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REVUE

BRITANNIQUE.

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PARIS. IMPHIMERIE DE M»* DONDEY-DUPRÉ,

mUE SAINT-LOUIS, V^ 46, AU MARAIS*

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REVUE

BRITANNIQUE.

CHOIX D'ARTICLES

EXTRAITS DES ÎMEILLEURS ÉCRITS PÉRIODIQUES

DE LA GRANDE-BRETAGNE.

SOUS LA 1>IREGTI0N DE M. AMÉDÉE PIGHOT.

CINQUIEME SERIE.

TOME YINGT-SEPTIÈMB.

PARIS,

AU BUaEA0 BELÀREYUB, RUE GRANGE-BÀTBLIÊaE, 1; MADAME DOMDEY-DUPRÉ, UBRAIRE, RUE DES PYRAMIDES; CHEZ JCJLE8 RKNODARD^ LIBRAIRE, RUB DE TOURBON, 6.

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MAI 18Vo.

REVUE

BRITANNIQUE.

0tatt«tiqt». ^ 6nni(t0 itioral».

LA DERNIÈRE ENQUÊTE

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SUR LES MAISONS D'ALIÉVÉS

EN ANGLETiERRE.

Les réformes introduites récemment dansles maisons d'alié- nés ont enfin éveillé l'attention publique. Comme il arrive dans toutes les grandes choses de ce monde , la science et la cha- rité ont pris ici l'initiative. Les philanthropes ont apporté aux malheureuses victimes du délire ou de l'idiotisme le tribut du cœur ; les savants leur ont apporté celui de l'intelligence. Il reste un rôle au gouvernement ; c'est de consacrer, c'est de mul- tiplier tes résultats obtenus par des hommes dévoués, mais isolés. C'est à remplir ce rôle que nous osons l'appeler ici, et nous l'osons d'autant mieux que les améliorations accom- plies parlent assez haut et tendent plus haut encore. ^

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6 LA DERMKRE ENQUÊTE SUR LES MAISONS D'aLIÉNÉS

Les scènes hideuses qui déshonoraient jadis les asiles ou- verts aux aliénés cessent graduellement. Le calme, la gaieté même commencent à s*y acclimater, et il se pourra faire qu'un jour il y ait plus de sourires , plus de joie parmi ces pauvres exilés de la raison humaine, que dans tel ou tel district* ma- nufacturier en Europe , et telle ou telle habitation de nègres aux Antilles. Ce changement ne s*est pas arrêté aux établisse- . méats eux-mêmes ; il a retenti dans tous les esprits pour les disposer en faveur du bien qui reste à faire. Les temps ne sont pas encore bien éloignés Ton n'abordait que le dégoût ' dans TAme et la pâleur au front, le redoutable problème de la folie. Nous sommes heureux de dire qu^aujourd'hui ce dé- goût et cette crainte ont fait place à une sollicitude touchante et éclairée , à une attention courageuse qui descendent peu à peu des intelligences supérieures à la masse de la nation. Notre intention est , ici, d'analyser, en quelques pages-, le rapport que viennent de publier les commissaires chargés de l'enquête relative aux maisons d'aliénés.

Les scandales qui se perpétuaient dans les asiles distribués ' immédiatement autour de Londres , déterminèrent , en 1828, le parlement à instituer une commission dont le but devait être d'inspecter ces prétendus asiles. La commission se mita l'œuvre énergiquement et habilement ; elle examina, elle amé- liora surtout , et fit si bien qu'il y a quatre ans on^ étendit à tout le royaume la sphère de son inspection. Le rapport que nous avons sons les yeux démontre avec quel noble dé- vouement, quelle infatigable vigilance les ^Commissaires ont accompli leur tâche. Nous acceptons ce travail comme l'es- quisse fidèle de tons les établissements ouverts aux aliénés en Angleterre et dans le pays de Galles.

En constatant les résultats immenses obtenus par la science noderoe dans le traitement des aliénés , nous nous sommes toujours demandé comment nos ancêtres avaient ^té poussés à élever contre la folie ce triple et impitoyable appareil de la réclusion, de l'isolement et de la violence. L'ignorance seule ne suffirait pas, en eifet, pour rendre compte des efiiroyabies

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EX ANGLETERRE. 7

douleors infligées aux aliénés pendant tant de siècles ; elle a'eàt pas suffi, surtout, pour constmire ces refdges hîdenx, A h fois sépulcres par la tristesse et anges par la malpropreté, Tenaient croupir et s'éteindre les êtres privés de la raison ; elle n'eit pas inyenté ces flagellations sanglantes, ces tortures, fes diatnes rirées aux flancs de tant de malheureux, comme à des aniiDaux en délire. Il fallait davantage, il (allait une pas- non : il fallait le fanatisme. Pendant longtemps , en effet, les foosont été poursuivis à titre de démoniaques, de lycanthropes, de possédés , et sous le spécieux prétexte de communica- tioiis avec des succubes , des incubes , des gnomes, etc., etc. Comme il demeurait bien établi que Satanas était au fond de toutes les folies, le mieux qu'on pût feire c'était évi- demment de lui courir sus à outrance , et de le, fustiger dans la personne de ceux/dont il troublait la raison. On prétendait ainsi le faire sortir du corps de ces malheureux , et rien n'y était épargné : exorcismes, tortures, enchaînement, emprison- nement, etc. Les savants qui se sont dévoués, de nos jours, au tndtenient des aliénés ont tant soit peu dévié de ces utiles errements, et notre siècle, que l'on prétend flétrir pour son égoîsme etson irréligion, a eu effectivement la coupable pen- sée de laisser le diable fort tranquille et de s'en prendre, pour guérir la folie, aux causes même de la folie, aux organes qu'elle e&yahit. Nous sommes loin, fort heureusement, des^colères saintes qu'excitaient les fous au moyen Age, loin de la frayeur qui les entourait hier encore ; mais un coup d'œil sur leur his- toire passée servira à nous faire mieux apprécier la nature des progrès accomplis et les espérances que Ton doit concevoir pour l'avenir. Nous serons breis , pour arriver immédiate- ment à l'état actuel des choses.

