcral, ce triste lot devait échoir à l’infortuné Guillotin, qui, par le désir de réduire au minimum les souffrances des condamnés, fut victime de la sottise humaine et de la malignité publique.

Mais, avant de juger l’œuvre qu’entreprit l’ancien professeur des Ecoles à la Faculté de Médecine de Paris, il est nécessaire de jeter un coup d’œil sur les mœurs, l’état de l’opinion et les idées qui avaient cours sur la peine de mort à la veille de la Révolution française.

A l’aube de l’humanité, la force était le fondement du droit. Les plus vigoureux, pour des motifs divers, faisaient disparaître les plus faibles. Le droit de tuer était considéré comme le droit imprescriptible de l’offensé. Le mobile le plus fréquent qui armait les

(1) The quarterly revue, vol. 4, XXIll publié en décembre 1843. March, 1844, London, B. N., Z 2421 Ezad, 73. p. 253.

Uull. Soc. fr. hist. imd., X, 1911.

mains homicides n’était autre que la vengeance. La loi du talion remonte à la loi mosaïste.

A mesure que la société se constituait et que les premières lueurs de la civilisation apparaissaient, la peine de mort, entrée dans les mœurs, puis inscrite dans les institutions judiciaires, s’imposait comme une nécessité sociale. On ne discutait môme pas les prin¬ cipes sur lesquels se trouvait basée la peine capitale.

Le droit qu’a la société de se défendre et de punir les criminels, la nécessité d’inspirer aux peuples la crainte salutaire du châtiment suprême légitimaient aux yeux de tous l’exercice de la peine de mort.

Beaucoup plus tard, quand une grande culture intel¬ lectuelle eut déjà étendu sa bienfaisante action sur le monde civilisé, les philosophes évoquèrent à peu près les mêmes arguments.

Cicéron et Sénèque se prévalaient (1) de l’intérêt de l’État et de la sécurité de la République, ainsi que le firent plus tard Hobbes, Lockes, Montesquieu et J. -J. Rousseau.

Grotius et Leibnitz, de leur côté, déclarèrent que la légitimité de la peine capitale avait pour fondement la nécessité de l’expiation.

C’est la loi primitive de l’Église qui admettait que le supplice était une expiatiop du péché. « La peine est une dette, dit Tei-tullien, que le coupable a contractée en commettant le délit. »

D’autres se contentaient de s’écrier que la société a le droit de punir et de frapper.

Spinosa pensait qu’à la base du droit pénal existait le droit de la force.

Aussi loin qu’on étudie l’iiistoiredes civilisations, on trouve inscrite dans la loi la peine capitale.

Le Talmud (2) signale l'existence de la peine de

(1) Mantkl, Etudes ethnologiques sur la peine de mort. Paris, 1894, R., pièce !38o2.

^2) .1. J. Thomssen, Etudes sur l’histoire du droit criminel, Bruxelles, 1866, passim, 8», F. 2866.

91 -

mort chez les Hébreux. Ils appliquaient quatre supplices capitaux. Le plus terrible de tous, le plus rigoureux, était la lapidation, applicable au crime d’inceste, à la sodomie, à la bestialité et au blasphème.

Le deuxième supplice capital était le supplice du feu.

En troisième lieu venait le châtiment suprême à l’aide du glaive. Cet instrument servait à abattre la tête des meurtriers. Les Hébreux regardaient la déca¬ pitation avec la hache, la tête du coupable étant placée sur un billot, comme le supplice le plus infamant de tous.

L’étranglement était considéré comme le supplice suprême le moins rigoureux, le plus doux possible.

Tuer son prochain n’était pas toujours l’épréhensible. Moïse lui-même n’avait pas hésité à ôter la vie à un Egyptien qui avait seulement outragé un Israélite.

Contre la légitimité de la peine de mort, on ne trouve aucun argument dans l Ancien Testament.

Les mœurs et les lois, en Grèce et à Rome, admet¬ tent la peine capitale. Juvénal, en faisant allusion à la hache, écrit « et Icgim prima secures ».

L’intérêt de la cité est mis en avant par les Romains comme justification du supplice suprême: « Ut secu- riores cæteri vivant ».

Bien plus, à ces époques reculées, la conscience uni¬ verselle concevait sans réserve la nécessité et la légi¬ timité des plus atroces tortures et de tous les modes de supplices capitaux.

Les nations civilisées (1) avaient inscrit dans leurs codes l’application des plus effroyables tortures pour des fautes qui, à cette heure, ne sont même pas des délits correctionnels. Les délits de chasse ou de douane, par exemple, entraient dans cette catégorie.

La vie humaine, celle surtout du plébéien, était quantité négligeable. Le vilain, pour le motif le plus futile, était parfois condamné à mort.

(1) .1. J. Hauss, La peine de mort. Gand, 1867 , 8», R. 6353.

92 -

Soi}8Cliarlemag'iie(l), d’elïroyablesjugenienis étaient prononcés par la Cour vehmique. Un nommé Claude Guillou subit le supplice suprême pour avoir rompu le jeûne et avoir mangé de la viande de clieval, alors que oe mallieureux n'avait obéi qu’aux alïres de la faim.

Cette loi subsistait au XVII® siècle en Flandre et dans la Franche-Comté.

Etait condamnée à mort, sous Henri 11, toute fille qui cachait son état de grossesse.

Le 21 novembre 1608, on pendit (2) un Italien qui avait eu le malheur de dire qu’il était le lîls du Pape.

Le 2 décembre 1606, Nicolas Le Moyne, serrurier, fut condamné à mort pour avoir volé de la vais.selle à l’aide de fausses clefs.

Un simple blasphème était puni de la peine capitale. La torture et la mort étaient le lot de celui qui était plus ou moins convaincu du crime de sortilèges.

Poui' avoir chanté quelques couplets grivois (3), le comte de la Barre fut tenaillé, décapité et brûlé.

Les peines les plus terribles étaient couramment appliquées sans qu'il y eût de brusques et terribles sursauts dans les masses populaires.

L’atrocité des supplices avait tini, cependant, par remuer le cœur de quelques hommes, contraints, par l’exercice de leur profession, à l’impassibilité devant la douleur humaine. Les médecins (4) appelés à assister aux tortures avaient, maintes fois, protesté au nom de l’humanité odieusement outragée.

Guy de Chauliac au XIV® siècle, Fortunatus Fidelis et Fabrice de Hilden au XVII® siècle, avaient été les pre¬ miers à s’élever contre les pratiques barbares qui

(t) Hihliothéque. philosophique, par Brissot de Wahvillb. Ber- 1782, p. 2.86, K. invenl. 394<i. i2) ,lrc/). «flC, ADiii2.

(3) Chuppi, Rapport. Journal officiel, 1906.

(4) Touhdes, Article Supplices in Dict. encyclopédique des Scien¬ ces médicales.

93 -

avaient cours. Ces liommes de l’art tentèrent de sauver de la torture les fenunes enceintes et multiplièrent les exceptions pour épargner le supplice suprême à cer¬ taines catégories de condamnés.

Ces protestations, si dignes d’éloges qu’elles fussent, restèrent sans écho.

Des jurisconsultes, il faut le reconnaître, avaient fait aussi entendie leur voix.

Dès le XVI» siècle, Agraull, un Français, avait écrit un ouvrage extrèmemeni remarquable, qui méiitede sauver de l’oubli le nom de son auteur et qui n'a eu qu’un défaut, celui de s’adresser à une .société trop fruste pour en apprécier la haute valeur morale.

11 faut arrivera l'année 17(11 ])Our assister au premier réveil de la conscience universelle à l’occasion d’une odieuse exécution.

Jean Callas mourait victime de l’arljltraire des lois et d’une cj’uelle ei'reui' judiciaire. Cet événement mit en branle l’opinion publique, si vague, si dilTicile è atteindre au milieu du X\nil" siècle. En elïet, quand on ])arle de l'opinion publique de cette époque, l'on ne peut faire allusion qu’à l’avis de quelques liommes d’élite, capables de sentir et d’exprimer hautement leurs pensées.

Le rêle principal d’initiateur, dans cette grande question qui allait remuer par la suite tant de hautes intelligences, échut à un homme supérieurement orga¬ nisé et de grand cœur, à. César, marquis de Beccaria, qui poussa un admirable cri d’indignation.

En I7t54, parut son ouvrage a Des délits et des peines d, qui fut publié à Monaco.

Dans le cercle de ceux qui lisaient et qui rélléchis- saient à cette époque, le retentissement produit par le livre de Beccaria fut profond. Désormais, cetécriC devint l’évangile de l’école abolitionniste, la source féconde et bienfaisante des penseurs de tous les_ pays trouvèrent l’inspiration pour réclamer moins de (îruauté dans l'application des supplices. L’humanité',

94 -

odieusement violée, finit par faire entendre sa voix puissante, étoulïée pendant de longs siècles par l'obs¬ curantisme et la nature barbare.

L’écrit impérissable de Beccaria produisit immé¬ diatement une révolution non seulement dans les esprits, mais aussi dans les lois de deux royaumes.

L’illustre philanthrope entre autres adeptes, avait rallié à ses idées deux princes distingués.

Dès 1765, frappé par la lecture a Des délits et des peines » de Beccaria, Léopold de Toscane gracia systématiquement les condamnés à mort. En fait, la peine capitale était supprimée dans ses États en 1765. Mais la loi consacra définitivement l’abolition de la peine de mort, en Toscane, le 30 novembre 1786. Cette date mérite d’être retenue.

Le 3 janvier 1776, Marie-Thérèse avait décrété que la torture ne serait plus appliquée dans ses états liérédi- taires d’Allemagne. A celte occasion, elle écrivit à ses ministres une lettre qui les invitait à étudier la question de la suppression de la peine de mort.

« A cette occasion, » disaitMarie-Tbérèse, « jelaisse à la considération de mon tribunal de justice suprême, s’il ne conviendrait pas d’abolir successivement la peine capitale, du moins dans la plupart des cas, en la bornant uniquement aux crimes les plus atroces, moyennant que, dans toutes les provinces, il soit pourvu à des maisons de correction, à ragrandis.sement de celles qui subsistent déjà et au choix des travaux qui doivent servir de correction et de punition exemplaires, et qu’il soit sévi contre les délinquants ainsi détenus avec toute la rigueur et la publicité néce.ssaires, afin que la vue fréquente de ces punitions inspire au public une horreur pour le crime, plus grande que ne serait la peine de mort, et qu’ainsi la société retire encore quelque avantage des travaux de criminels sembla¬ bles. »

' Ce fut Joseph II qui, en 1781, exécuta le projet de réforme dont sa mère, l’impératrice Marie-Thérèse,

avait indiqué les grandes lignes à ses ministres. Le 2 avril 1787, la peine capitale était supprimée de l’arsenal des lois dans les États de Joseph U.

Fait curieux, et qui doit être souligné, les deux souverains qui, de leur propre Initiative, rompirent la chaîne de barbarie qui les encerclait et étreignait le monde civilisé, ces deux souverains, Léopold de Toscane et Joseph H, qui abolirent non seulement les tortures, mais la peine de mort elle-même, étaient les propres frères de l’infortunée Maiâe-Antoinetle, dont la tête devait rouler un jour sur l'échafaud, à la place de la Révolution !

En Russie, qui le croirai! ? la peine de mort fut supprimée en fait pendant un laps de temps assez long, avant la Révolution française.

Ségur, ambassadeur à Rome et ci-devant ministre du Roi en Russie affirme que le supplice capital a été aboli sous Elisabeth et qu’il ne fut pas rétabli sous le régime de Catherine, en dépit d affirmations contraires.

Suivant l’impératrice Elisabeth de Russie, la peine capitale n'est qu’une barbarie inutile dans la très grande majorité des cas. Aussi épargnait-elle la vie de tous les condamnés à mort. Dans un seul cas, elle fit exception à cette règle. Elle laissa exécuter un chef de malfaiteurs qui, en mille circonstances, avait été d’une cruauté inou’i’e.

Quoi qu’il en soit, la Toscane, les États confédérés d’Allemagne et la Russie, à la fin du dix-huitième siècle, contrastaient singulièrement par leur législa¬ tion criminelle avec les autres états de l'Europe, on peut même dire avec tous les pays du monde.