Il paraîtrait que nos ancêtres consacraient habituellement , dans les monastères, un certain nombre de cellules à la dé- tention des fous violents et dangereux ; s'arrêtait leur sol- licitude. Ces cellules, souvent souterraines étaient construites avec la solidité redoutable des prisons. , couchés sur une paille putrescente , se remuaient ,. dans l'ombre , des êtres

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8 LA DERNIÈRE ENQUÊTE SUR LES MAISONS D*ALIÉNÉS

dégradés, à l'aspect cadavéreux, aa regard hébété, à qui il ne restait plus que deux choses à exprimer, les. souffrances du corps et les sombres hallucinations de Tàme. Quand leurs plaintes ou leurs rugissements troublaient la quiétude d.es gar- diens, le fouet déchirait leurs épaules au nom de la sûreté gé* nérale et de la religion qui corrigeait Satan révolté. Il est vrai de dire, cependant, que ces in-pace ne renfermaient que ceux dont la folie paraissait nuisible ou menaçante : ceux dont le dérangement intellectuel se réduisait à des divagations puériles ou comiques, à des rêves de grandeurs, à des entretiens, voire même à une correspondance suivie avec les saints, ceux-là on les laissait errer en liberté, sous la sauvegarde de la pitié ou de la curiosité publique. C'est dans cette catégorie, qu'il faut ranger les insensés dont Sir Thomas Morus prétend que les habitants d'Utopia « se divertissaient si fort, » et dont, sans malice aucune, il serait facile de citer encore tant d'exemples aujourd'hui.

11 arriva cependant que l'on voulut mettre un terme à ces migrations afBigeantes de la folie, et les asiles consacrés jadis aux seuls malades dangereux s'ouvrirent pour tous les de- grés de l'aliénation. Mais, en changeant de destination , les édifices ne changèrent, ni dans leur architecture ni dans leur disposition intérieure, et cela seul suffit pour expliquer l'as- pect menaçant qu'ils ont consente jusqu'à nos jours. Nous croyons pouvoir ajouter à ce triste legs des temps passés, l'usage barbare du fouet, qui, des mains de la pénitence , dût passer nécessairement dans celles du bourreau et du gardien des fous. Voilà en étaient jadis les asiles et le traitement des ali('>nés. Nous allons voir ce qu'ils sont devenus de nos jours.

Apres avoir décrit les améliorations introduites dans les établissements actuels, les commissaires émettent, au sujet de la construction de ces établissements, les observations sui- vantes :

(( Quoique nous soyons fort éloignés de prêcher l'érection d'édifices disgracieux et mornes, il ne nous semble pas qu'il

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£N ANGLETERRE. 9

soit nécessaire d'exagérer les ornements d'architecture aux dépens du budget des aliénés, et cela d'autant mieux que ces asiles sont destinés à des individus qui, dans l'état de santé, sont habitués à ylvre dans 'des chaumières. Les plus beaux de nos workhouses n'ont pas coûté , en moyenne» plus de hO £ (1,008 f.] pour chaque, habitant, tandis que les dépenses de coBstmction, pour les maisons d'aliénés, se sont quelquefois éle?ées à200 £ (5,000 f . ) . Il est vrai que les soins nécessaires aux aliénés diffèrent complètement du régime d'un workhouse. Ils sont à la fois plus nombreux, plus délicats et plus difficiles; mais il est évident que l'on a exagéré, jusqu'à présent, dans la pratique , le surcroît de dépenses qui en résulte. Ainsi , nous avons pu nous convaincre que la. moitié des sommes consacrées à un établissement de ce genre s'absorbe dans la construction de cellules isolées , et dans les précautions né- cessaires contre l'incendie. Or, il est clair que si Ton ouvrait des dortoirs suffisamment spacieux pour contenir un nombre convenable de malades , et si l'on ne mettait à l'abri du feu que les parties de l'établissement qui y semblent le plus ex- posées, on réaliserait des économies énormes, et cela, sans nuire à la commodité ni à la sûreté de tous.

« Nous avons vu, dans rétablissement de Suffolk, de Not- tingham et de Hanwell , des cellules abaissées au-dessous du niveau des terrains circonvoisins; n'ous en réprouvons hau- tement l'usage. Â Hanvell et à Nottingham, les cellules souter- raines sont froides, humides, fermées au soleil , aux tièdes haleines du vent, et dangereuses pour les malades.