Partout ailleurs, l’esprit public était réfractaire à tout .sentiment de pitié, à toute idée humanitaire. Le criminel condamné à mort devait subir sa peine. 11 la subi.ssait d’un façon abominable. Ainsi le voulaient les mœurs et les lois.

Au milieu du XVllP siècle, la férocité des hommes

96

prélendus civilisés dépassait tout ce que l’imagina- tion peut concevoir.

En France, c’est de l'Orient que commença à poindre l’aube des réformes. Le mouvement en faveur de l’adoucissement des peines se manifesta d’abord à Besançon, à Châlons-sur-Marne et à Metz.

A la séance publique de l’Académie des Sciences, des Belles-Lettres et Arts de Besançon, le 15 décem¬ bre 1770, Philiponde la Madelaine prononça un dis¬ cours sur la nécessité et les moyens de supprimer, les peines capitales. L’auteur se prononça contre le principe de la peine de mort. Pour l'emplacer le sup¬ plice suprême, il proposait de former « un épouvantail pour le crime de ce que le tribunal et la honte ont de plus rebutant. »

Tourner (1) se livra à une dissertation intéressante sur le sujet suivant : « La torture est-elle une bonne voie pour découvrir la vérité ? » 11 conclut par la négative.

De même le professeui’ Sonnenfels (de Vienne) écri¬ vait, après la mémorable lettre de Marie-Thérèsô à ses Ministres, uu remarquable mémoire sur l’abolition de la torture.

A l’Académie de Châlons-sur-Marne, Nicolas Pinel, à la séance de la Saint-Louis, attaijua la peine de mort (3).

En France et dans quelques autres parties de l’Eu¬ rope, de-ci de-là, quelques voix s’élevaient faiblement au nom de l’humanité, foulée brutalement aux pieds.

L'exemple de ta Toscane, des Etats confédérés de l'Allemagne et de la Russie ne semble pas avoir produit une grande impression dans le monde civilisé, il faut bien l’avouer.

Dans la Bibliothèque philosophique de Brissot de

(1) Bibliothèque jihiloaoph., l. IV, p. 71. Inventaire E, 3953.

(2) 1(1.. t. IV, p. 187.

(3) Id.. t. IV, p. 197.

97

Warville se trouvent colligés les premiers documents qui marquent le début de l’évolution qu’allait subir la justice criminelle sous la poussée de quelques rares es])rlls.

Voltaire (1) s’élève éloquemment contre les épou¬ vantables tortures infligées à quelques criminels et cite le supplice appliqué, en Angleterre, aux condam¬ nés pour crime de haute trahison.

Brissot de Warville (2), dans un discours à l'Acadé¬ mie de Châlons-sur-Marne, le 25 août 1780, prononça un violent réquisitoire contre la question, l’odieuse torture.

On avait même fait plus dans cette voie de la pro¬ testation.

L'Académie de Metz avait établi un concours sur les moyens qu’il fallait trouver pour abolir le préjugé attaché à la famille de celui qui avait subi une peine infamante. Sur ce sujet, M. de la Gretelle prononça un éloquent discours.

La vérité était, sans doute, en marche. Mais il ne faut pas oublier qu’à la veille de la Révolution fran¬ çaise, nos provinces étaient toujours sous le terrible régime de l’ordonnance de 1670.

La décapitation, la potence, la roue, le feu, l’écartè¬ lement, la question, le fouet, le carcan, les mutilations accompagnées de raffinements incroyables de cruauté étaient des supplices légaux. (Tourdes.)

Les jurisconsultes français proclamaient la légitimité et la nécessité de tels châtiments.

Si l’on croit Voltaire, l’Angleterre n’étàit pas mieux partagée que la France, quant à la douceur des mœurs et à la répression des forfaits.

Sur le pavéde la place publique, le traîtreà sa patrie était traîné jusqu’à la potence; il y était suspendu

(1) IHId. pliikmp., par Biussot de Warville. Berlin et Paris, 1782, P, 99, E. 3930.

;2) Bihl. phüosop., E. 3951. .

98

vivant ; son ventre et sa poitrine étant ouverts par le bourreau; ses entrailles et son cœur, dans cette situation, lui étaient arraches. Avec ces organes encore palpitants, un lui cinglait le visage.

Du temps des Cortès, au Mexique, les Aztèques se contentaient d’arracher le cœur de leurs victimes encore en vie.

Dons le bon pays de Lorraine, au XVID siècle, le patient était rompu vif.

Les bourreaux, du reste, avaientle droit (l) de varier leurs plaisirs, et ils ne s’en privaient guère : tout était permis, depuis l’étripement jusqu’à l’asphyxie, qui était exécutée en plongeant le condamné tantôt dans l’eau froide ou bouillante, tantôt dans l’huile chaude.

La question préparatoire fut supprimée en France le 24 août 1780. La question préalable n’y fut abolié que le 1»' mai 1788.

La question préparatoire avait lieu, au cours du procès, pour obtenir les aveux de l’accusé, dont le crime n’était pas suffisamment établi.

La question préalable était employée à l’égard des accusés déjà condamnés à mort, dans le but d’obtenir d'eux la révélation des noms de leurs complices. Immédiatement après la question préalable, la peine capitale était appliquée.

Les deux sortes de questions (2) étaient divisées en ordinaires et extraordinaires, suivant la durée du supplice.

La question durait environ une heure un quart ; elle se prolongeait souvent davantage, deux heures et môme deux heures et demie.

Ou interrogeait trois fois l’inculpé : une première fois sur la sellette, avant qu'il ne fût lié ; ensuite, pen¬ dant la torture et, enlroisième lieu, quand, pantelant, il était exposé sur le matelas.

A) Chaque Parlement lixail la gamme des tortures permises.

(2i Recherche)^ sur la i/nestion ou tortinr , par M. Berriat St-Prix (ils, Paris 1833, in-8».

99

En France, avant l'année 1789, les peines capitales inscrites dans la loi étaient l’écartèlement, la roue, le feu, la pendaison et la décollation.

L’écartèlement appliqué aux coupables du crime de lèse-majesté consistait eu d’elïroyables supplices qu’au¬ raient seuls pu imaginer, semble-til, des sauvages primitifs et sanguinaires.

Taschereau, dans la Revue rétrospcctwe, a publié jadis le récit d'un témoin oculaire, qui décrit minutieuse¬ ment la plus effroyable et la plus longue torture que la cruauté ait jamais inventée.

Pendant une heure et demie, pour punir Damiens d'avoir effleuré l’épiderme de Louis XV, l’exécuteur des hautes-œuvres réussit à prolonger l’existence du patient, qui fut soumis à l’écartèlement, à la disloca¬ tion, au supplice du feu et à toutes les abominations qui purent surgir de l’imagination d’un tortionnaire enquête d’une récompense et d’une invention diabo¬ lique. Suivant Du Bois, la torture (1) avec brodequins et chevalets fut appliquée k Damiens. La distension et la dislocation de ses membres furent accompagnées de supplices affreux à l’aide de tenailles. Tour à tour, le bourreau se servit du feu ardent, du plomb fondu, de l’huile bouillante.

O honte ! Cet ignoble spectacle arracha des applau- difssements à la populace avide de cruautés et qui se délectait à la vue de ces raffinements dans la torture et de l’extraordinaire endurance du condamné.

A côté de ces supplices effroyables, la pendaison, qui supprime la vie en quelques minutes, était regardée comme un supplice presque doux. EUe était appliquée aux petits, aux manants, à ceux qui ne faisaient pas partie de la noblesse. Cette peine capitale entraînait la perte des biens du condamné et le déshonneur de sa famille.

(1) Louis Du Bois, Recherches historiques et physiologiques de la guillotine, Paris, 1843, 8% p. 37. Tb"37.

100

Le plus prompt, le moins rtouloureu'x, celui qui était considéré comme le moins déshonorant des supplices, était la décollation.

On l’exécutait soit avec une hache, soit à l’aide d'un glaive.

La hache, plus sûre, abattait la tête, appuyée sur un billot. Le supplice du glaive donnait lieu trop souvent, à d’atroces scènes, à de véritables boucheries. Les Romains exécutèrent, tout d’abord, les coupables avec la hachedes licteurs. Plus tard, les Romains, ainsi que les Germains, se servirent du glaive.

La tête de Marie Stuart (1), en Angleterre, n'avait été abattue qu’au deuxième coup de hache.

Au dire du chirurgien Louis, il avait fallu frapper Lally trois ou quatre fois pour sectionner son cou. De Thou (2), condamné pour avoir conspiré contre Richelieu, ne reçut pas moins de sept coups de la main du bourreau. Voltaire (3) avance que de Thou ne fut tué qu’au douzième coup de sabre.

Le duc de Monmoutb, lils de Charles 11, ne succomba qu’après avoir été frappé quatre fois, malgré la pré¬ caution qu'il avait prise de donner dix guinées au bourreau, afin de s’éviter la longueur du suprême supplice.

Condamné par ordre de Richelieu, Chalais n’aurait expiré qu’après avoir eu le corps haché de vingt et un coups de glaive.

La mort, dans ces conditions, était véritablement horrible.

Tandis que la pendaison frappait de déshonneur les parents du supplicié, la décollation réservée aux nobles était une peine personnelle qui s’appliquait exclusive¬ ment à l’individu et ne portait aucune atteinte à l’ho-

it) U. Touiides, Art. Siiiiiiliwx ilii Dictionnaire oncyclopi'.dique des Sciences medicales, p. 440.

2j Bulletin de l’Académie de Médecine de Pans, t. .XXXllI, p. 28iel 29, années 1800 et 1807. T. « .0.

:,3) Touhdes, loc. citai.

iiorabilité de sa famille. L’honneur des parents de l’aristocrate décapité restait sain et sauf. Sa fortune revenait à ses héritiers, tandis que les hiens du manant supplicié étaient confisqués.

Ces choquantes inégalités dans l’application et les conséquences de la peine capitale n’étaient pas sans avoir frappé l’esprit des hommes réfléchis de la fin du XVIIL siècle.

On discutait même sur la légitimité de la peine de mort. Les victimes des erreurs criminelles soulevaient la pitié.

En 1789, M. C. de .G., avocat au Parlement, adressa (1) un discours sur ce sujet aux États généraux. 11 insista sur le spectacle lamentable d’une famille respectable que le supplice d’un criminel avait déshonorée. 11 com¬ battit avec vigueur l’inégalité des peines, suivant la condition du coupable et cita ce mot profond de Confucius : « Un empire est heureux et florissant quand les bonnes et les mauvaises actions sont récompensées ou punies avec égalité et sans distinction. » .

Le déshonneur, disait M. C. de G., n’existe pas plus pour la famille du criminel issu des couches profondes de la démocratie que pour celle du criminel ayant une haute lignée. M. C. de G. concluait :

11 faut : Que les crimes soient punis sans distinct tioii de rang, de titre, de fortune ;

Que le nom de famille des coupables soit effacé des arrêts ;

Que le prétexte delà lecture infamante ne soit jamais donné ni reçu pour exclure un homme d’une place qu’il n’a pas méritée.

Ces idées voltigaient de côté et d’autre, sans doute ; de l’atmosphère de l’Assemblée nationale se déga- gaient des idées de justice, d’égalité et d’humanité.

Dans l’esprit de quelques penseurs apparaissait la nécessité d’apporter des modifications à la jurispru¬ dence criminelle.

. J. -J. Guillotinétaitprédestinéà accomplir cette lâche.

(1) Discours, etc., par M. C. de G. Paris, 1789. Àrch. nat. ADXVIII, C. 144.

102

Les propositions de Geillotin sur la peine de mort

Ses études antérieures, ses connaissances anato¬ miques, physiologiques et philosophiques, sou ardent amour de l’égalité devant la loi, l’horreur que lui ins¬ pirait la vue de la souffrance d'autrui, l’aversion qu’il professait contre l’injustice, avaient profondément remué son cerveau et son cœur et l’avaient décidé à se faire l’écho du cri de réprobation qui avait retenti dans différents coins du noble pays de France.