« Une autre question, qui se rattache indissolublement à la construction de ces asiles, est celle de l'étendue qu'ils doivent avoir, de l'espace sur lequel ils doivent se déployer. Sur les 15 ^iles déjà construits en province, il en est 10 qui ne peuvent contenir plus de 200 habitants ; les cinq autres at- teignent et dépassent ce chiffre. Ainsi, l'établissement de Kent peut recevoir 300 malades ; celui de Surrey , 360 ; le West-Riding d'York, ^SO; l'asile de Lancastre, 600 ; enfin, celui de Middlesex donnerait l'hospitalité à 1,000 individus.

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10 LA DERNIÈRE ËNQLÉTK SUR LES MAISONS D' ALIÉNÉS '

Le résultat de nos observations personnelles et de nos expé- riences, contrôlé par le témoignage des hommes les plus ha- biles que nous ayions interrogés, nous a eonvaincus que le nombre des malades accueillis dans une maison de fous ne devrait jamais dépasser 230, et que, dans Tintérèt du service» il serait peut-être même sage de s'arrêter à âOO. Il est urgent, en tout cas , d'agiter ces questions et d'en hâter la s(rfution. Le chiffre des aliénés pauvres grossit chaque jour et prend des proportions tellement menaçantes, que les asiles destinés à les recueillir sont devenus une question d'intérêt majeur et même national ; à tout prix il y faut pourvoir. »

Nous croyons , avec la commission , qu'il est inutile de sa- crifier aux rêves de l'architecture et aux fantaisies de l'ordre dorique ou ionique ; mais nous croyons aussi que les asiles des- tinés à la foUe doivent respirer une certaine gaieté et une certaine grâce. A cette seconde enfance , il faut, non pas une tombe ou une prison, mais un second berceau aussi couronné de fleurs que possible ; et â l'esprit de l'aliéné, qui tantôt s'en- flamme et tantôt s'assombrit, il faut pouvoir distribuer tour à tour l'ombre d'un arbre ou l'éclat du soleil. En ceci, comme en tout ce qui concerne les asiles de cq genre, l'intérêt et le bien- être des malades sont la loi suprême.

Il nous semble que le style d'architecture le mieux appro- prié ailx exigences d'une maison de fous est le vieux style an* glais. Ses lignes calmes et droites se prêtent merveilleusement à toutes les dispositions intérieures» et semblent le style clas- sique du comfbrt. Là, point de volutes ou d'enroulements capri- cieux ; point de portiques surmcmtés de statues <fti d'ampho- res ; toutes choses qui peuvent être agréables aux visiteurs, mais qui importent fort peu à celui qw vient y élire domicile, et, cela, par la raison fort simple que lorsqu'il y entre il n'a pas conscience du beau , et lorsqu'il en sort, son regard fuit avec épouvante l'aspect du triste lieu il a langui dans l'égarement, de la pensée. Rien de purement artistique, en un mot , mais aussi plus de barreaux scellés aux fienétres, plus de geôUeis inhumains, plus de chaînes au bruit lugubre. Des chambrea

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SN AKOLETERRE. U

rutnies «t bien ftitaées d'où le malade puisse jeter les yeu sur qaelqne vaste plaine, et entendre, à la place des voix oonfoses de son Ame, les voix harmonieuses de la nature; le repos au dedans de la demeure» la Tie au dehors, tout autour de lui, le sollicitant, l'appelant à chaque heure, voilà les q)ectacles ip'il lui &ut, le milieu dans lequel il doit vivre. Le traitement de l'aliéné conmience du jour même il entrevoit Tasile il doit vivre, et nous sommes convaincu aussi que les premières impressions produites alors sur son esprit sont d'une impor- tance énorme; elles aboutissent à lui fiaireaccepter ou repousser les soins qui lui seront donnés. Quel effet produirait, nous le demandons, la vue d'une façade royale ou d'un portique ba- bylonien sur l'imagination défiante et craintive des aliénés pauvres? Nous ne craignons pas de dire que cet effet serait blal. Aucun d'eux ne reconnaîtrait, derrière cette magnii- eence extérieure, un asile de charité et de paix; pour eux ce serait tout simplement une vaste demeure, très-imposante, très-inqûiétante, peut-être même une prison. Nous recomman-i duBB ces résultats i la sollicitude éclairée de tous ceux qui peuvent influer sur le progrès de nos institutions de bienfah- siQce ; ils-eerviront à leur démontrer combien il est ridicule, Boos allions dire inique, de sacrifier au coup d'œil des sommes qui pourraient être si merveilleusement employées en faveur des aliénés, lesquels, on nous l'accordera, ne sont paa les moins intéressés dans la question. Nous nous serions du reste épargné la plus grande partie de ces réflexions, si la vi- site que nous avons faite récemment dans nos principaux éta- blissements ne nous en avait démontré la triste opportunité. Ainsi, presque partout nous avons reconnu que les apparte- ments les mieux situés, les plus gais, étaient destinés an conseil d'administration, et presque partout nous avons re- connu que les deniers épargnés sur le bien-être des malades servaient à constituer au directeur une liste civile opulente. Dq reste, ces déplorables anomalies, qui apparaissent au visiteur, sur le seuil même de nos maisons de fous, le pré- parent tout naturellement à celles qu'il doit rencontrer à