11 fallait analyser les aspirations d’altruisme, de phi¬ lantropie, de justice et d’équité qui se faisaient sentir avec une croissante intensité ; il fallait donner un corps à la doctrine qui, vaguement, se dégageait des écrits des novateurs et des conversations qui, dans l’ombre, s’échangeaient ; il fallait trouver la formule concrète des l'evendications de la conscience universelle.

Déjà l’Assemblée nationale avait sapé les principes et les pratiques de l’ancien régime en matière civile.

La juridiction criminelle était l'objet des études du Comité des Sept, qui proposait des réformes.

Mais ce Comité, animé d’excellentes intentions, n’aboutissait à aucun résultat définitif.

Saisir l’Assemblée nationale d’un projet de loi bien conçu, s’en faire Tardent défenseur, le soumettre à l’attention des députés, leur imposer par l’intervention de l’opinion publique les modifications apportées aux idées généralement reçues, enlever leurs suffrages, tel est le programme que J. -J. Guillotin voulut réaliser.

La séance du 9 octobre 1789 fut marquée par le dépôt d’un projet de loi sur « la réformation provisoire de la procédure criminelle.»

L’article xxiv était ainsi rédigé : « L’usage de la sellette au dernier interrogatoire et la question, dans tous les cas, sont abolis. »

«Article xxv: Aucune condamnation à la peine afflic¬ tive ou infamante ne pourra être prononcée qu’aux deux tiers des voix, et la condamnation à mort ne

103 -

pourra être prononcée par les jurés, en dernier ressort, qu’aux quatre cinquièmes. »

Guillotin prit la parole au sujet de l’article xxiv et insista pour l’adoption de l'article suivant : « Toute condamnation à la peine afflictive ou infamante en pre¬ mière instance ou eu dernier ressort exprimera les faits pour lesquels l’accusé sera condamné, sans qu’au¬ cun juge puisse employer la formule et le cas résultant du procès. »

De cette façon, Guillotin donnait à l’accusé plus de garanties et le mettait à l’abri de l’habituelle impré¬ cision dans l’articulation des faits.

Voici, d’après une pièce (1) conservée aux Archives nationales, la première manifestation de la conception de Guillotin sur la question de la peine de mort. Elle fut rédigée et datée de sa main le 9 octobre 1789. 11 en donna lecture à l’Assemblée nationale le lendemain 10 octobre :

9 octobre 4789 (2)

« . . AhT. XXIX

Les mêmes délits seront punis par le même genre de peines, quels que soient le rang etl’état du coupable.

Art. XXX

Dans tous les cas la loi prononcera la peine de mort contre un accusé, le supplice sera le même, quelle que soit la nature du délit dont il se sera rendu coupable. Le criminel aura la tête tranchée.

Art. XXXI

Le crime étant personnel, le supplice d’un coupable n’imprimera aucune flétrissure à la famille. L’honneur de ceux qui lui appartiennent ne sera nullement entaché ; et tous continueront d’être également admis¬ sibles à toutes sortes de professions, d’emplois et de dignités.

tl) Arch.nat., Cart. 31, 260, p. 21. (2) Arch. nat., Garl, 31, 260, p. 21.

-104 -

Art. xxxii

Quiconque osera reprocher à un citoyen le supplice d’un de ses proches sera puni de. . . .

Art. xxxni

La conliscation des biens du condamné ne pourra aniais avoir lieu ni être prononcé en aucun cas.

Art. XXXIV

Le corps d’un homme supplicié sera délivré à la famille, si elle le demande ; dans tous les cas, il sera admis à la sépulture ordinaire et il ne sera fait sur le registre aucune mention du genre de mort.

0 ocloln'e i7S9.

Signé : Guillotin. »

A analyser ce projet, on se rend aisément compte du but visé par celui qui l’avait rédigé.

A la base de la réforme se trouve inébranlablement établie l’égalité de tous les citoyens devant la loi, quels que .soient le rang et la situation du criminel. Riche ou pauvre, aristocrate ou plébéien, tout criminel con¬ damné à mort doit subir sa peine de la même façôn. Exactement identiques pour tous doivent être les con¬ séquences du même forfait.

Le crime est personnel. L’infamie ne s'attache qu’au coupable et non à sa famille dans tous les cas, que le criminel soit noble ou plébéien.

Après la mort de tout condamné, toute trace de son supplice doit disparaître des actes officiels.

Aristocrates, hommes du Tiers, clercs ou vilains, tous doivent être soumis au même traitement, non seu¬ lement au point de vue de l’exécution de la sentence, mais après le supplice suprême : lesbiens des criminels de bas étage ne doivent pas plus être sai.sis que ceux des suppliciés appartenant aux classes privilégiées.

Le principe de la légitimité et de la nécessité de la peine de mort est posé et, sans discussion, adopté. Autant que faire se peut, on doit entourer le supplice

105

suprême de toutes les garanties susceptibles de dimi¬ nuer son horreur et ses souffrances. La peine de mort devra être appliquée à l'aide du moyen le plus prompt, le plus sûr, le moins douloureux, de manière à réduire au minimum les souffrances corporelles et les angoisses du supplicié. Suivant l’auteur de ce projet, la décapi¬ tation réalise ces conditions.

La peine de mort sera toujours la même dans tous les cas, sans adjonction aucune de tortures, de sup¬ plices supplémentaires, même pour des crimes réputés les plus abominables.

L’altruisme de Guillotin apparaît dans l’exposé con¬ cis de ses articles.

Cependant, les propositions du député de Paris furent ajournées par l’Assemblée. Elles ne tardèrent pas à revenir en discussion. Le Moniteur publia le compte rendu suivant (1) de la séance du décembre 1789 ;

« M. Guillotin lit un travail sur le code pénal. Il établit en principe que la loi doit être égale quand elle punit comme quand elle protège ; chaque développement de ce principe amène un article que M. Guillotin propose à la délibération.

Ce discours est fréquemment interrompu par des applaudissements. Une partie de l’Assemblée, vivement émue, demande à délibérer sur-le-champ. Une autre partie paraît vouloir s’y opposer.

M. le duc de Liancourt observe qu’un grand nombre de citoyens est prêt à subir des arrêts de mort ; qu’il est dès lors indispensable de ne pas difféi'er d’un jour, puisqu’un instant de retard peut les livrer à la barba¬ rie des supplices que l’humanité presse d’abolir, puis¬ qu’un instant peut livrer beaucoup de familles au déshonneur dont un préjugé absurde flétrirait les parents des coupables et qu’une loi sage et juste doit flétrir à son tour.

{ij Héimpression de l’ancien Moniteur, t. Il, p. 280.

Bull. Soc. fr. hist. méd., X, 1911.

106 -

L’article premier, mis en délibération, est décrété à Tunanimité en ces termes :

« Les délits de môme genre seront punis par le même genre de peine, quels que soient le rang et l’état du coupable. »

La discussion sur les autres articles est ajournée à demain.»

Les articles (1) ajournés au lendemain 2 décembre étaient ainsi conçus :

«... Art. Il

Dans tous les cas la loi prononcera la peine de mort contre un accusé, le supplice sera le môme, quelle que soit la nature du délit dont il se sera rendu coupable. Le criminel sera décapité. Il le sera par l’effet d’un simple mécanisme.

Art. ni

Le crime étant personnel, le supplice quelconque- d’un coupable n’imprimera aucune flétrissure à sa famille. L’honneur de ceux qui lui appartiennent ne sera nullement entaché, et tous continueront d’être également admissibles à toutes sortes de professions, d'emplois et de dignités.

Art. IV

Nul ne pourra reprocher à un citoyen le supplice quelconque d’un de ses parents. Celui qui osera le faire sera publiquement réprimandé par le juge. La sentence qui interviendra sera affichée à la porte du délinquanl, De plus, elle sera et demeurera aflicliée au pilori pen¬ dant trois mois.

Art. V

La confiscation des biens du condamné ne pourra jamais être prononcée en aucun cas.

(1) Articles sur les lois criminelles dont l’Assemblée nationale a ordonné l'impression le t" décembre 1789, pour être discutés dans la séance du 2. Itibl. tiat. LeW 348; voir aussi Arch. nat. ADXVni, G. 144.

107 -

Art. VI

Le cadavre d’un homme supplicié sera délivré à sa famille, si elle le demande. Dans tous les cas, il sera admis à la sépulture ordinaire et il ne sera fait, sur le registre, aucune mention du genre de mort. »

La rédaction précédente avait été complétée par Guillotin de la fa(;on suivante :

« Arrêté, en outre (1), que les six articles ci-dessus seront présentés à la sanction rojmle, pour être envoyés aux Tribunaux, etc., et qu’en les présentant, M. le Pré¬ sident suppliera le roi de donner des ordres pour que le mode actuel de décapitation soit cltangé, et qu’à l’avenir elle soit êxécutée par l’elïet d’un simple mécanisme. » Signé : Guillotin. »

L’article premier ayant été seul adopté, la partie rela¬ tive à la sanction royale devenait caduque ipso facto.

En somme, le succès de Guillotin était partiel; seul avait triomphé dans cette séance le principe de l’éga¬ lité des supplices devant la loi.

La discussion, renvoyée au lendemain 2 décembre, n’eut pas lieu ce jour-là.

Mais le discours qu’avait prononcé l’ex-professeur des Ecoles de Paris à la séance du l®*' décembre eut un certain retentisssement dans la presse. Le texte n'en a pas été conservé. Il n’a pas été reproduit par l’imprimerie. C’est en vain qu'ont été fouillés les car¬ tons aux Archives. Ce discours ne fut-il pas détruit par Guillotin, qui , cruellement attaqué par les feuilles publi¬ ques, raillé à propos des paroles qu’il avait prononcées au cours cétle séance, ne voulut pas livrer à la publicité sa harangue ? C’est possible.

11 est intéressant d’essayer de le reconstituer à l’aide des documents de l’époque.

Les journaux s’étaient .saisis des propositions de Guillotin sur la peine de mort.

La première nouvelle qui fut donnée au public émane

(1) Arch. liai. ADXXII, G. U4 et B. N. Lé-î» 349.

d’uiie feuille publique : « Ixs après-souper ou mon bonnet (te nuit, séance de ce malin décenihi'C 1789, sous le litre de « Motion de M. Guillotin pour l’égalité des supplices et l’abolition du préjugé et autres objets. »

» A l’ordre de deux heures(l), M. Guillotin, après un discours fort énergique sur l’inégalité des supplices, suivant les criminels, sur la dureté des peines qu’on emploie contre ceux-ci, sur le malheureux préjugé qui déshonore la famille du coupable, sur la confiscation de leurs biens et sur leur inhumation, a proposé à l’Assemblée, etc. . . »

Le discours de Guillotin, est-il dit, fut fort énergique.

Le Journal de Paris du 2 décembre 1789 met en relief (2) les sentiments d’humanité dont Guillotin a donné des preuves à cette occasion et qui ont pénétré tous les cœurs.

La Gazette de Paris bat des mains sur les grands prin¬ cipes de jurisprudence criminelle développés par Guil¬ lotin.

C’est dans le Journal des Etats Généraux, rédigé par Lehodey de Saultchevreuil, que se trouve le compte rendu le plus suggestif de la séance du 1®^ décem¬ bre 1789. Voici le résumé (3) du discours de Guillotin :

« La loi, soit qu’elle punisse, soit qu'elle protège, doit être égale pour tous les citoyens, sans aucune excep¬ tion. Faisant ensuite une peinture aussi pittoresque que sensible des supplices ellraj^ants qui se sont per¬ pétués jusque dans le siècle de l’humanité ; les gibets, les roues, les échafauds, les bûchers, supplices barbares imaginés par la barbare féodalité, il a conclu à ce qu’il n’y eût plus, désormais, qu’un seul supplice du môme genre pour tous les crimes. Quel que soit un coupable, il est a.ssez puni par la mort et la société est

(1) Itritùh Musioiin, F. 400 [20).

(2, .4. Chére.vu. Guillotin et la guilloline. Paris, 1870, p. 26.

(3) Journal des Ëlats généraux. T. IV, année 1789, p. 239, d’après A. Chéiikau, loc. cil. B. N. Ln^" 26699.