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12 LA DEllNIÈRE ENQUÊTE SUK LES MAISONS D'ALIÉNÉS

cbaque pas, dans leur administration intérieure; les unes servent de préambule ou de commentaire aux autres. Ainsi, la plupart des vieux asiles frappent tout d*abord par leur aspect morne et ferouche; ils s'annoncent comme de véritables pri- sons, et il est évident que la crainte des évasions a été la pen- sée dominante de ceux qui les ont construits. Pendant long- temps les aliénés ont été un objet d'épouvante, nous avons déjà dit d'horreur et il était naturel que dès lors on cherchât plutôt à les enchaîner qu'à les guérir. Avant tout on songeait à protéger la société, laissant au hasard ou au fouet le soin de la médication. Si donc , nous avions à conclure le traite- ment applicable aux aliénés de l'aspect extérieur des asiles destinés à les recevoir, nous arriverions à ceci , qu'un empri- sonnement solitaire accompagné de chaînes est le procédé le plus énergique pour corriger les écarts de l'intelligence, dis- siper ses chimériques visions, et lui rendre toute son élasti- cité; à quoi il faudrait ajouter que le meilleur moyen, pour réchauffer ou épurer des sentiments anéantis ou pervertis prtr la folie^ consiste précisément à les laisser s'éteindre et se cor- rompre davantage. C'est pourtant à ces inepties que mène le système de nos pères. Supposons, en effet, une âme un moment égarée, et qui, après un sommeil de quelques mois, de quelques années , le sommeil de la folie , se ré- veille tout à coup, se reconnaisse et cherche an dehors cette sympathie , ces vife élans dont elle se sent à la fois si avide et si riche. Elle est encore bien faible, bien sensible surtout; il lui faut, pour reconquérir son énergie première , une série de transitions douces, caressantes, comme cette lumière ve- loutée que l'on distribue à des yeux jadis éteints. Dans le 4emi-jour métaphysique qui l'environne encore, les objets tendent à prendre des proportions et des formes fantastiques, tantôt gracieux et séduisants, tantôt hideux et terribles. Eh bien, il faudrait la douce main de i'ange ou de la femme pour consoler, on mettait la main calleuse du geôlier pour punir; il fallait des fleurs et des sourires, on met- tait des grilles et des chaînes. Il en devait évidemment résulter.

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BN AHfiLBTERBB. 13

qa'efrayée par tant de bnitaliié, la pauvre âme toute trem- bhnte et toute attristée refermait ses ailes et se replongeait dans rabtme des désespoirs étemels. Les plus habiles inéde- diisn'y pouvaient rien et n'y pourraient rien encore.

Noos sommes heureux » néanmoins , avant de quitter cette partie de notre travail , de justifier, sur un point important, les fonctionnaires chargés de surveiller l'érection de nos étaUissements de province. Les commissaires ont évalué de 111 1 375 £ par aliéné, les frais de construction de chaque asile,— chiffre évidemment abusif et inadmissible pour l'avenir. Mais il est essentiel de remarquer qu'on n'en était, à l'époque de ces premiers travaux, qu'au début de la question. Tout était! faire, en architecture, en administration, en organisa- tion intérieure; aucun principe n'avait été posé d'une manière dèdsive, et il ne fiiut pas s'étonnet si bien des fautes ont été commises, bien des dépenses doublées, triplées par igno- rance.

Les sources d'erreurs ont été nombreuses, on le voit; mais si dies servent de justification pour les administrateurs pas- sés, il n'est pas bon qu'elles constituent, dans l'état actuel des choses, une fin de non-recevoir brutale et absolue. Il nous a donc semblé que le meilleur moyen pourries détruire serait d'instituer un comité de gens spéciaux et habiles , qui aurait pour mission de surveiller, de diriger les travaux de construc- tion, et de résoudre, par une expérience approfondie, les difficultés financières ou pratiques qui pourraient se présen- ter. 11 en arriverait alors ce qui est arrivé dans toutes les in- dostries on l'on a fait une place à la capacité et à l'énergie; ce qui est arrivé pour les filatures, les chemins de fer, les houil- lères, c'est-à-dire un perfectionnement continu correspondant à une diminution dépenses et de travail. A ce comité, si on rinstîtue,— comme à tous ceux qui existent aujourd'hui, nous nous permettrions de dire que la pensée dominante, dans la c(mstruction d'une maison de fous, doit être d'éviter, à tout prix, ce qui pourrait éveiller chez le malade des idées d'em- prisonnement et de violence. Il serait bon que le mur d'en-

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tk LA DERNIÈRE ESQCÈtE SUE I.CS JMAISONS d'ALIÉNÉS

ceiolie se développftt sur une étoiidtte de leriaia aaaez vasie pour ae pas anéler Tessor de la vue, iouien satiâfaisani œ- pendant aux oonditiona de sécvité ei de bon ordre.