109

assez vengée eu le voniissaiil de son sein. Il a proposé l’article suivant :

(I Dans tous les cas la loi prononcera la peine de mort contre un accusé, le supplice sera le môme, quelle que soit la nature du délit dont il se sera rendu cou¬ pable (décapitation), et l’exécution se fera pai- l'elîet d’un simple mécanisme. »

Ici, M. tiuillotin s’est appesanti sur les supplices qui mettent l’humanité au-dessous de la bête féroce, les tenaillements, etc... Je les passe sous silence. 11 a décrit l’horreur qu’inspirent ces êtres connus sous le nom de bourreaux . . . . M. Guillotin a fait la description de la mécanique ; je ne le suivrai pas dans ses détails ; pour en peindre l’elîet, il a oublié un instant qu’il était législateur pour dire en orateur : La mécanique tombe comme la foudre ; la tête vole ; le sang jaillit, l’h.omme n’est plus. Ce n’est pas dans un code pénal qu’un pareil morceau est permis. . . »

Guillotin proclame donc la supériorité de la décapi¬ tation à l’aide d’un simple mécanisme. 11 fait la description de la mécanique qu’il proposa.

Le rédacteur du Journal des États (léncraux esquissa une critique modérée des paroles prononcées par Guil¬ lotin dans l’ardeur de l’improvisation, quand l’orateur exposa les foudroyants effets de l’instrument dans le but d’entraîner la conviction de ses auditeurs.

Les mots soulignés plus haut par l’auteur du présent travail ont-ils été exactement ceux que prononça Guil¬ lotin ? Les paroles de l’orateur auraient été plus vibrantes encore, si l’on en croit certains publicistes.

Dans son ardent désir de faire aboutir sa proposi¬ tion, Guillotin a peut-être dépassé la mesure et a manqué, semble-t-il, de doigté dans cette circonstance.

S’il faut en ci’oire Bournion, écrivent MM. Robert- Bourloton elCougny (1), Guillotin aurait dit: «Le sup-

(1) RonEnT-BoüHLOTON et Couony, Dictionnaire des parlemen¬ taires, Paris, 1890. Article Guillotine, t. IV, p. 28o.

- MO -

plice que j'ai inventé est si doux qu’il n’y a vraiment que l’idée de la mort qui puisse le rendre désagréable. Aussi, si l’on ne s’attendait pas à mourir, on croirait n’avoir senti sur le cou qu’une légère et agréahlc fraî¬ cheur. » Cette expression qu’aurait prononcée Guillotin se retrouve dans dilïérenls recueils. Mais il n'est pas certain qu’elle ait été dans la bouche de Guillotin.

Quoi qu’il en soit, l’orateur s'abusa-t-il un instant au point de croire qu’il était en présence d’une assemblée de médecins accoutumés à parler sans .sourciller de la mort et des supplices? 11 se trompait. Il était en l’ace d’bommes distingués, recrutés dans les rangs de la noblesse, du clergé et du Tiers-Etat, tous reinai*- quables par leur extrême sensibilité.

La discussion sur les articles lus à la tribune par Guillotin n’avait pas eu lieu le 2 décembre. Elle ne lut reprise qu’un mois et demi après.

Le mouvement d’idées provoqué par l’auteur res¬ pecté de la Pétition des Citoyens de Paris ne s’était pas arrêté aux articles dont il avait été donné lecture à l’Assemblée nationale.

M. Guillaume (1) proposa une addition à la motion de son collègue sur les lois criminelles.

U La motion de M. Guillotin », écrit M. Guillaume, « est conlorme à la religion, à la philosophie et aux mœurs de la nation. Elle est inspirée par le principe d’égalité devant la loi et l’Être suprême, par le désir de supprimer les supplices barbares et de combattre le préjugé qui frappe d’infamie la famille d’un cri¬ minel. » M. Guillaume propose de limiter strictement la peine de mort aux assassins, aux empoisonneurs et aux incendiaires. L’édit de Henri II concernant les filles et veuves enceintes demeure abrogé. Les susdites personnes visées ne pourront être punies qu’autant que l’on pourra démontrer Tinfanticide.

(1) Addition il la motion de M. Guillotin sur le.s lois criminelles, par M. Gcili..m:me. Paris, 1789. B. N. Le^ 349.

111

L’article 2 du projet Guillaume porte sur la suppres¬ sion du fouet, du fer chaud, eu cas de condamnation aux galères à perpétuité.

« En cas d’émeute, est-il écrit à l’article 9, il sera sursis à l'exécution de tout jugement portant peine de mort, pendant trois mois, à partir de la notification qui en sera faite au conseil de l’accusé, et la révision du procès se fera de droit huit jours avant l’exécution. »

A côté de ces mesures, qui avaient pour objectif d’évi¬ ter l’erreur judiciaire et de donner à l’accusé une deuxième juridiction susceptible d’appliquer, loin des ardeurs de la lulle, une peine plus nettement inspirée par la justice et l’indulgence, il y avait aussi le recours en grâce, qui pouvait être accordé par le roi, sauf en cas de crimes de Lèse-Nation, de Lèse-Majesté, de péculat et de concussion.

Mais quelques auteurs protestaient contre legenrede supplice que l’ancien professeur de la Faculté de Méde¬ cine de Paris avait proposé à l’Assemblée constituante.

L’un d’eux (1) se montre contraire à l’exécution du coupable à l’aide de la hache, supplice aussi cruel que tous les autres, écrit-il plus tragique et plus san¬ glant. Ses préférences sont pour l’einpoisonnemeut du condamné à la peine de mort. On administrerait à celui-ci une forte dose d’opium.

Ce ne fut que le 21 janvier 1790 qu’à l’Assemblée constituante lut reprise la discussion sur les proposir lions de M. Guillolin.

M. l’abbé Pépin prit la parole (2) et prononça le dis¬ cours suivant :

« Il y a des coupables qui vont être condamnés. Ils mériteni la mort; qu’ils la subissent... Mais ne souffrez pas que leurs tourments passagers rejaillissent éter¬ nellement sur leurs familles plongées dans la tristesse...