La stalîstique des aUénés servira d'ailleurs à nous indiquer combien il importe d'améliorer le plan des édifices destiiiés à les recevoir. Après un examen réfléchi des rapports et docu- ments relati& à la question , les commissaires disent : a Le nombre des aliénés existant en Aagl^barre et dans le pays de Galles s'élève, oiieiêUementy à 20,000, et nous avons tout lien de croire que ce chiire est considérablement au-dessous de la réalité. Les fous appartiennent à toutes les classes de la sc^ ciété, mais la plupart et cela dans la proportion des deux iîers relèvent de la charité publique et sont entretenus , Iraités aux frais de la société* Nous croyons que les com- missaires ont parfoitement raison lorsqu'ils considèrent le ààSre de 20,000 aliénés comme hasardé et très -modeste. Nous le croyons surtout très-hasardé relativement à la classe pauvre, et cela .pour les deux raisons suivantes : en premier lieu, les administrateurs municipaux des pauvres répugnent, par des motife d'économie , à donner au complet le nombre ^e leurs aliénés; en second lieu, il est une immense quantité d'aliénations temporaires ou périodiques que l'on ne peut nigaaler que dans le cas elles coïncident précisément avec l'époque se rédigent les documents officiels. »

Les commissaires se sont étendus longuement sur la situa- tion de la maison de Hanvell, qui contenait, lors de leur der- nière visite, 984 malades, sur lesquels 30 seulement laissaient qudque espoir de guérison. Us ont fait suivre ces résultats dou- loureux de réflexions relatives au nombre immense des alié- nés incurables et pauvres qui peuplent nos asiles publics (1] :

« Si nous avons appelé l'attention du gouvernement d'une manière aussi spéciale sur les aliénés pauvres du ]!^liddlesex,

(1^ La Revue Brîtm^nique a plusieurs fois eniretenn ses leeteaM et ce eurieni étabUsMment, et réoemmenc encore dans la livraison de décembre 1SI4.

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KM AMLETEBBB. fS

c'est que les mau que non» avraos à sïguBkr s'y sont déve- loppés pins rapidemenl , phis dmgeretMement qa'aillearsy el ODt acquis une înleiirité menaçaiite. Mais la situation «ht comté de Laneaatre démontre que ees maux n'ont rien de lo- cal ni de partieaKer an Middleaex. En 1816, Tasile onrert dans le Laneastre était destiné à IM malades ; il en contient aujourd'hui 600 , et nous savons qu'il eiiste encore plus de 500 aliénés panrres anqnels il est impossible dY donner re- fige. I>es renseignenieiitspris dans l'asile nons ont rérélé que la plupart des malades admî^ n'y sont parrem» qu'après aroir fait, dans les workhooses, un séjour aaaes long pour enlèvera jamais tout espoir de goérison.

B L'asile dn comté de Snmy s^ourrit en IWl. Le médecin atladié à l'administration fit une ronde dans toutes les mai- 90« de fous lenoes par des indiridus patentés, et y choisit âM aliénés pauvres qui furent immédiatement installés dans l'asile 'dn eomié. Au moment de notre dernière visite, ce chiffre s'était élevé à 385 malades dont la folie, à l'exception de 37 d'entre eux, remontait déjà à plus de 12 mois. Sur les 3M aliénés pauvres que contiendrait le 9urrey, d'après tes rapports rédigés par la commission des pauvres, 382 ont été accneillîs dans l'asile, et sur ces 382, il en est au moins 86SF réputés încnrabies. Stupéfaits d'un résultat aussi déplorable, nous demandftnes si les inspecteurs habituels de rétablisse- ment avaieat fait quelques efforts pour arriver à ce qu'on leur enrayât les malades au délwt même de la folie. Notre stupé- btAou s'aeerut ei«oye, car on nous répondit qu'on n'avait rien léaeln à cet égard. En lace de teb Ikits, S nous est permis dedife qoe si PonneseliAtede mettrai la portée des hommes de l'art les caasweeptiMes de guérison , et si Ton n''avrse i faire èfscoer, en eas^ besoin, les sriles occupés par les 14- cmabies, an ééliinwiil de ceux dont la felie est ou récente, on aana gravilé, le comté de Snrrey, avec son excellent asile, ctocsaéia bicnlét àh cmiditiott faûnentable da comté de Lan*

cartre €• même dn Middlesex. n Ces ebaetvHîefls apons conduisent immécfiatement à signa*

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16 LA DSRiriÈRE ENQUÂTE SUR LES MAISONS D* ALIÉNÉS

1er les causes qai encombrent nos asiles d'aliénés incurables, et privent ainsi des secours de la science ceux qui pourraient renaître à Tintelligence. Ce n*est point le lugubre avertisse- ment du Dante qu'il faut écrire sur les murs de nos h6pitaux ; ce n'est même pas le peut-être de Montaigne, c'est l'espoir sublime que Moïse jeta aux Hébreux le jour il leur promit la terre aux ruisseaux de lait et de miel.

a Les caractères de l'aliénation mentale diffèrent essentiel- lement de ceux que présentent les autres maladies. Dans un certain nombre de cas, le malade ne guérit ni ne meurt et vit souvent même très-longtemps à l'état d'incurable. A ces mal- heureux il faut sans doute un refuge ; mais les désordres de leur intelligence étant de ceux qui échappent à tous les efiorts de la médecine , il est évident qu'on ne saurait, sans absur- dité, les retenir dans des lieux destinés précisément à la gué- rison de maladies moins graves, moins avancées. II y a donc ici un premier sacrifice à faire en faveur des insensés suscep- tibles d'un retour à la raison, et un second en faveur du bon sens.