(1) Supplément aux procès-verbaux du Code pénal. La mort de tous les criminels, D* 0=^''=^. Arch. nal. ADXVIII, U7.

(S) Réimpression de l’ancien Moniteur. Année 1790, p. 193 et 196.

112

» 11 existe pour nous un préjugé barbare qui dévoue à l'inlamie les proches d’un criminel. Cédez aux cris de la raison ; réprouvez ce que la saine philosophie condamne ; que les fautes soient, dans une nation sage, uniquement personnelles.

)) Par un reste de la tyrannie féodale, la confiscation des biens du condamné, en certains cas et pour certains délits, étendait la peine à une génération innocente, à des enfants, à des proches déjà assez malheureux d’ap¬ partenir à un coupable. Réduisez, Messieurs, par votre sagesse la peine du délit au seul criminel ; abrogez cette loi trop rigoureuse, qui tue dans ses descendants celui qui a déjà subi la peine de ses forfaits...

)) Souffrez, Messieurs, que la famille réclame le cada¬ vre ; ordonnez au moins qu’il soit admis à la sépulture commune et ([ue rien dans l’acte qui atteste son décès ne retrace le .souvenir qu’il a subi... »

M. l’abbé Maury parle dans le même sens : « Je pro¬ pose que, sur le lieu même du supplice, le juge réha¬ bilite la mémoire du coupable. Cette sentence de réha¬ bilitation anéantira toute tlétri.ssure et ne donnera plus de prise au préjugé. »

Barnave réplique : « Cette réhabilitation serait vicieuse, en ce sens qu’elle mettrait le crime du décédé au môme niveau que l'innocence. Il faut y substituer la simple lecture à faire à haute voix, au peuple, par le gretïier, de l’article dont il est question. »

MM. Hemery et Larreyre parlent contre la proposi¬ tion de Maury.

L'Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer.

Guillotin propose à l’Assemblée les deux articles suivants :

Dans tous les cas la loi prononcera la peine de mort contre un accusé, le supplice sera le même, quelle que soit la nature du délit dont il se sera rendu coupable. Le criminel sera décapité. Il le sera par l’effet d’un simple mécanisme.

Nul ne pourra reprocher à un citoyen les supplices

- 113 -

ni les condamnaüons infamantes quelconques d'un de ses parents. Celui qui osera le faire sera réprimandé publiquement parle juge. La sentence qui interviendra sera affichée à la porte du délinquant; de plus, elle sera et demeurera affichée au pilori pendant trois mois.

Ne doutez pas un seul instant que le préjugé ne se dissipe. Cette révolution sera l’ouvrage du temps. Rien n’est si difficile que de détruire une sottise qui s’est accrochée au prétexte imposant de l’honneur.... Quand cette sottise fait partie de nos mœurs et s’est mariée avec d'autres usages aussi peu relléchis, il semble qu’elle soit indestructible ; or, tel est le préjugé de cette infamie héréditaire que nos ancêtres avaient con¬ sacré depuis tant de siècles. La révolution étant uni¬ verselle, elle frappera sur cette inconséquence morale qui fait partager à l’innocence, les peines d’un crime ou d’un délit.

. . . C’est dans le peuple surtout qu’elle (cette erreur) s’était fixée, car la noblesse en avait secoué le joug : or, les vérités morales sont diflicilement saisies par un peuple égaré, qui respecte par habitude tout ce qui lui a été transmis par ses pères et adore religieusement jusqu’au mensonge qu’il a entendu répéter dès son berceau. Il faut espérer que le peuple s’empressera de s’instruire. Admis sous différents emplois, à quelques parties de l’Administration, il s’éclairera prompte¬ ment ; il apprendra les lois de son pays qu’il igno¬ rait, et la vérité sera substituée à une foule de sottises avec lesquelles la cupidité sacerdotale ou le des¬ potisme des souverains amusait sa faiblesse et .sa crédulité.

Les articles proposés par M. Guillotin, lit-on dans le Moniteur, sont renvoyés au Comité des Sept, chargé du travail sur la jurisprudence criminelle. La séance est levée.

Avant d’aller plus avant, n’est-il pas remarquable

114

d’enleiidre les hautes paroles prononcées parGuillolin à la tribune de l’Assemblée nationale ?

Du préjugé, fruit de l’ignorance, de l’erreur et de la sottise humaine, du préjugé contre lequel il s’élève avec éloquence, il sera lui-même la victime innocente et expiatoire. Qu’importe ?

N’est-elle pas admirable, cette page dans laquelle (iuillotin fait appel à la lumière, à l’instruction, pour permettre au peuple de sorlir des ténèbres il végète depuis tant de siècles ?

Mais il faut revenir à la discussion du 21 janvier 17t)(), telle qu’elle a été i-elalée d’après le Moniteur.

Contrairement à ce qu’écrit ce journal, les articles en question ne furent pas tous renvoyés.

Quatre d’entre eux furent votés, ainsi que te constate Tournon(l) dans la Révolution de Paris. Du reste, au Musée des Archives nationales se trouve (2) le texte des propositions votées et écrites, de la main môme de (iuillotin, le jeudi soir, 21 janvier 1790 :

7. « L'Asssemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit :

Article i’remier

Les délits du môme genre sont ])unis parle môme genre de peine, quels que soient le rang et l’état du coupable.

Art h

Les délits et les crimes (3) étant personnels, le sup¬ plice d’un coupable et les condamnations infamantes quelconques n'imprimeronl aucune flétrissure à sa famille. L’honneur de ceux qui lui appartiennent n’est nullement entaché, et tous continueront d’être admis¬ sibles à toutes sortes de professions, d’emplois et de dignités.

(1) Rérolulion de Paris, 23 janvier 1790.

(2) AEII, Musée des .irchives, 1833. A. B., no 7. ,

(3) Guiu-otin avait d’abord écrit « Lés crimes et les délits ». II a effacé « et les délits » et a rectifié ainsi « Les délits et les crimes ».

113

Aut. ni

La confiscation des biens des condamnés ne pourra être prononcée dans aucun cas.

Art . IV

Le corps du supplicié sera délivré à sa famille, si elle le demande. Dans tous les ca.s, il sera admis à la sépulture ordinaire et il ne sera fait sur le registre