» Au reste, les dépenses énormes d'une maison d'aliénés seraient évidemment superflues pour des incurables. Une infi- nité de services, tels que celui des médecins, des infirmiers, exigeraient à la fois moins d'individus et moins de frais, et il n'est pas douteux qu'un établissement qionté sur une échelle moins coûteuse ne pût suffire pleinement à tous les besoins.

» Nous citerons, comme une triste consécration de ces re- marques, la rapidité avec laquelle se sont multipliés les aliénés dans l'asile de Lancastre. Du 25 juin 18ii^3 au 24 juin 18V3, le nombre des admissions y a été de 267 individus. Pendant la même période les sorties ont été de 103 individus seulement, et les décès de 71, ce qui fait que la population de l'asile s'est accrue, en une seule année, de 93 malades, dont la guérison n'a pu être obtenue pendant la première année, et est devenue, par cela seul, plus problématique. Tous nos établissements de province sont actuellement menacés d'un encombrement ana- logue, et il semble qu'une fatalité bien malheureuse pèse sur

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KX ANGLKTEBBK. 17

toate cette question, car, non-seulement on n'a pas cherché à airéter, à détruire ces anomalies funestes, mais les directeurs em-mêmes de ces importants établissements en ont méconnu ou méprisé l'imminence.

» Nous sommes heureux de faire une exception en faveur des magistrats chargés de surveiller les établissements du West-RidÎDg (comté d'York), et des comtés de Nottingham et deStafford ; ils ont permis la substitution des malades nou- veaux aux anciens. Remarquons, cependant, qu'à côté et au- dessus du renvoi des incurables dans des refuges spéciaux, se place la nécessité d'admettre tous les aliénés qui présenteraient des chances de guérison : l'un n'est qu'une question d'écono- mie, l'autre est une question d'humanité, et il la faut résoudre promptement.»

De tels faits, exposés par des hommes aussi sérieux, ne laissent pas de doute sur l'imminence du mal et l'urgence du remède; mais nous croyons cependant que l'évacuation de tons les malades incurables ne saurait être jamais qu'un pal- liatif, et même un palliatif temporaire. C'est plus haut qu'il but viser pour arriver à la réforme des abus actuels, et c'est à raatorité qu'il appartient de porter les coups. Voici comment. Il semble tout d'abord que notre premier soin dans cette grave question doive être le soulagement immédiat des alié- nés. Cela est. fort admis en théorie , mais l'est infiniment moins dans la pratique et dans la loi. Pour tout observateur atteotif, en effet, il est évident que le parlement s'est beaucoup pins préoccupé de la sûreté générale que du bien-être ou de la guérison des malades. C'est un petit reste de barbarie qu'il est bon de porter an passif de notre civilisation. Les instruc- tions adressées aux administrateurs des pauvres leur en- joignent de diriger sur les asiles de comtés tous les insensés devenus dangereux ;' d'où il suit qu'ils gardent habituellement dans les workhouses tous ceux dont la démence ne fait que dé- buter. Nos asiles de province ont été ainsi transformés en lieux de sûreté, en geôles, et ont perdu leur caractère dis- tinctif, celui d'hospice ou de maison de santé.

5* SÉBIE. TOME XXVII. 2

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18 LA DERNIÈRE ENQUÊTE SUR LES MAISONS D* ALIÉNÉS

Les commissaires chargés de 1 enquête, en fiétrissaDt éner-' giquement ces désordres , les attribuent , en grande partie, à l'incurie des magistrats chargés de l'inspection des maisons d'aliénés. Ces reproches sont justes au fond , maïs nous ne croyons pas qu'on puisse les concentrer sur la tète des inspec- teurs. L'autorité dont ils sont investis ne suffît pas à la grau* dcur de la tâche , et tandis que les admiaistrateurs parois- siaux jouissant du droit exclusif, discrétionnaire, d'envoyer les fous dans les asiles, leurs fonctions se bornent à surveiller le traitement et l'administration intérieurs. Aussi, qu'arrive- t-il ? C'est que les commissaires municipaux des pauvres, omis par de tristes idées d'économie, ont une tendance constante à ne laisser échapper des workhooses que ceux des aliénés dont la folie a atteint le degré naît la fureur et expirent les ressources de l'art. Tant que les workhouses resteront un refuge ouvert aux insensés, tant que les administrateurs des pauvres conserveront le droit qui leur a été si imprudem- ment confié , il faut s'attendre à voir se perpétuer les désor- dres, les dangers signalés par les commissaires actuels et par ' tous ceux qui les ont précédés. Il nous a été, jusqu'à présent, impossible de concevoir une bien haute et favorable opinion du talent, de l'expérience, ou des. sentiments philanthropi- ques de nos fonctionnaires municipaux ; nons noss permet- trons même de penser que le parlement leur est infiniment supérieur sous ces divers rapports, et qu'il serait sage de toi attribuer le-pouvoir de déterminer i qneUe période de Talié^ nation il peut être bon que \a société avertisse l'individu de 9on mal. Nul doute, donc, qu'à la première invasion de la fo- lie, tout pauvre ne doive être aussitôt dirigé snr un étaUisse- ment il recevra les secours de la science, et le» mille soins sans lesquels la guérison est impossible.

Appliquons, pour un moment et par h pensée le système précédent à d'autre» classes de maladies et d'hôpitaux. Sup- posons qu'un indigent atteint d'une pneumonie soit envoyé dans un workhouse ; supposons encore qu'il j soit retemi sins traitement, jusqu'à ce que l'inflammation ait oonpronis

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BIT ANGLETERRE. 19

à januds les orguies de la respiration» et ne- soit envx>yé dans un hôpital qu'an moment ok toute guérison est devenue im* possible; certes, il n'y aurait qu'un cri pour flétrir l'ineptie et h barbarie d'un pareil système. Et cependant le malheureoi: atteint d'un mal purement phpique peut percevoir ce mal, le joger, le diriger même. Il sait que le remède à ses souflPirances, il dmt le trouver dans un bApitat , et il s'y traîne , l'espoir au c^ur. Mais lorsque le mal a frappé à la tête, lorsqu'il a désor- ganisé le sublime appareil de la pensée, l'homme, courbé sous une main fatale, n'a plus même l'instinct de sa guérison et de sa consaration. Il ne sait pas qu'il est des remèdes à cette maladie dont il ne peut avoir conscience , qu'il subit comme on subit l'ivresae, et s'il n'a pas à c6té de lui une âme plus forte, une raison plus vigoureuse , s'il n'est pas conduit forcé- ment devant ceux qui le doivent traiter, les ténèbres s'abais- sent à jamais sur son intelligence pour en faire , concurrem- ment avec nos judicieuses méthodes, un objet éternel de pitié pour ses semblables , et une charge permanente pour sa pa- roisse.

Pour prouver» d'aUlenrs, combien peu sont chimériques on exagérés tons ces désordres, nous nous contenterons de con- signer les chiffres que nous avons recueillis dans la statistique générale des aliénés renfermés dans les maisons d'Angleterre et du pays de Galles (!].

Aliénés appartenant à la classe

ricèe OQ aisée 3,790 Aliénés pauvres 7,482

Snsoeptibles de guérison. . . . 1,045 SuseepUbles de guérison .... 1,484

Incurables 2,745 Incurables 5,998

Ces chiffres nous indiquent déjà ce fait immense que la pro- portion relative des pauvres incurables est double de celle donnée par les aliénés aisés , dont on a pu surveiller et trai- ter plus immédiatement la folie. Mais si nous ajoutions aux chiffres ci-dessus la statistique des incurables qui peuplent

(1) Général s fofamanf of imanê persons confined in th$ asylvms of EngUmd and Wale$y Ut. Jan, 1844.

2.

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20 LA DERNIÈRE ENQUÊTE SUR LES MAISONS D* ALIÉNÉS

les workhouses , nous arriverions à des résultats terribles cl devant lesquels il serait presque beau de pâlir.

Le workhouse est un refuge parfaitement convenable pour les constitutions ruinées et sur lesquels le repos opère comme la meilleure des médications. Il est même certains cas d'alié- nation mentale qu'on y pourrait conserver, sans inconvénients graves , pendant les premières phases du mal ; mais rien au monde ne saurait justifier notre système actuel. Enfermer dans an workhouse le malheureux qu'un accès de folie vient de frapper, et ouvrir les maisons d'aliénés à ceux-là reconnus in- curables , c'est tout simplement une monstruosité. Du reste , les résultats bienfaisants qu'il est permis d'attendre des rè- glements nouveaux qui prescriraient de diriger immédiate- ment sur l'asile le plus voisin et les individus atteints de folie, ces résultats, disons-nous, apparaîtraient aussitôt, quant au bien-^tre de ces individus; mais les résultats généraux de la réforme ne se manifesteraient que dans quelques années. Dès demain, en effet, on peut doubler, tripler le nombre des alié- nés guéris; mais, pour arriver à débarrasser nos hôpitaux de l'immense population d'incurables qui les encombre, il faudra se servir, en le modifiant, de l'instrument qui a produit cet encombrement, le temps. Seulement, nos pères avaient ajouté à l'action desannées celle de l'ignorance, de la frayeur, de la violence ; nous y ajouterons celle des lumières et de la douceur.

Et qu'on ne suppose pas, d'après toutes les observations contenues dans ces quelques jpages , que nous regardions comme d'une importance secondaire la nécessité l'on est de protéger le public contre les violences des aliénés. Loin de ; cette protection nous semble légitime, impérieuse, essen- tielle. Mais nous avons contesté et contestons encore au régime actuel le pouvoir de la créer, et nous osons redire que le seul moyen pour mettre à l'abri les individus sensés con- siste à donner aux insensés la faculté de se guérir. Or, ce but on l'atteint en les dirigeant immédiatement dans les asiles de comtes.

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EN A5GLETEBRE. 21

Nons n'abandonnerons pas cette partie de notre travail stas condamner les expressions dont on se sert dans les mai- sons de fous ; ce n'est pas seulement une question de gram- maire, comme on va le voir» c'est avant tout une question d'hamanité. Ainsi, les certificats qui constatent l'aliénation chez un indigent, et les ordres qui prononcent son admission dans un asile sont intitulés Ordreê de Détention (commitment papers) ; lai-méme est « détenu » (committed ) , enfin, les in- firmiers sont appelés « gardiens. » N*y a-t-il point un déplo- rable, un cruel abus de mots, et ces paroles ne nous font-elles pas rêver à des geôles lugubres plutôt qu'à des asiles de cha- rité? Nous ne saurions trop recommander le rejet de pareilles expressions, car, peu à peu, elles réagissent sur les esprits, et font considérer les établissements d'aliénés comme des lieux de sùrelé^ beaucoup plus que comme des lieux de guérison. Du reste, ce sont des réformes de détail, et qui devront céder le pas aux immenses améliorations que réclame l'admi- nistration intérieure des asiles. A vrai dire^ tout y est à refaire depuis la base jusqu'au faite, à la foi» dans l'intérêt des ma- lades et dans l'intérêt général. La première question que nous ayons à nous poser est celle-ci : « Est-il avéré qu'aussitôt son admission dans un asile le malade y reçoive toute la part qui loi est due de soins , de secours , bien-être? Tout est-il conçu et exécuté dans l'intérêt de son rétablissement le plus rapide, et cette considération suffit-elle toujours pour faire taire les autres?» Il est à craindre qu'une petite incursion dans l'intérieur de nos établissements ne nous fasse répondre négativement à cette question , la première , la plus grave de toutes. Et d'ailleurs, que nous enseignerait une visite faite dans les formes ordinaires, et aux heures se font ordinai- rement toutes les visites? Il se peut qu'à ces heures-d'apparat l'établissement prenne un air de propreté, d'ordre, de gaieté tout à fait étranger à ses habitudes de chaque jour ; c'est l'histoire des visites faites dans les pensions par les parents, dans les bureaux par les chefs. En un clin d'œil les classes se peuplent d'élèves studieux et pleins d'avenir; les bureaux

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22 LA DERNIÈRE ENQUÊTE SÛR LES MAISONS D* ALIÉNÉS

d'employés qui ne connaissent pas le sommeil. Mats aussitôt Torage passé, l'employé reprend philosophiquement sa sieste et l'élève son pensum. Plus une visite sera officielle, moins elle sera concluante, quant à l'aspect général de l'établissement, car moins les directeurs auront négligé cette sorte de toilette des grands jours, qui doit lui concilier l'estime des commis^ saires inspecteurs. Il fout donc aller au delà d'un simple coup d'œil ; il faut gratter l'écorce , et c'est ce que nous avons pu faire. Voici le résultat de cet examen approfondi.

Et d'abord, nous avons étéconstamment indignés, dans notre longue pérégrination, par une coutume barbare qui s'est im- plantée jusque dans nos asiles les plus renommés. Cette odieuse coutume consiste à exciter, à exagérer, s'il se peut, les singu- larités d'habitude ou de caractère de chaque malade pour fournir aux visiteurs , officiels ou non , des tableaux plus on moins récréatifs. 11 nous a été impossible de ne pas nous éle- ver avec force contre cette mise en scène scandaleuse ; il nous a même semblé qu'elle avait souvent pour but d'acheter l'in- dulgence des inspecteurs, et de voiler, par le cruel attrait de quelques incidents rares , les abus d'une administration peu sûre d'elle-même. Nous serions heureux de nous tromper ici; mais, quel que soit le motif, il démontre une assez petite somme de compassion et d'égards envers les malheureux que l'on fail ainsi grimacer au bénéfice du public. En effet, l'exci- tation que l'on produit ici sur l'aliéné est à la fois pénible , en ce qu'il met en jeu des organes inertes et sensibles, et dange- reuse, en ce qu'elle confirme le mal et l'aggrave. Tout ceci a été parfaitement compris dans nos établissements la science moderne a été consultée; là, tout ce qui pouvait égayer, dis- traire le spectateur a été sévèrement écarté ; son attention, noblement intéressée par des scènes d'ordre, de calme, de régularité, s'élève à la dignité des souffrances qu'il contemple, et il se trouve qu'au lieu d'emporter de l'asile une série d'anec- dotes , il s'en va le cœur plein de graves et saintes émotions qui tournent au profit des malheureux.

Nous passons maintenant à l'examen des moyens qu'il fau-

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£fr ANGLETERRE. 23

drait adopter poar débarrasser nos asiles de Timmense quan- tité d'incarables que les vieilles idées» les vieilles pratiques et les vieux docteurs y ont fait affluer jusqu*à ce jou^. Le premier point à déterminer c'est la nature et l'importance des secours qu'exigent encore les cas réputés incurables. On a prétendu que les aliénés à jamais perdus pour Tart n'exigeaient pas plus de sollicitude» de soins, que les malades non atteints de folie, et que, par suite, le régime du workhouse leur convien- drait parfaitement. Il sera facile de démontrer combien de teOes idées sont erronées. Il est nécessaire d'observer que le mal des insensés a pour siège l'organe principal de l'homme, et que l'empire de- cet organe est tellement absolu , que ses moindres secousses, ses plus légers désordres retentissent aussitôt dans tous les autres. D'où il suit que tout aliéné doit être envisagé comme un malade à qui il faut nécessaire- ment consacrer une certaine somme d'attention et de soins. Nous irons plus loin ^mème , nous dirons à qui il